Spécial Elections au Medef

ConsultingNewsLine
Le pOint
30 juin 2018 
Interview :
Dominique Carlac'h

Fondatrice et Présidente de D&Consultants

Dominique Carlac’h, préside la société D&Consultants créée il y a 27 ans à Grenoble. D&Consultants est une société de conseil en stratégie et financement de l’innovation qui emploie à Paris 35 collaborateurs avec une parité absolue homme-femme. Depuis 2 ans D&Consultants connaît une croissance annuelle de près de 20 % et décline ses métiers du montage et de la gestion de projets d’innovation à la réalisation d’études économiques, stratégiques, prospectives et internationales. Ancienne membre de l’équipe de France d’athlétisme, Dominique Carlac'h préside le Comité Sport et la Commission de la Dynamique Entrepreneuriale du Medef et a été nommée membre du Conseil d'Administration de la Société de Livraison Des Ouvrages Olympiques (SOLIDEO) pour représenter les organisations représentatives des employeurs. En mai 2018 elle figure parmi les 9 candidats à la succession de Pierre Gattaz à la tête du syndicat patronal, seule femme à candidater, avant de rejoindre la candidature de Geoffroy Roux de Bezieux. Dans un long entretien à ConsultingNewsLine elle nous explique pourquoi, et nous présente son point de vue sur l’avenir des entreprises françaises dans la révolution 4.0 qui se déploie aujourd’hui et ce que doit être le rôle du Medef dans cette mutation


Dominique Carlac’h, nos lecteurs savent que vous êtes consultante en mangement de l’innovation et que vous avez des responsabilités au sein du Medef, mais peu vous connaissent vraiment. Pouvez-vous nous rappeler les éléments clefs de votre profil et leurs liens avec vos présentes responsabilités ?

Dominique Carlac’h : Je suis une pure littéraire au départ : baccalauréat classique option "math-philo", hypokhâgne et études de philosophie à Rennes (parceque née à Pontivy) dans le cadre de la filière "sport - études", en raison d’une activité sportive qui culminera en équipe de France, le tout poursuivi par Sciences Po Grenoble, toujours en sport-études, où j’ai terminé major, section "Service Public".


Ce qui vous destinait naturellement aux plus hautes fonctions de l’Etat ...

Dominique Carlac’h : (Rires) Devenir grand commis de l’Etat ou Eurocrate, en effet. Mais j’ai travaillé comme analyste à l’OCDE quelques temps et là j’ai basculé : « surtout pas l’ENA », mais le privé, les entreprises, le conseil, ai-je décidé... J’aime la noblesse de la fonction publique qui gère la cité, mais cela ne correspondait guère à mon tempérament. Je voulais m’engager dans des projets, or le temps et la chose publique – à l’exception du travail en cabinets ministériels – ne le permettait pas.  Le conseil au contraire, par l’accompagnement et l’atterrissage des projets dans un environnement de stimulation et d’agilité intellectuelle me permettait de me mettre au service d’une profession en m’impliquant pleinement. Cela me correspondait plus. Se mettre au service d’un objectif, dans des délais beaucoup plus courts et avec une obligation de résultat !


On sent le caractère sportif qui ressort...

Dominique Carlac’h : Pas seulement ! Le conseil allait me permettre d’assouvir une pulsion entrepreneuriale. Créer, faire fonctionner et développer une entreprise. Au-delà des projets, j’entrevoyais une construction. Un supplément d’âme.


Vous êtes-vous lancée d’emblée dans la création d’une société, sur une expertise particulière? Enquêtes, études, dossiers, un vieux fonds intellectuel acquis à l’OCDE ?

Dominique Carlac’h : Je ne connaissais pas l’entreprise et je ne voulais pas non plus plonger dans la pathologie de l’expert solitaire. On peut devenir une bête de somme, un robot, s’y on n’y prend pas garde, même avec une belle agilité. Je voulais une approche plus ouverte et m’investir pleinement dans une entreprise de conseil, participer à son développement. J’ai donc rejoint un cabinet déjà existant, celui de FrançoisDanel, ancien dirigeant de la R&D chez Alstom en région grenobloise. J’ai rapidement eu les coudées franches. Suite à la disparition de la vie professionnelle de mon patron, j’ai développé ma propre société, que j’ai appelée D&C, pour Développement et Conseil. Aujourd’hui, ça s’appelle D&Consultants.


