La Chronique d'Yves Perez              
Juin 2006


Est-il encore possible de réaliser des réformes en France ?


Ces dernières années, les tentatives de réformes se sont multipliées aboutissant parfois à des échecs retentissants : de la réforme des buralistes au CPE en passant par le lundi de Pentecôte. A chaque fois, le gouvernement a buté sur l'une de ces levées de boucliers dont notre pays a le secret et qui déconcertent tant nos voisins européens. Sur fond de morosité, le scepticisme prévaut parmi les acteurs sociaux


L'affaire semble entendue. La France serait un pays définitivement rétif au changement. Certains commentateurs vont même jusqu'à conseiller de ne rien faire et de ne toucher à rien. Les tenants du statu-quo ne manquent pas d'arguments tant il est vrai que fort peu de réformes ont abouti. Il y a bien l'Armée qui a réussi à passer sans bruit d'une armée de conscription à une armée de métier, et cela dans un climat de fortes restrictions budgétaires. Mais, la "Grande Muette" constitue sans doute une exception guère transposable à d'autres contextes sociaux. Alors que reste t-il donc? La réforme des retraites à mettre à l'actif de François Fillon? Sans doute. Mais cela ne suffit pas à définir une méthode à suivre pour réformer ce pays. Alors, faudra t-il s'armer de patience et attendre le moment propice en rêvant que nos voisins, notamment Allemands, ne prennent pas trop d'avance sur nous? N'y a t-il pas à défaut d'une méthode des leçons à tirer de tous ces échecs?


Trois leçons émergent de ces multiples échecs

  La première est qu'il n'est pas possible de faire des réformes n'importe quand. Il y a ce que les militaires appellent des fenêtres d'opportunité. Celles-ci sont les plus fréquentes dans les deux  ans qui suivent l'élection d'un nouveau Président de la République. Après, elles tendent à se raréfier, voir à disparaître franchement car les coalitions au pouvoir se distendent et les oppositions se renforcent.

 La deuxième leçon est que les Français détestent être mis devant le fait accompli. Autrement dit, le gouvernement doit prendre le temps de l'explication et de la pédagogie. Il doit laisser s'exprimer les "anti". Méconnaître cette règle revient à s'exposer à une sanction de la rue et des médias qui ont tendance à s'épauler mutuellement afin de créer une posture très populaire, celle de "l'anti", de "l'opposant". En face, les postures raisonnables sont aisément moquées et deviennent vite ennuyeuses sinon trompeuses sur fond de climat "anti-élites". La France continue à vivre avec une esthétique très romantique de la figure du "rebelle".

 La troisième leçon est que le gouvernement aurait tout intérêt à quitter le domaine de la "loi" pour celui de "l'expérimentation". Développer les expériences concrètes à l'échelon local, régional ou d'une branche d'activité puis, ensuite, la généraliser progressivement par le biais d'accords entre les partenaires sociaux plutôt qu'en voulant faire virer de bord le pays au "pas cadencé, le même jour à la même heure. Autrement dit, sortir de l'idée si française et selon laquelle gouverner, c'est légiférer.


Nous savons tous que se sera très long et très difficile pour que l'Etat quitte les oripeaux de l'Etat jacobin pour se couler dans le moule de "l'Etat modeste" (modeste mais plus efficace) cher à Michel Crozier. S'il y parvient, cela contribuera à désamorcer, dans une large mesure, les oppositions les plus radicales qui se nourrissent de la suffisance, sinon de l'arrogance des élites de l'Etat. Les consultants peuvent y contribuer.

Yves Perez
Directeur de l’IDCE
Institut pour le Développement du Conseil en Entreprise



Pour Info:
http://www.idce.com

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