Carnets de voyage
Décembre 2006 - janvier 2007 Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance Concept par Jean Noël Contensou
Un silence suivit ces longues considérations. Les trois amis avaient suffisamment mûri pour savoir qu’on ne sortait pas d’une discussion avec des vainqueurs et des vaincus et qu’il ne servait à rien d’argumenter davantage à cette heure tardive. Ils avaient déjà à digérer l’étonnement d’avoir découvert un aspect profond de leurs personnalités mutuelles, y compris chacun la sienne propre, cela agitait assez leur esprit. Mais cela n’empêcha pas la passion de redescendre par un palier intermédiaire. Pierre voulut encore ferrailler un peu en épinglant Henry sur les limites de ses connaissances scientifiques élémentaires, en le collant sur des sujets auxquels il s’intéressait à cette époque. Savait-il combien il y avait de formes d’arcs-en-ciel, comment évoluait leur apparence selon que les gouttes d’eau grossissaient, diminuaient ? Est-ce qu’il avait une idée précise du mode de formation des éclairs ? Henry se défila, et Pierre railla les scientifiques d’aujourd’hui, peut-être capables de sortir des formules compliquées sur des sujets artificiels, mais incapables d’expliquer les phénomènes élémentaires qui intriguaient nos ancêtres et ne nous questionnent plus. Serait-il même capable d’expliquer l’apparence d’un feu de bois ? Tuer l’étonnement et l’interrogation scientifique, voilà le résultat des études scientifiques poussées dans le gosier d’étudiants incapables de vraiment s’interroger. Et il leur confia son dernier sujet d’étonnement personnel : pourquoi était-il plus fatigant de monter un escalier que de le descendre ? Et il attendit leur réaction. Henry se tut car il n’entrait pas dans ses habitudes de se faire mettre en boîte. Candide répondit que c’était parce que dans un cas on perdait de l’énergie potentielle tandis que dans l’autre il fallait en gagner. « Oui mais comment mes jambes le savent-elles ? Elles n’ont pas fait d’études supérieures. Je plie mon genou sur la marche, je porte mon poids dessus ; si j’augmente un tout petit peu mon effort, je monte, si je le diminue un tout petit peu, je descends ; la différence entre les deux efforts est aussi petite que je veux, et pourtant le premier effort me fait monter, le second me fait descendre. C’est donc certainement plus fatigant de monter que de descendre, mais d’une quantité aussi faible que je veux, au lieu de cet écart bien défini entre deux énergies. Je travaille là-dessus en cherchant des articles de physiologie sur Internet ». Candide présuma que c’était peut-être dû aux frottements dans les muscles et les articulations, Pierre répondit qu’il ne se sentait pas encore arthritique à ce point-là, tandis qu’Henry se retenait de dire le fond de sa pensée : que Pierre était décidément un esprit tordu. Pour évacuer son ironie, il proposa d’aller chercher quelques boissons dans le frigo et la discussion s’arrêta là. Jean Noël Contensou Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance Editions Publibook, Paris 2005 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Extrait n°16 Copyright Jean Noël
Contensou 2005
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