Quelles étaient les spécialités de cette structure à ses débuts ?

Dominique Carlac’h : je me suis lancée sur 3 métiers qui restent importants aujourd’hui dans ce qui est devenu D&Consultants :  la stratégie, le financement, les politiques publiques et tout cela dans un cadre unique : celui de l’innovation.


Etre à Grenoble a-t-il constitué un avantage en termes de clientèle ? Rappelons au passage à nos lecteurs que cette agglomération renferme la plus haute densité de laboratoires d’Europe et possède encore un substrat industriel (Houille blanche, métallurgie et plasturgie) de premier plan...

Dominique Carlac’h :  Il y avait en effet un bassin industriel favorisant l’émergence des projets basés sur les transferts de technologies, permettant l’atterrissage des résultats de la R&D, mais les aspects financements et politiques publiques nous ont rapidement accrochés à des clients éloignés du lieu. Pour les PME locales comme pour les grandes entreprises, les consultants sont devenus des fertilisateurs. Un premier grand projet sera celui conduit pour Soprema en Alsace, un spécialiste des revêtements de toiture. A travers la politique du dirigeant, son équipe, et les missions que nous avons réalisées pour lui, on a fait passer cette ETI de 330 millions de CA à 2 Milliards en 10 ans, en leur montant des projets d’innovation que l’on a identifiésnotamment sur la base de l’évolution environnementale de leur règlementation sectorielle.


Quelque chose qui devient à la mode dans la construction et le bâtiment...

Dominique Carlac’h : Oui, sauf qu’ils étaient les premiers à s’intéresser au sujet. On a « verdi » leurs solutions technologiques en faisant appel au pin des Landes, un produit qui jusque-là était assez peu valorisé et servait à faire des sapins de Noël, des colles, de la colophane ou encore des chewingum... Pour Soprema on a mis en place la stratégie et trouvé les partenaires technologiques pour substituer les intrants chimiques par de la chimie verte à base de pin des Landes, puis trouvé le financement auprès de Bpifrance [Oséo au départ].


Salon des Entrepreneurs
Salon des Entrepreneurs 2018 : De gauche à droite, Geoffroy Roux de Bezieux, Dominique Carlac’h, Thibaut Lanxade et Moussa Camara


Cette philosophie de l’innovation reste-telle aujourd’hui votre marque de fabrique? D’ailleurs qu’est-elle réellement et comment peut-on la mettre en perspective de la révolution industrielle qui se profile ?

Dominique Carlac’h :  C’est celle du "passeur". A chaque révolution industrielle il y a eu des passeurs qui ont inventé un nouveau système économique (pas forcément social).  Les consultants sont les passeurs. Rien n’a changé depuis la première révolution industrielle, il y a toujours et encore des passeurs et pour la révolution 4.0 les consultants sont les passeurs.


Comment cette révolution 4.0 se distingue-elle des précédentes ?

Dominique Carlac’h :  Toutes les révolutions ont été basées sur un perfectionnement technique. Mais elles ne se sont déployées que lorsque le perfectionnement a été appliqué concrètement. La révolution c’est quand ce qui émerge est appliqué ! Pour la 1ère au XVIIIème siècle on a mécanisé pour être plus productif. Pour la 2ème fin IXème siècle début du XXème on a mis en place une production de masse, à la chaine.  Après la 2ème guerre mondiale la troisième révolution a vu la mise en place progressive de l’automatisation. Au début du XXIème siècle, la révolution dite 4.0 personnalise en masse les objets et les services en fonction des désidératas, des goûts, des spécificitéset des cultures : bleu, rouge, anglais, français, vegan, kasher, halal... c’est le 4.0 ! Et celle-ci repose sur 2 piliers : l’information et la production agile. On capture les besoins et les demandes - et là on utilise massivement la data - puis on fabrique à la demande. C’est le paradis des modes, des mini-séries, des objets dédiés, voire uniques. La révolution 4.0 comme les précédentes s’appuie sur les technologies émergentes dans leur plus grande sophistication, et à l’autre bout de la chaine la production hyper automatisée et flexible, les imprimantes 3D etc... c’est le paradis du numérique et de la robotisation basée sur un lien étroit entre la data et la production agile, pas nécessairement automatisée d’ailleurs si l’on sait satisfaire le client autrement.


