Carnets de voyage
Décembre 2006 - janvier 2007 Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance Le principe de Roncat par Jean Noël Contensou
Après ce stage d’été, les cours reprirent en deuxième année. Un jour le groupe culturel et le groupe « Ingénieurs du monde » firent une réunion commune autour d’un apéritif, à l’occasion du passage d’un jeune ancien qui avait passé quelques années en Afrique centrale. Ils parlèrent développement, mondialisation, le mot « technolâtrie » surgit dans la conversation. L’ancien dit que c’était un problème compliqué, où rien n’était ni tout blanc ni tout noir, mais qu’il connaissait un professeur de l’ENIS qui était assez percutant sur le sujet ; tellement que paradoxalement, il n’osait pas trop en parler. Mais si on prenait l’initiative d’aller le chercher, il accepterait certainement de faire une conférence. C’était Monsieur Roncat, professeur d’automatique, que Candide devait avoir comme professeur quelques semaines après. Monsieur Roncat présenta une transposition du deuxième principe de la thermodynamique du domaine quantitatif au domaine qualitatif. M. Roncat présenta sa démonstration sous forme scolaire, avec des lemmes et une conclusion. Son premier lemme, ou lemme de l’ordre, énonce qu’un état de satisfaction est un état d’équilibre improbable, qu’il faut des efforts pour l’acquérir, et que toute perturbation de cet équilibre conduit à diminuer la satisfaction. Tout simplement parce que la loi de la nature, c’est d’aller du moins probable au plus probable, exactement comme une chambre d’enfant a la propriété générale de passer très rapidement de l’ordre au désordre. Son deuxième lemme, il l’appela le lemme des interférences. Il dit que notre satisfaction générale est composée d’un faisceau de satisfactions dans des domaines très divers. Par exemple il y a le domaine musical, et l’un de nous peut avoir la satisfaction d’y jouer du cor de chasse ; il y a le domaine pictural, où un autre peut avoir la satisfaction de barbouiller des croûtes. Son lemme, il l’énonce alors en disant que ces domaines ne sont plus cloisonnés, que quand on touche volontairement à l’un, on touche involontairement à l’autre. C’est le temps du monde fini aurait dit Paul Valéry, aujourd’hui on dirait plutôt que c’est celui de la mondialisation. Alors qu’autrefois on pouvait jouer du cor de chasse au fond des bois et ne gêner personne, aujourd’hui on en joue dans un HLM et on dérange tous les voisins, évidemment s’ils jouent du piano, mais aussi s’ils font de la peinture ou n’importe quoi d’autre. Toucher au domaine musical conduit à toucher au domaine pictural. Les cloisons du HLM sont de plus en plus minces. De ces deux lemmes il déduit alors le théorème des perturbations : que toute initiative pour augmenter la satisfaction dans un certain domaine perturbe l’équilibre d’autres domaines (lemme 2), et que cette perturbation conduit à une dégradation de la satisfaction qu’on éprouvait dans ces autres domaines (lemme 1) ; ce qui va obliger à remonter la satisfaction dans ces domaines, ce qui va perturber etc., cela continue sans arrêt, on n’en sort pas. Jean Noël Contensou Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance Editions Publibook, Paris 2005 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Extrait n°20 Copyright Jean Noël
Contensou 2005
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