La Chronique d'Yves Perez              
22 mai 2007

Spécial élection présidentielle

Quelle place pour la France, puissance moyenne européenne dans un monde globalisé ?

III Portrait de la France en Suisse vertueuse

Proposer à la France de prendre pour modèle son voisin suisse peut sembler une gageure tant les deux peuples diffèrent par leur histoire et leurs tempéraments nationaux. Cependant, il convient d’y regarder d’un peu plus près et de surmonter un préjugé tenace à l’égard de nos voisins Helvètes. Seul pays de 6 millions d’habitants à figurer dans les vingt premières puissances économiques mondiales, le modèle suisse conjugue des caractéristiques qui devraient questionner une France en proie au doute

La recherche de l’autonomie nationale
Ne nourrissant guère de rêves de grandeur, la Suisse cultive avec opiniâtreté son autonomie dans le concert des nations. Elle protège son agriculture comme un élément de son identité nationale. Elle s’aligne avec parcimonie sur les réglementations internationales régissant le monde bancaire et financier qui demeure au cœur de son activité économique. Elle préserve jalousement son indépendance nationale, préférant pour l’instant, demeurer en marge de l’Union Européenne. Elle n’a adhéré que depuis peu à l’ONU et n’envoie ses casques bleus à l’étranger qu’avec d’infinies précautions. Elle a conservé, sa monnaie, et tout comme le Royaume-Uni, observe avec méfiance les aventures de l’Euro. Ce goût de l’indépendance est jugé parfois trop pesant par une fraction de l’électorat suisse qui aimerait voir leur pays se rapprocher davantage de l’Union Européenne, mais pour l’heure, Berne se tient à distance respectueuse de Bruxelles. Autant la France rêve d’universel, autant la Suisse cultive ses particularismes, tout en vendant ses produits à travers le monde, car l’économie Suisse est largement ouverte sur le monde extérieur.


Un Etat modeste mais rigoureux
La politique suisse a la réputation d’être ennuyeuse et les Suisses se passionnent pour les aléas de la vie politique française. Il est vrai que l’Etat suisse est un Etat modeste. L’Etat fédéral n’exerce que des prérogatives limitées, laissant aux cantons une très large autonomie administrative et politique.
Modeste, l’Etat suisse se veut rigoureux. Les finances publiques y sont gérées avec prudence et les nouvelles dépenses non justifiées, regardées avec méfiance. Cela permet à la fiscalité de faire des envieux et d’attirer sur les bords du lac Leman ou dans le canton de Vaud quelques fortunes étrangères en délicatesse avec le fisc de leur pays. L’ambition suisse est d’offrir à ses concitoyens l’un des niveaux de vie les plus élevés du monde et la jouissance d’une démocratie paisible. Sans doute est-il utopique d’imaginer une France qui se piquerait d’imiter la Suisse, de rééquilibrer ses finances publiques et d’abaisser le seuil de sa fiscalité. Nous en avons perdu l’habitude depuis tellement longtemps !


Des entreprises qui comptent dans le monde
Compte-tenu de sa taille, la Suisse dispose de quelques fleurons qu’elle préserve jalousement, d’Hayek à Nestlé en passant par ses banques, garantes de la prospérité nationale. Derrière ces champions nationaux, la Suisse conserve un solide tissu de PME très compétitives qui, à l’instar de l’Allemagne, constitue une force de frappe commerciale à l’export très respectable. Le réseau à travers le monde des chambres de commerce suisses est l’un des plus discrets, mais aussi des plus efficaces qui soit.


Une neutralité politique favorable aux affaires
Les Suisses demeurent, dans leur grande majorité, très attachés à une neutralité politique qui leur a permis de traverser plus de trois siècles d’histoire sans guerre. Une performance sans doute unique sur la planète. Les Suisses entendent d’autant moins y renoncer que ce statut de pays neutre sert admirablement leur sens des affaires. Lorsque les Etats-Unis ont rompu leurs relations diplomatiques avec Téhéran, à qui ont-ils confié leurs intérêts en République Islamique, à la Suisse. Ainsi va la petite république alpestre.


La France pourrait-elle suivre demain l’exemple Suisse ?
Dans ce scénario-fiction, la France s’inspirerait de la Suisse à trois niveaux différents. Premièrement, à la recherche toujours plus problématique de l’Europe-puissance, dans une Europe qui a mis le cap à l’Est, elle s’efforcerait, de préserver son autonomie nationale en cultivant, d’une part, son indépendance énergétique et, d’autre part, son indépendance agricole. Autrement dit, elle s’efforcerait de concilier à la fois le nucléaire et le goût du terroir, les économies d’énergie et les capacités exportatrices de son agro-industrie. D’une façon plus générale, c’est l’Europe tout entière, à commencer par l’Allemagne, qui aspire à être une grande Suisse pacifique et prospère plutôt qu’une super-puissance qu’elle n’a guère de chance de redevenir dans un avenir prévisible. Le changement le plus profond pour l’Etat français serait de renoncer à ses rêves de puissance, de plus en plus chimériques, à moins qu’il ne s’agisse de ressembler à ses voisins européens tout simplement ! Cela suppose que notre Etat apprenne, de conserve, la rigueur et la modestie, deux vertus qui ne font guère partie de son histoire.

Ce programme paraîtra à certains bien fade… A tort ! Et nous pourrions leur rétorquer que la Suisse possède l’un des niveaux de vie les plus élevés du monde, qu’elle connaît le plein emploi, qu’elle est un modèle de vertu civique, souvent cité en exemple juste après les pays scandinaves. Elle est aussi l’un des pays les moins corrompus de la planète et elle consacre à l’aide humanitaire et au développement des pays pauvres l’un des budgets les plus élevés, toujours cependant derrière les pays scandinaves.


"Français, encore un effort pour apprendre à devenir … Suisse."



Yves - André Perez
Directeur de l’IDCE
Institut pour le Développement du Conseil en Entreprise.
Institut associé à l'UCO

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