Le pOint
Sept  2011   

Bernard Julhiet Group
Interview : Alain Thibault, P-dg









En 1949 Bernard Julhiet créait le cabinet qui porte aujourd’hui son nom, autour des métiers de l’organisation et de la formation des forces commerciales. Près de 56 ans plus tard, le cabinet est racheté en 2004 par Alain Thibault, auprès du groupe Havas, pour devenir Bernard Julhiet Group, société proposant de multiples prestations dans les domaines du conseil en RH et management, de la formation et du recrutement. Alors même qu’en pleine crise certains gros cabinets du secteur se retrouvent en grande difficulté, Bernard Julhiet Group rencontre une croissance soutenue : « le point » avec Alain Thibault…


Alain Thibault, peut-on rappeler les événements qui ont contribué à faire de Bernard Julhiet Group la société florissante qu’elle est actuellement ?

Alain Thibault : Cette société dans le giron de Havas ressemblait à une «belle endormie». Lors de son rachat en 2004, nous l’avons repositionnée en un an sur le marché du capital humain puis après ce repositionnement nous nous sommes lancés dans la construction d’un groupe en nous donnant 5 ans. Des sociétés Niche Players dans les RH et le Management ont rejoint le groupe de manière à couvrir l’ensemble   de la chaîne de valeur ajoutée des RH. Durant 5 ans nous sous sommes développés, au rythme  d’une acquisition par an. Chaque rachat correspondait à un pôle de compétences et nous évitait d’avoir à embaucher massivement de nouvelles équipes de spécialistes. Parmi les sociétés rappelons en quelques-unes : K Persona (Evaluation et 360°), Insep Consulting (Management, Editions), iProgress (eLearning), PerformanSe (logiciels d’évaluation comportementale) Datiss (Change Management) et Capital Santé (RPS et bien-être au travail) en 2010 … et enfin, tout récemment, Selexens (Short lister et out sourcing du recrutement)


Alors justement, certaines marques ont subsisté, d’autres non. Qu’en est-il aujourd'hui ?

Alain Thibault : Nous communiquons sous le nom Bernard Julhiet Group, et certaines pôles de compétences comme Capital Santé, Datiss, PerformanSe, iProgress (devenu BJ Digital) et Selexens sont des marques satellites qui portent des spécialités complémentaires au noyau dur du groupe en charge de développer le capital humain de nos clients.


Tout cela a présenté un coût.. 

Alain Thibault : Cela a présenté surtout des investissements importants et aussi des coûts pour intégrer l’ensemble de ces sociétés afin de constituer un groupe cohérent, pérenne avec une infrastructure solide et des valeurs partagées par les salariés et l’équipe de management. J’ai réussi à convaincre des investisseurs (levée de fonds de 5,5 Me en 2008) à nous accompagner dans cette aventure que j’avais financé personnellement dans un premier temps.


Quels sont les résultats de cette stratégie ? Quelques réalignements peut-être aussi, dus à la crise ?

Alain Thibault : On s’était donné 5 ans pour construire ce groupe totalement spécialisé sur les RH et management et lui permettre d’atteindre une taille critique permettant de répondre aux besoins des grands donneurs d’ordre. La crise nous a coûté une année de retard dans notre plan de marche et nous avons dû suspendre pendant la crise nos développements à l’international lancés dès 2008. La crise de 2009 nous a permis de consolider notre projet, renforcer la cohésion des équipes, repréciser nos business models et dynamique de cross selling, renforcer notre équipe de direction. Ceci nous  a permis de reprendre  l’offensive dès 2010, en relançant le projet international et en complétant notre portefeuille d’activités par l’acquisition de Capital santé, société spécialisée dans les RPS depuis près de 10 ans. Ainsi nous avons vécu une reprise sereine en 2010, avec des équipes engagées et mobilisées, prêtes à conquérir de nouveaux terrains de jeu. Avec du recul, je peux affirmer que la crise a été pour nous un accélérateur stratégique. Nous avons maintenant la capacité au niveau du groupe de concevoir, déployer et gérer pour le compte de nos clients certains process de RH. Dans notre jargon nous avons coutume de dire que nous faisons «  le Think, le Do et le Run ».


Une opportunité de conjoncture, avec cette vague de suicides en grandes entreprises…

Alain Thibault : On le sentait depuis longtemps : la souffrance, la recherche de sens, les difficultés du management, [opposés à] l’épanouissement, le bien-être... Il existait une dimension complémentaire au psycho-social. Donc Capital-Santé a rejoint le groupe, sous son propre nom et sous la direction de Romain Cristofini son fondateur. Ceci nous permet d’’avoir des offres très poussées sur le bien-être au travail le tout combiné avec nos dispositifs de développement du management.