Les exemples au quotidien sont nombreux en effet. Y en a-t-il de particuliers dans les secteurs professionnels pour lesquels le 4.0 devient la règle ?

Dominique Carlac’h :  Tous les secteurs sont impactés, mais pour certains cela devient stratégique. Regardez le médical, la santé. On n’y a jamais autant perçu le poids des associations de patients sur l’organisation des soins, la production pharmaceutique et de manière générale sur la prospective des entreprises de santé. Les grands laboratoires et les fabricants d’équipements sont morts s’ils ne captent pas les signaux du marché. Les patients sont informés, peuvent voyager, comparer, se soigner ailleurs. L’innovation aujourd’hui relève de l’écoute et du fine tuning qui concernent aussi bien les modes d’administration que la prise en charge globale des patients. Autre exemple, l’automobile et plus généralement les transports. Voyez Valéo, ils sont partis d’une entreprise qui faisait des démarreurs. Aujourd’hui ils vendent à Peugeot, à Renault, des équipements variés et qui non seulement réalisent les fonctionnalités qui leurs sont demandées mais qui captent les comportements de l’utilisateur, ses préférences, ses habitudes, ce qu’il aime, ce qu’il fait mais aussi l’état des composants en temps réel pour la maintenance préventive. Ce qui était réservé au haut de gamme de l’aviation est aujourd’hui proposé à tout conducteur lambda sans même qu’il s’en rende compte.


On voit maintenant les cabinets conseil annoncer leurs multiples compétences en data, cloud, innovation, changement... N’exagèrent-ils pas tous un peu sur leurs compétences alors que pour bon nombre les dernières années ont été passées dans du pur management "dégressif" ?

Dominique Carlac’h :   Aujourd’hui ceux qui réussissent sont ceux qui savent faire le lien entre la démarche, les goûts du consommateur et les systèmes productifs. Les exemples ne manquent pas : la santé déjà évoquée mais l’informatique grand public aussi. Prenez Apple, vous allez dans leurs boutiques, ils prennent tout en compte, vos souhaits, les technos adaptées, les prix, les paiements, et surtout, le parcours client. Ils répondent à toutes les cases ! Pour mettre en place tout cela, on peut se faire seconder par une société de conseil. Mais là, il convient de s’assurer que cette société a des compétences sur l’ensemble de la chaîne de valeur : perception, analyse, production... c’est la mort des ingénieurs experts conseil assis sur la techno et l’état de l’art. Aujourd’hui au cœur du jeu il y a l’aspect psychologique, l’économique, et le productif dans un système intégré et devenu mondialisé, avec des contraintes sociales, sociétales et environnementales. Celui qui ne peut traiter toute la chaîne avec compétence ne peut prêter conseil à un client ! Et ceci est général, quelque soit le métier. Prenez l’agro-alimentaire. Pour vendre des barquettes de biscuits il faut savoir aussi bien traiter les données des consommateurs dans les gondoles que la problématique environnementale sur le produit (huile de palme par exemple) ... Les consultants doivent vous aider à détecter auss ibien les comportements d’achat que les signaux faibles des évolutions sociétales et in fine vous aider à produire et à délivrer. Ils doivent tout prendre en compte et vous aider à faire accoucher vos projets.


Le numérique change-t-il la donne aussi pour les consultants, en interne notamment ?

