Interview :

Frédéric Doche concernant le rapport 2006 de l’Observatoire du Conseil

 

1 Frédéric Doche, vous êtes le Président de Centrale Consultants, l’association des centraliens ayant une activité dans le secteur conseil. A ce titre vous supervisez chaque année le rapport de l’Observatoire du Conseil dont la version 2006 est disponible à l’adresse http://www.centraliens.net/groupements-professionels/consultants/index.php. Que peut-on en dire ?

 

Frédéric Doche :

Depuis la précédente édition, l’opinion optimiste des consultants centraliens marque une très nette progression en ce qui concerne :

A noter également la très faible proportion de pessimistes : de 4 à 11 %.

 

2 La base d’étude est, si je ne me trompe, de l’ordre d’un millier de centraliens. S’agit-il de tous ceux qui ont été identifiés comme consultants, que ce soit à leur compte ou pour celui de cabinets, ou d’une liste qui ne prend pas en compte l’aspect conseil ?

Frédéric Doche :

Pour mener cette étude, nous sélectionnons tous les centraliens menant une activité de conseil au sens strict, quelle que soit la forme juridique qu’ils ont choisie. Nous ne retenons donc pas certaines professions qui prennent le titre de conseil mais n’en font pas réellement partie. Par ailleurs, nous constatons que les centraliens consultants se répartissent entre trois grands collèges : les consultants faisant partie de grands cabinets internationaux, les consultants travaillant pour des cabinets de taille intermédiaire ou plus petite, français ou internationaux, et les consultants dits " indépendants ", qui travaillent seuls ou en réseau d’individus.

La population des centraliens consultants est d’environ 3000 personnes, nous adressons notre questionnaire aux membres actifs de notre groupement et nous obtenons un taux de retour d’environ 20 %. Nous obtenons ainsi une représentativité des différentes formes de conseil (stratégie, management, organisation, système d‘information, RH, ingénierie …) ainsi qu’une bonne représentativité des différents segments de marchés (secteur public, secteur privé avec les grandes, moyennes et petites entreprises).

 

3 Donc pour le panel que vous nous avez détaillé les choses iraient beaucoup mieux, ce qui corrobore ce qui est observé par ailleurs par Syntec en France pour les plus gros cabinets et par la Feaco en Europe pour un panel plus hétérogène. Est-ce que dans votre cas l’embellie touche toutes les tailles de sociétés conseil ? On pense notamment aux " indépendants ".

Frédéric Doche :

L’activité du conseil repose sur des fondamentaux économiques simples : un taux d’activité soutenu et un prix de vente journalier rémunérateur

L’étude montre que ces chiffres n’ont cessé de s’améliorer ces derniers mois. Ils sont, à présent, à des niveaux tout à fait honorables.

82% des salariés (+ 7 % en 10 mois) annoncent un taux d’activité supérieur à 65 %.

2/3 des " indépendants " (+ 7 % en 10 mois) déclarent un taux d’activité supérieur à 50 % et pensent les honoraires journaliers stabilisés autour des 1 000 € HT.

On voit donc que l’embellie touche tous les types de structures, grands cabinets ou indépendants, et que le différentiel de structure de taux entre les différents segments persiste.

 

 

 

Les cabinets croient en la poursuite de la progression

 

 

 

 

4 Des honoraires qui se tiennent, des taux d’activité en amélioration, on comprend dés lors que le CA moyen puisse augmenter. Est-ce à dire que la visibilité se serait aussi améliorée ? Comment sont les carnets de commande ?

Frédéric Doche :

De façon assez préoccupante, on note qu’en dépit de l’amélioration du taux d’activité et des taux journaliers, la visibilité à moyen terme ne s’est pas améliorée, et s’est même dégradée dans certains cas. Il semble que l’habitude qu’ont pris les donneurs d’ordre de décision de plus en plus tardive avec contraintes de délais fortes, attitude qui s’est fortement intensifiée durant les années de difficulté du conseil, se pérennisent au moins pour cette période.

On note néanmoins que depuis la sortie de cette étude, et en attendant la parution du prochain Observatoire du Conseil , les informations qui nous reviennent indiquent que la visibilité s’est progressivement améliorée.

 

5 Au delà des chiffre qui visiblement s’améliorent , même si comme vous nous l’indiquez la visibilité reste faible que peut-on dire de la façon dont la profession est perçue par la clientèle, point toujours ambigu en France ?

Frédéric Doche :

Une partie de notre enquête était effectivement orientée vers l’image du conseil et nous a permis de tirer un certain nombre de conclusions intéressantes.

Selon une segmentation assez classique (stratégie, management et organisation, technologie de l’information), les consultants pensent que leur profession bénéficie d’une image positive, mais sans plus.

C’est la spécialisation qui tire l’image du conseil vers le haut, car elle est gage de crédibilité.

Le conseil en système d’information et, dans une moindre mesure le conseil en stratégie, tire l’image du conseil vers le bas.