Alors justement, comment tout cela se présent-t-il pour l’année en cours, notamment à l’international ?

Alain Thibault : La conjoncture aidant, dès janvier 2011 l’international est redevenu notre priorité. On a redémarré  le projet international où l’on s’était initialement donné 3 ans de développement. Et dans l’ensemble, on peut dire que ça a redémarré plus vite que prévu. Nous venons ainsi de gagner coup sur coup 3 très gros contrats. Nous avons gagné un contrat européen visant à évaluer 400 top managers d’une entreprise du CAC 40. Il y aussi le contrat remporté auprès de l’European School of Administration - Ecole européenne d’administration -, et pour lequel nous auront à accompagner et coacher plus de 2000 cadres chaque année pendant 4 ans. Il s’agit d’un des plus gros appels d’offre européen de l’année, Ce contrat est un sujet de très grande satisfaction et de fierté car ces contrats européens sont pour nous une manière de nous « benchmarker » et si nous gagnons…cela veut certainement dire que notre valeur, le talent de nos consultants, la rigueur de nos méthodes sont reconnus sur le plan européen.. . Enfin, ce matin même nous avons signé un contrat mondial pour un grand projet de transformation managériale devant être déployé dans les pays de l’est et au moyen-orient.(8 pays). Donc on peut dire qu’aujourd’hui on est, avec notre taille, dans les radars des grands groupes basés en France et nos [succès] actuels montrent notre capacité à déployer des projets non seulement à l’échelle de la France mais aussi à l’international.


D’où aussi quelques bons résultats comptables ?

Alain Thibault : On a fait 23 ME l’an dernier et l’on devrait faire entre 25 et 27 ME cette année. On va donc faire une « bonne année 2011 ». J’espère que le « chahut » économique actuel ne va pas nous freiner. Un très bon premier semestre 2011, avec des rentrées et des prises de commandes significatives. Sortie de l’été, mon équipe de direction est confiante tout en restant vigilante car les choses peuvent se retourner rapidement. De manière déterminée nous pensons qu’en raison de la solidité stratégique du projet Groupe, nous devrions faire régulièrement significativement mieux que le marché. Nous allons donc rentrer dans cette période de ralentissement économique avec une volonté d’accélérer et de prendre des parts de marché en France et sur le plan européen. Nous visons maintenant la barre de 50 ME et ce n’est pas en attendant le retour à des jours meilleurs de notre économie que nous y arriverons. La stratégie de l’attente ce n’est pas nous. Un monde nouveau se construit, nous souhaitons y apporter notre contribution. 


Au-delà de la croissance externe, que l’on a rappelée, une partie de votre croissance est organique. Comment dans ces temps difficiles arrivez-vous a vous développer, voire à vous renouveler ?

Alain Thibault : On travaille énormément en termes d’innovation, notamment avec Bernard Julhiet Digital, notre entité eLearning ou encore avec PerformanSe qui conçoit des outils d’évaluation des compétences comportementales particulièrement intelligents. Cela nous permet de concevoir des dispositifs blended, innovants, parfois ludiques et interactifs.… Donc l’innovation de rupture est au bout du compte ce qui impacte le plus  le compte de résultat ! Mais cela demande beaucoup d’investissement, d’idées nouvelles, de ténacité et l’acceptation de l’échec car toutes les idées ne fonctionnent pas ou ne sont pas appropriées par les clients. Le 2 ème axe que nous avons pour développer cette croissance organique est plus classique : la politique commerciale que nous focalisons de plus en plus sur les comptes clés du marché pour lesquels nous pensons que notre groupe peut contribuer significativement à de la création de valeur.


Est-ce une condition pour maintenir des honoraires, des prix de journée, élevés ?

Alain Thibault : Nous croyons que face à toutes les évolutions, et à l’érosion des prix, l’innovation est la seule façon de maintenir une forte valeur ajoutée. L’innovation c’est le prix à payer ! D’autant qu’aujourd’hui les clients sont excellents, ils embauchent des consultants ou d’anciens consultants, donc leur niveau d’exigence s’est accrue et l’on doit avoir sur eux un ou deux coups d’avance. Seule l’innovation nous permet cela. Le client devient l’arbitre de la capacité à déployer et de la méthode. Il faut donc être en permanence sur les projets difficiles. Ce point est pour nous essentiel car l’érosion des prix est très significative de puis des années dans notre métier et notre vocation n’est pas de placer des consultants mais de crée de la valeur ajoutée.