Dominique Carlac’h :   Oui en ce qu’elle ajoute de la data, ce qui change les objectifs et les services prodigués et du coup ce que doivent aussi maîtriser les consultants. Il y là un réel problème de savoir-faire multiple et d’état d’esprit. Prenez la problématique d'un client industriel : même pour une simple machine à laver il faut prendre en compte l’eau, le détergent et les énergies renouvelables.  Cela va du discours publicitaire jusqu’au recyclage de l’objet dans les faits... Cela nécessite un état d’esprit différent. Si on prodigue du conseil  sans ces données on est à côté de la plaque car l’info révolutionne le produit et l’entreprise qui le fabrique. Et là il faut être agile ! Le consommateur varie comme l’air du temps. Il faut anticiper ses changements de consommation. Deuxième impact pour le consultant, le numérique modifie l’organisation de l’entreprise, celle de l'entreprise cliente comme celle de la société de conseil. Si on la maîtrise on peut travailler en mode projet et avoir de la réactivité à la demande du consommateur et de l'entreprise cliente. Il faut penser en mode agile et savoir ensemble changer l’organisation.


Le conseil en innovation n’a pas toujours eu le vent en poupe (le Non Invented Here). Les rares consultants du domaine (pour mémoire : Essor Europe, Michel Goyhenetche Consultants, Erdyn, Innovation 128, Nodal Consultants, D&C...) s’étaient rassemblés sous la bannière de l’Unatrantec créee par Louis Berreur (Nodal Consultants), association que vous avez présidée. Elle est devenue l’ACI. Pouvez-vous nous en toucher un mot ?

Dominique Carlac’h :   Oui. L’Unatrantec (Union des Consultants en Transfert de Technologies) était un thinktank, un club de réflexion sur les stratégies pour demain, sur les signaux faibles, sur la manière de détecter les signaux faibles, les innovations potentielles et leur transfert par les passeurs que sont les consultants. Ce qui sortait de la science était utilisé. Pour preuve de la pertinence de cette démarche, la longue liste des technologies transférées et les gains de productivité qui en a résulté. Ces éléments restent ceux de l’ACI (Association des Consultants en Innovation), mais celle-ci repose sur d’autres bases. Innover c’est bien joli, mais il faut de l’argent. L’ACI est là aussi pour aider à financer et améliorer l’écosystème du financement de l’innovation, de l’intégration, de l’accompagnement des mutations et des transitions, car chaque phase suppose un financement. Cela repose sur une nécessité qui va au-delà des frais de développement : « avoir de l’argent pour prendre des risques » ! Au sein de l’ACI on a un continuum de spécialistes dans les diverses activités de l’accompagnement. Cela va de ceux qui peuvent identifier les innovations et leur impact économique jusqu’à ceux qui peuvent transformer l’essai. A ce titre, il existe une commission financements. Et de là un 3ème étage que l’Unatrantec ne possédait pas non plus et qui permet aujourd’hui les relations collaboratives avec les acteurs publics tels que Bpifrance entre autres. L’ACI c’est donc un triptyque permettant aux consultants d’être à l’interface des sciences et techniques, du monde du financement, et enfin du monde du changement, privé et public. Sur ce dernier point nous sommes un levier autant sur les transformations des entreprises que sur la transformation des politiques publiques qui sont, elles, plus macroéconomiques. Donc l’ACI est à la croisée de ces 3 mondes : R&D, Finance, Acteurs publics. Ceci se voit très bien sur l’intitulé de nos diverses commissions : Marketing, Projets collaboratifs, Fiscalité, Politiques publiques, Processus d’Innovation.

CESE Dominique Carlac'h
Institut de l’Entreprise : Présentation des candidatures à la présidence du Medef dans l’hémicycle du Conseil Economique, Social et Environnemental. Présentation de Dominique Carlac’h.


Ce qui nous amène naturellement à votre rôle au sein du Medef...