 

 

 

 

 

 

 

 

6 La spécialisation que vous évoquez est-elle propre au conseil, ou une caractéristique propre à votre panel constitué essentiellement d’ingénieurs ? Corollaire, le consultant centralien apprécie-t-il d’être plutôt un expert par opposition au manager généraliste ?

Frédéric Doche :

Cet intérêt pour la spécialisation et cette caractéristique de crédibilité donné par cette spécialité n’est pas du tout un phénomène spécifique à notre panel d’enquête et est confirmé par plusieurs études récentes.

Par ailleurs, il faut noter que la formation initiale d’ingénieur n’empêchent aucunement les consultants centraliens d’exercer tous types de métier du conseil, et qu’ils ne sont pas particulièrement orientés vers les domaines techniques, mais aussi largement vers le conseil en stratégie, en management, en organisation, en finance …

Enfin rappelons que la formation centralienne est une formation d’ingénieur généraliste non spécialisé, et nos études ne nous incitent pas nécessairement à la spécialisation. Je suis ainsi convaincu que ce besoin de spécialisation est .

 

7 Comme vous le savez on assiste aujourd’hui au départ de l’activité industrielle vers l’Europe de l’Est et l’Asie. Cela impacte-t-il l’activité et les profils de missions des consultants centraliens ?

Frédéric Doche :

Il est évident que la profession de conseil ne peut ignorer les phénomènes de délocalisation ou d’outsourcing qui se produisent, voire se généralisent dans certains secteurs.

La délocalisation industrielle a un impact majeur sur l’activité du consultant dans ce domaine en modifiant profondément la typologie et la localisation des missions : missions beaucoup plus internationales, rôle d’analyse préalable ou d’assistance aux projets de délocalisations, rôle de définition de contrats de services ou de redéfinition des processus. On voit donc apparaître de nombreuses nouvelles missions, mais également de nouveaux consultants provenant des pays de délocalisations.

 

8 A-t-on dés lors une idée de la façon dont se développent les cabinets à l’international ?

Ont-ils tendance à précéder les clients ou au contraire suivent-ils la transhumance industrielle ?

Frédéric Doche :

Les cabinets ont de ce fait une propension de plus en plus forte -voire une obligation -à se développer à l’international. L’importance du mouvement dépend évidemment du domaine d’intervention du cabinet. Pour prendre deux exemples très différents, les consultants en organisation industrielle doivent impérativement anticiper le mouvement et développer un savoir-faire permettant de précéder ou d’organisation la transhumance industrielle. Les consultants en finance n’auront pas tous cette même problématique, surtout lorsqu’ils travaillent pour les sièges de grands groupes qui eux restent toujours aussi concentrés, en particulier à Paris.

 

9 Autres nouveautés certaines activités comme l’externalisation des RH ou le BPO (Business Process Outsourcing) sont en plein développement. Cela apparaît-il déjà qualitativement chez vos membres ?

Frédéric Doche :

On note effectivement le développement significatif de la demande de conseil dans le domaine de l’externalisation.

Cette externalisation peut concerner la fonction informatique (dans ses différentes formes, outsourcing, offshoring, nearshoring …) et constitue dans ce secteur un phénomène majeur. Mouvement inéluctable, même s’il est plus lent dans notre pays que dans les pays anglo-saxons pour différentes raisons (notamment culturelles et linguistiques).

Cette externalisation peut également concerner d’autres fonctions de l’entreprise, telles que les RH, la comptabilité et l’on parle alors de Business Process Outsourcing (BPO).

De nouvelles missions de stratégies d’externalisation, de conseil autour de l’outsourcing contractuel, projet, pilotage, processus …) génère une activité de plus en plus importante. Les cabinets de conseil dans ce domaine ont anticipé ce phénomène et se dotent des expertises et des ressources nécessaires à gérer ces nouvelles missions, en France et à l’international.

 

10 Au delà des éléments géostratégiques pour lesquels le doute reste de mise et des nouvelles pratiques qui semblent se développer, que retenez-vous de cette étude de l’Observatoire du Conseil ? Et peut-on déjà entrevoir, au vu de la présente étude, quelques tendances pour 2007, année pour laquelle certains opérateurs économiques pronostiquent un ralentissement de la croissance mondiale et un recul européen ?

Frédéric Doche :

L’embellie du conseil se confirme avec une remontée significative des taux journaliers et des taux d’activité bien meilleurs.

Sans dévoiler les résultats de la nouvelle édition de l’Observatoire du Conseil qui sera bientôt lancée, nous pouvons déjà donner quelques orientations significatives.

Le taux d’activité de la profession se confirme effectivement à un niveau élevé.

Le phénomène nouveau indiqué par nos membres est une certaine tension sur le marché du travail. Nous verrons lors de la prochaine étude si cette tension du marché du travail se poursuit, et si elle induit une remontée des rémunérations des consultants, qui risque à son tour de provoquer soit une remontée des taux journaliers du conseil, soit une compression des marges des cabinets.

Je vous donne donc rendez-vous pour la prochaine édition de l’Observatoire du Conseil.

 

 

Propos recueillis par Bertrand Villeret

Rédacteur en chef, ConsultingNewsLine