Vous avez cité un retour à l’international, on a vu en effet dans les RH ces 3 dernières années des cabinets s’y développer, voire même faire des acquisitions qui depuis se sont révélé risquées… Comment envisagez-vous votre retour vers cette terra incognita ?

Alain Thibault : C’est une difficile question car il est vrai que l’international c’est une nouvelle aventure. Nous avons beaucoup travaillé ce sujet et je capitalise quelque peu l’expérience que j’ai accumulée dans une vie antérieure au cours de laquelle j’ai dirigé la branche internationale d’un grand groupe de conseil.  D’abord, on va certainement  s’appuyer sur quelques grands groupes français qui se déploient à l’international et qui nous demandent de les accompagner pour prendre une charge la thématique rh et management. C’est ce qu’on appelle chez nous le Global Business. On fait cela depuis 4 à 5 ans avec 2 grosses opérations par an et nous allons accélérer. Ensuite on va créer des bureaux, cela est nouveau. On vient d’ouvrir à Genève pour un panel de clients en Suisse. On est en train d’ouvrir le bureau de  Bruxelles aussi…Pour le reste je ne suis pas dogmatique et j’envisage toutes les possibilités : pur partenariat, joint venture, prise de participation majoritaire ou minoritaire… voire ne rien faire. On va prendre pieds dans les divers pays au fur et à mesure de la vie des affaires. Je souhaite qu’on puisse déployer de grands projets internationaux via  nos propres consultants mais aussi en s’appuyant sur nos ressources locales ou celles de partenaires que nous aurons sélectionnés... Donc pas de dogmatisme, ne pas aller trop vite et penser que la sanction peut venir vite. Il faut aussi de la méthode et accepter quelques difficultés. On va le faire à notre rythme et faire savoir nos capacités.


Comment cela se traduit-il dans votre message vers vos troupes et peut-on en déduire une  stratégie pour les années à venir ?

Alain Thibault : J’ai longuement partagé ma vision avec mon équipe de direction et nous avons bâti un plan de développement que nous déployons tous et qui se focalise sur 3 points : 1) réussir le développement international à un rythme soutenu, 2) accélérer la croissance organique en France, 3), penser innovation en permanence… Nos équipes ont fortement et positivement réagi à cette nouvelle offensive. Cela fait plaisir à voir et j’ai beaucoup de chance d’avoir des salariés si motivés et engagés et des managers qui collaborent fortement entre eux tout en gardant leur esprit d’entrepreneurs. Le travail accompli ces 6 dernières années est exemplaire car dans un environnement difficile on a réussi à se hisser au meilleur niveau et à se faire une place avec 230 collaborateurs pour 25/27 ME de CA avec de nombreux bureaux en France, tous ouverts sur des destinations TGV. On a travaillé fortement en réseau et on a abouti à être un groupe reconnu. Le groupe est construit, l’infrastructure est solide, il nous suffit de recruter des talents pour grossir, en laissant de côté les rachats non différentiant, car les fusions, c’est très complexe. Donc on devrait aller vers une croissance organique en France versus une croissance plus externe à l’étranger tout en se laissant la possibilité de se positionner sur des niches comme on l’a fait avec Capital Santé (cf. interview de Romain Cristofini à paraître),. Sur ce type d’opération on est exigeant sur le patron et le potentiel de l’entreprise qu’on accueille…


Alain Thibault, si l’on devait retenir un mot de conclusion, quel serait-il ?

Alain Thibault : Le mot final, c’est que j’ai une conviction : tout est possible quand on a la volonté d’avancer. je suis un entrepreneur passionné par ce métier et moi et mon équipe de managers nous sommes en train de prouver qu’il est possible de faire de belles choses dans notre pays : si on a  la volonté de faire, avec un vrai savoir, avec des gens talentueux et la passion de l’aventure, on peut écrire une histoire, même si les temps sont difficiles. Cependant, il ne faut pas être trop pressé, il faut prendre le temps en compte, observer, voir comment le monde change, avoir l’obsession du client et comprendre que notre seule chance de se développer c’est de toujours avoir un coup d’avance pour créer de la valeur par le service. Donc en tant qu’entrepreneur je ne peux qu’envisager d’aller de l’avant et embarquer mes équipes avec moi pour contribuer à la construction de ce nouveau monde.

Propos recueillis par Bertrand Villeret,
rédacteur en chef
ConsultingNewsLine




Image :
Courtoisie Bernard Julhiet Group

Whoswoo :
Alain Thibault


Pour info :
http://www.bernardjulhiet.com/




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