Dominique Carlac’h :   Ce qui forme en effet un prolongement. J’ai participé aux travaux de 2 commissions du Medef au niveau national : la commission "Dynamique Entrepreneuriale" et le "Comité Sport". La première avait pour objectif d’inoculer le virus entrepreneurial là où il ne se développe pas naturellement. Ses écosystèmes naturels sont les grandes écoles, les écoles de commerce et de management, le milieu familial parfois... Mais il existe des gisements qu’il faut activer en dehors de ces sphères naturelles. Et pas seulement pour la beauté du geste mais pour un objectif lié à l’emploi. Rappelons que la maladie endémique de la France, c’est le chômage ! Nous sommes allés chercher de nouveaux entrepreneurs dans les quartiers, chez les militaires, chez les femmes et maintenant chez les sportifs. La plupart n’étaient pas toujours passés par les grandes écoles mais il existait chez eux un potentiel entrepreneurial et une capacité d’apprentissage du management. On a choisi des jeunes motivés, des militaires en reconversion. Mon travail au sein de cette commission a duré 5 ans et au-delà du fait d’aller porter la bonne parole, j’y ai créé des binômes entre partenaires et nouvel entrant pour des reconversions personnelles réussies. Le principe a été celui de l’immersion. On les a rencontrés, et choisis, on leur a trouvé un accompagnement, mis en place des ateliers en entreprise chez des paires choisis parmi les adhérents du Medef. Enfin on a mis en place un collectif sur l’échange des bonnes pratiques. En 5 ans on a eu plus d’une dizainede promotions de 20 candidats choisis dans les quartiers, chez les militaires. Aujourd’hui l’idée c’est d’étendre le dispositif aux sportifs qui ont l’ADN qu’il faut pour entreprendre.


Des sportifs que vous connaissez naturellement bien...

Dominique Carlac’h :   Ce qui dépend en fait de la deuxième commission que je préside et dont les travaux reposent sur 3 axes. D’abord l’économie du sport où l’on avait identifié clairement un gisement de croissance et d’emplois. Pour ce secteur il fallait considérer la fabrique et la distribution d’équipements de sport ou encore l’organisation d’événements. Il s’agissait de mettre en lumière et promouvoir une filière "économie du sport". Ensuite, on a voulu étudier et promouvoir le sport comme facteur de compétitivité dans les entreprises, avec l’idée que faire du sport c’est positif et facteur de motivation et donc, au-delà des problèmes de charges et de productivité, il y avait là un facteur de promotion de la compétitivité. On a convaincu sur des chiffres. On a étudié le lien entre le sport et rentabilité et l’on a pu démontrer un facteur de quelques pourcents sur un panel de 200 entreprises de toutes tailles sur tous les territoires, identifiées parmi les membres du Medef. Le 3ème axe a consisté à faire des entreprises des représentants de la gouvernance des sports afin qu’elles ne soient plus seulement sponsors mais acteurs et décideurs. Et là on a participé pleinement à l’élaboration de projets ambitieux et obtenus des résultats. J’étais à Lima en septembre 2017 pour l’attribution des Jeux Olympiques et on a gagné pour 2024. On a renvoyé une image de rayonnement économique pour la France.

Ce rayonnement de la France que vous avez défendu avec le Medef - une première pour une fédération syndicale dans le monde - m’amène tout naturellement à évoquer votre candidature à la présidence du Medef, même si depuis votre présentation programmatique au CESE devant l’Institut de l’Entreprise, vous l’avez retirée au profit de celle de Geoffroy Roux de Bezieux...

Dominique Carlac’h :   Je souhaitais m’engager plus amplement pour la compétitivité et l’attractivité de l’économie française d’où cette candidature. Avec 3 idées au départ : tout d’abord faire rayonner mon pays. Je ne fais pas partie des grincheux et des ronchons et je trouvais qu’il y avait des témoins à l’intérieur du Medef qui pouvaient, sous réserve de réformes internes au Medef, représenter de manière rénovée l’économie française. Il faut sur ce point se souvenir que cette fédération est le fruit d’une histoire, celle du CNPF (Conseil National du Patronat Français), un syndicat patronal qui est devenu un mouvement d’entreprises (Medef) avec pour vocation de motiver et valoriser cette économie productive. Avec la révolution 4.0 et l’agile Emmanuel Macron qui a été élu il y a un an, il m’est apparu qu’il fallait aller un cran plus loin et faire du Medef un outil moderne et agile au service des entreprises, elles-mêmes au service de l’économie française.  C’est ce que j’ai voulu incarner. C’est en cela qu’il faut considérer ma candidature. La certitude c’est que le Medef, au-delà de son histoire prestigieuse et ses évolutions déterminantes, ne renvoie pas aujourd’hui l’image qu’il mérite. Il reste lent, trop cloisonné, et masculin... D’où à travers ma candidature l’idée d’un renouveau.


Le Medef a déjà eu une présidente... Comment positionnez-vous votre projet par rapport à ceux de vos prédécesseurs ?

