Carnets de voyage
Décembre 2006 - janvier 2007 Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance Projet par Jean Noël Contensou
Une liaison ondes courtes entre soutien-gorge et lunettes avait été mise au point pour relier les deux parties de l’appareil. Un circuit de reconnaissance vocale avait été ajouté dans les coutures supérieures pour remplacer les commandes digitales. Tout marchait bien ; il était resté quelques problèmes de miniaturisation et de résistance à l’eau chaude des lave-linges, mais comme c’était un « challenge » technique très porteur que de vaincre les obstacles en question, il fut facile d’obtenir de la grande direction aux Etats-Unis les crédits pour les recherches et développements correspondants qui serviraient toujours, quelle que soit l’issue du projet. Au moment du stage de Candide, les difficultés techniques étaient résolues, on en était donc au point de roder la chaîne de fabrication prototype. Il s’agissait de tester le concept aussi bien sur le plan industriel que sur le plan commercial. En effet certains responsables marketing de la Coseco étaient aussi perplexes sur le projet « dans les habits » que sur le projet «doigt dans l’oreille» ; on dit qu’ils avaient baptisé le projet de la Coseco le projet doigt dans l’œil». Ces opposants argumentaient que le soutien-gorge avait une connotation érotique marquée que la clientèle voudrait préserver, ils voyaient mal les amoureux des deux sexes intégrer le déshabillage du portable dans les préliminaires de leurs ébats. Ce à quoi les autres répondaient que c’était une question d’habitude, que d’ailleurs le romantisme réduisait sans cesse ses prétentions, que de toutes façons le dégrafage du soutien-gorge téléphonique serait pour les jeux amoureux une perturbation bien innocente au regard des manipulations disgracieuses auxquelles conduisait aujourd’hui la lutte contre le sida. De plus on pouvait faire confiance aux maisons de lingerie pour cacher ou valoriser le mieux possible la faible incidence visuelle de l’appareil ; on les avait contactées, elles s’étaient montrées très favorables à un développement de la technique coquine. Les opposants mettaient aussi en avant le fait qu’on ne voyait pas quel équivalent imaginer pour les hommes, la cravate étant trop flottante et en perte de vitesse, et qu’une telle ségrégation entre sexes pouvait être mal ressentie. Mal ressentie par qui ? leur répondait-on. Par les hommes évidemment, et on voit mal pourquoi ce serait eux qui commanderaient les décisions d’achat en la matière, le téléphone dans le soutien- gorge pouvant au contraire devenir un vecteur d’émancipation dans certains pays aux habitudes machistes. Pour concilier les deux camps, l’idée de conduire une campagne d’essais à grande échelle avait réuni un consensus. En effet les sondages auprès des femmes n’avaient pas conduit à des conclusions nettes, le produit était trop nouveau pour que les sondées sachent exprimer des opinions claires. Jean Noël Contensou Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance Editions Publibook, Paris 2005 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Extrait n°18 Copyright Jean Noël
Contensou 2005
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