Carnets de voyage
Décembre 2006 - janvier 2007
Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance
La réalité
par Jean Noël Contensou

Un élève demanda à M. Budet s’il n’avait pas le sentiment d’être un peu calculateur, et moyennement sympathique en disant cela. Il répondit que la vie professionnelle n’était pas un paradis, et qu’il fallait prendre sa part du mal qui rôdait dans le monde. La différence entre le responsable et l’irresponsable, c’est que ce dernier croit qu’il est inscrit dans les droits de l’homme qu’il pourra continuer toute sa vie à se faire plaisir en travaillant à ce qui l’intéresse, tandis que le responsable sait qu’il devra s’arrêter et passer à autre chose pour une raison ou une autre, et surtout, le plus dur, dire aux autres qu’il faut s’arrêter. Alors quand on dirige une équipe de techniciens, il faut un peu leur faire croire qu’ils sont là pour la vie, parce qu’il y en a beaucoup qui travaillent mieux comme ça, mais si on ne dépasse pas soi-même cet état d’esprit, c’est qu’on n’est qu’un technicien, même si on a des diplômes d’ingénieur. Un élève demanda alors si l’on était obligé de diriger des techniciens ; ne pouvait-on pas passer sa vie à travailler comme un scientifique, un peu comme à l’ENIS, où on ne dirigeait personne ? Alors M. Budet lui dit qu’il n’avait sans doute pas idée de la vie quotidienne et du genre d’activité de la majorité des ingénieurs. Même ceux qui se disent fortement impliqués dans la technique passent la plus grande partie de leur temps dans des réunions, à lire ou à écrire des rapports, à s’informer, à voyager, et pas à résoudre des problèmes de math ou de physique. Et quand
ils prennent de l’âge, il faut ajouter le temps passé dans des repas d’affaires et des ronds de jambe avec les clients.

Et de toutes façons la grande majorité s’éloignent de la technique avec les années, et s’en réjouissent. La carrière classique consiste, après s’être géré soi-même, à se cogérer dans un groupe, puis à gérer un groupe, en s’éloignant toujours plus du détail technique. Il ajouta que pratiquement, quand des affaires capotaient, c’était rarement pour de pures raisons techniques, mais plutôt pour des défauts d’organisation, des conflits de personnes, des cachotteries, des luttes de clans, des non-dits avec les clients.

Jean Noël Contensou
Candide, jeune ingénieur, fait de la résistance
Editions Publibook, Paris 2005


>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>   Extrait n°10


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