Dominique Carlac’h :   Ernest-Antoine Seillière a été président du CNPF alors qu’il était un grand patron (groupe Wendel) et que le CNPF était une organisation patronale. Son action a consisté notamment à faire du CNPF un outil pour les entreprises et pas seulement représentatif des patrons, d’où le rebaptême en 1998 sous le nom de Mouvement des Entreprises Françaises (MEDEF). C’était une excellente idée et ce fut une grande avancée car l’entreprise est le creuset de la création de valeuréconomique. Ce changement de nom illustre à lui seul le travail réalisé par Ernest-Antoine Seillière. Aujourd’hui le Medef regroupe 125 000 adhérents ! Avec Laurence Parisot à partir de 2005, il y a eu un évolution d’appréciation du rôle de l’entreprise. Celle-ci a cessé d’être vue uniquement comme une source de profit pour l’actionnaire mais comme un lieu de création de valeur pour l’ensemble de la société avec un fort impact sur la cohésion de celle dernière. Ouverture sur le sociétal donc. Avec Pierre Gattaz à partir de 2013,  et alors même que la concurrence mondiale se renforçait, avec de nouveaux acteurs et de nouvelles contraintes, politiques et réglementaires notamment, a été pris en compte l’existence bien réelle d’une opposition naturelle qu’il ne fallait pas oublier de combattre, d’un pouvoir multiple qu’il ne fallait pas oublier...que si l’entreprise voulait perdurer il fallait « faire face »  et lutter contre ceux qui la combattaient. Bref un Medef de combat ! Un Medef qui ne pouvait pas se laisser étouffer par un discours anti-entreprises. Ce combat c’est son apport, en lien avec l’actualité pour les entreprises. Pour le prochain Medef il va falloir le façonner pour qu’il intègre le monde 4.0 qui est en constante évolution. Il va falloir qu’il l’anticipe. Et c’est pour cela que je me suis lancée dans la campagne. Nous devons devenir agiles, innovants, forces de propositions et de réalisations...


Alors justement au CESE, devant les membres de l’Institut de l’Entreprise vous avez donné votre vision du monde actuel et de ce que doit être le Medef de demain. Pouvez-vous résumer vos propos d’alors ?

Dominique Carlac’h : J’ai rappelé que l’on est à la fin d’un cycle. Il va falloir ouvrir les entreprises à tout ce qui contribue à sa compétitivité et son attractivitéde demain. Il va falloir des débats et des actions, pour avoir une vision profonde de ce qu’est l’entreprise de demain, sinon on aura un « rendez-vous raté avec l’histoire et les adhérents ». On a une économie qui a changé, le Medef doit changer. Compétitif, moderne et entreprenant à l’international, mais surtout attractif. Pourquoi ? Parcequ’on est tous confrontés à un monde en changement rapide, où l’on perd ses repères, y compris les entrepreneurs les plus endurcis. C’est un monde d’immédiateté, d’adversité, de complexité. Là-dessus on doit pouvoir donner du sens et des repères, et rappeler notre responsabilité. Le Medef doit apporter ce sens et aider à retrouver la fierté d’entreprendre et de perdurer.


Vous avez depuis la présentation au CESE rallié le programme de Geoffroy Roux de Bezieux. En quoi son programme se marie-t-il avec vos propres propositions ?

Dominique Carlac’h :  D’abord la modernité. Geoffroy Roux de Bezieux (GRB) est un homme moderne, pragmatique. Il l’a montré dans ses diverses entreprises. Ensuite son attachement à « l’innovation transformante ». Enfin cette capacité rare et naturelle à savoir détecter les signaux faibles du futur et savoir saisir les opportunités qui en résultent. Donc avec GRB on a un pilote dans l’avion qui accompagnera les mutations et les défis de nos entreprises. On peut s’ancrer à son projet qui donne davantage de place à l’économique : l’emploi, l’humain, les territoires, l’innovation et la prospective.


CESE Geoffroy Roux de Bezieux
Institut de l’Entreprise : Présentation du programme du candidat Geoffroy Roux de Bezieux


Y-avait-il des raisons non programmatiques pour ne pas maintenir votre candidature?

