Carnets de voyage
Juillet-août 2006 La mouche sans raison Le Puits des Suisses
Par Dominique Rocher L'île d'yeu, entre le Marais Salé et Cadouère Mercredi 16 Avril 1997, 9h27 Le chemin du Puits des Suisses m'avait toujours fait marrer. Si en cherchant bien on pouvait encore y dénicher, perdu dans les ronces, l'un des innombrables puits de pierres sèches posés, ça et là, à travers toute l'île, les Suisses manquaient à l'appel depuis l'époque où le gouverneur en place, poussé au cul par les Sans-Culottes, avait dû les renvoyer dans leur Vaudois natal. Enfin, c'était ma version des faits en attendant les démentis, à coup sûr contradictoires, des deux historiens locaux qui se tiraient la bourre par opuscules interposés. En cette cynique fin de vingtième siècle, l'influence helvétique se limitait désormais aux comptes numérotés qui avaient permis la construction des somptueuses résidences secondaires réparties de part et d'autre dudit chemin. A quelques fautes de goût près, rien que de la belle ouvrage respectueuse de l'environnement et d'une adamantine fidélité à la tradition. La retraîte du professeur Marcsiezewer n'échappait pas à la règle... Celà faisait déjà vingt-quatre heures que j'avais déclenché l'opération 4X4. "Oyaturbo" et "La Manivelle" - les deux loueurs islais - nous avaient appris que dix-neuf véhicules répondant, à peu près au signalement étaient en circulation.Chiffres auquels s'ajouterait, quand la préfecture aurait trouvé cinq minutes pour nous répondre, celui des tout-terrain appartenant à des particuliers. Huit infructueuses visites avaient été effectuées. Le professeur Marcsiezewer, économiqte de haut vol, Maître de conférences à l'Université de Paris-Dauphine, était donc notre neuvième client. Ce fut son épouse qui vint à notre rencontre D'une taille au-dessus de la moyenne, la soixantaine svelte, les cheveux gris coupés courts, le visage finement ridé, elle nous avait toisés de son regard d'acier. - Bonjour messieurs, que puis-je pour vous? articula-t-elle avec ce qu'il fallait d'aimable condescendance pour nous rappeler, à toutes fins utiles, nos populacières origines.... - Excusez-moi, madame, mais mon collègue et moi aimerions savoir si votre mari est bien le malfrat qui , dans la nuit de samedi à dimanche dernier, a fracturé la porte d'une résidence secondaire avant de blesser grièvement une jeune fille et de prendre la fuite... - Simple vérification, ajouta Kepler. - Claire-Lise, qui est-ce? s'enquit une voix étouffée par les coussins du salon. - Charles Henri... finit-elle par déglutir, la glotte en vrille, au moment où ledit prénom composé condescendait enfin à paraître. Ascétique, le port toujours altier malgré les décénnies d'études qui lui avaient voûté les épaules et blanchi les tempes, Charles- Henri portait beau dans son négligé de soie indienne. - Que vous arrive-t-il mon amie? s'alarma-t-il sans nous dissocier du paysage. Blême, Claire-Lise nous désigna de son index osseux bagué d'or fin. - Ce sont ces messieurs qui ... Dominique Rocher La mouche sans raison Editions Publibook, Paris 2004 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Extrait n°10 Copyright Dominique Rocher 2004
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