Dominique Carlac’h :   Comme je l’ai expliqué, GRB proposait la même démarche, quelque chose de très similaire. Mais il m’est apparu que le mode de scrutin qui nécessite de rassembler les suffrages des fédérations ne me permettrait pas d’obtenir sur mon nom suffisamment de votes des grands électeurs, d’où la nécessité de se rallier à celui qui défendrait le plus l’idée de transformation au sein du Medef et sur ce point GRB apportait l’expérience la plus solide. D’où mon ralliement. Mais quoiqu’il advienne, nous saurons tous travailler avec celui qui sera le prochain président car le Medef est une famille extrêmement constructive et le débat y reste toujours très ouvert pour porter la voix de tous les entrepreneurs de France.


Pour terminer ce riche entretien, en vous souhaitant que vos ambitions réformatrices rencontrent l’adhésion de l’électorat du Medef, que pouvez-vous nous révéler sur vos prochaines responsabilités "sportives" au sein du Medef, sachant que vous allez avoir un rôle particulier à jouer pour les JO ?

Dominique Carlac’h : Les Jeux Olympiques vont en effet être un de nos grands projets, et là il va s’agir de mise en place puisque qu’on a déjà gagné le privilège de les avoir en France. Que peut-on en dire? Tout d’abord faisons un point. Le bilan de notre feuille de route c’est : on est dans les instances, comme administrateurs du COJO (Comité d’Organisation des Jeux Olympiques) et membres de Solideo, la société en charge de livrer - de délivrer clefs en mains - les infrastructures et leur fonctionnement.  Donc le monde économique sera bien représenté pour les JO 2024, et pas seulement en tant que sponsors. C’est le résultat du travail accompli depuis 5 ans avec les membres du Comité Sport du Medef et ses partenaires, comme le CNOSF notamment. Etre dans la décision stratégique et pas seulement comme donneurs de millions d’euros c’est une réelle satisfaction. On va organiser et délivrer ! Grâce au travail des membres du comité et avec les équipes de collaborateurs du Medef qui étaient vraiment excellents ! On peut tous être fiers !


Un résultat sur lequel le Medef pourra en effet cultiver. Comment voyez-vous justement le proche avenir dans ce mix de révolution 4.0, de nouvelle présidence et de préparation des JO qui risque d’être votre quotidien ? Ne risque-t-on pas des tensions, des conflits? A tout le moins une surcharge? En conclusion qu’elle est votre feuille de route, pour reprendre votre expression favorite?

Dominique Carlac’h :   C’est la bonne question. D’autant qu’il va y avoir beaucoup de choses qui vont se mélanger. Ce qu’il me vient à l’esprit c’est qu’il ne faut jamais générer une frustration, quelles que soient les circonstances, quoi que l’on fasse, que ce soit sur une candidature, sur le travail qui en résulte ou encore sur un projet comme les JO. Quelles que soient les circonstances il faudra intégrer des milliers d’entrepreneurs, secteurs connus comme secteurs émergeants, susciter l’adhésion, et obtenir des résultats. Que ce soit pour réussir les JO ou pour remporter la présidence du Medef et rendre effective cette présidence. Il faudra travailler, nous réformer, dans le sens de l’histoire. Et là notre feuille de route est connue :« aller de la grande entreprise à la startup » . Et aujourd’hui les grandes entreprises créent aussi des startups ! C’est une première grille de lecture. Ensuite il faudra être représentatifs, avoir des champions dans un continuum qui va des plus petites entreprises jusqu’aux plus grandes. La deuxième grille de lecture est d’« être représentatifs d’une économie technologique manufacturière et de services » . Et là, j’ai un atout et des troupes nouvelles : les consultants. Intégrer les consultants c’est un plus, car ils peuvent accélérer les mutations et mettre en place le changement. Donc leur place va être essentielle dans cet ensemble. «Ils seront les passeurs!»

Propos recueillis par Bertrand Villeret
rédacteur en chef, ConsultingNewsLine


Images :
B. Villeret – ConsultingNewsLine 2018
Sauf portraits, courtoisie de  D&Consultants


Whoswoo :
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Pour info :
D&Consultants




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