L'Invité
Avril 2015
Interview : François Rebsamen,
Ministre du Travail,
de l'Emploi et du Dialogue social
Grand
Entretien réalisé par Edgar Added, Président du Groupe RH&M
Edgar Added, Président du groupe RH&M s'entretient avec François
Rebsamen sur les questions relatives aux actions du gouvernement
susceptibles d'impacter le rôle des DRH : Evolution de la juridiction
prud’homale, création d'emploi du fait de la loi Duflot, dialogue
social et seuils sociaux, antagonismes entre droit du travail et
croissance, fusion RSA et Prime pour l'Emploi, Compte Personnel de
Formation, négociations de branches, apprentissage enfin... Ce faisant
il campe sans concessions un François Rebsamen en véritable "Ministre
des DRH"...
Monsieur le Ministre, en quoi le rapport sur l’avenir des juridictions
du travail, commandé par la Garde des
Sceaux au Président de la chambre sociale de la Cour de Cassation,
pourrait-il être génératreur d’emploi ?
François Rebsamen :
Il n’existe pas
actuellement de réforme des conseils de prud’hommes proposée par la
Cour de cassation. En revanche, un rapport a été remis en juillet
dernier par M. Lacabarats, ancien président de la chambre sociale de la
Cour de cassation, sur l’avenir de la juridiction prud’homale,
proposant des mesures concrètes pour remédier à un certain nombre de
dysfonctionnements. Ces propositions visent avant tout à améliorer
l’efficacité de la justice prud’homale. Elles pourront indirectement
contribuer à l’emploi dans la mesure où elles apporteront une plus grande sécurité juridique tant aux employeurs qu’aux salariés.
La remise en
question de la loi Duflot favoriserait,
selon vous, la création d’emploi. Peut-on
évaluer le nombre de nouveaux
emplois générés par cette remise en
question ?
François Rebsamen :
Le secteur de la construction est un secteur en difficulté. Seuls 300 000 logements neufs ont été mis en
chantier cette année. C’est insuffisant,
surtout qu’il existe un fort besoin. Le plan
de relance du logement présenté par le Premier Ministre lève certains freins pour permettre au secteur de retrouver une activité normale. Or, quand on
sait que la branche du bâtiment représente 1 124 000 travailleurs en France, on comprend pourquoi il est nécessaire
d’y consacrer toute notre énergie.
Derrière la relance du secteur de la
construction, il y a bien sûr un enjeu d’emploi.
Mais il y a aussi un enjeu d’accès au logement, notamment pour les foyers modestes.
Quand
vous avez vous-même soumis la
proposition des seuils sociaux, quel
était votre objectif et que
peut-on espérer en termes de création
d’emploi ?
François Rebsamen : La question des seuils sociaux n’est qu’une des nombreuses questions qui touchent à la modernisation du
dialogue social souhaitée par le gouvernement. L’objectif de cette modernisation est d’améliorer la représentation des salariés, tout en l’adaptant à la
diversité des entreprises. Est‐il normal, par exemple, que 66% des entreprises de moins de dix salariés et que la
majorité des entreprises de dix à vingt
salariés n’aient pas de représentants du personnel ? Je souhaite que la voix de chaque travailleur puisse porter comme il se doit, car la représentation
équitable de tous les acteurs de l’entreprise
est le gage d’un dialogue social de qualité.
Il me semble donc essentiel de trouver
une forme de représentation qui garantisse un dialogue social efficace non pas formellement mais réellement, et qui
ne nuise ni à l’emploi, ni à la
compétitivité. Conformément aux orientations définies par la feuille de route adoptée à
l’issue de la Grande Conférence sociale de
juillet dernier, j’ai adressé un document d’orientation aux partenaires sociaux
en les invitant à ouvrir une négociation
sur l’amélioration de la qualité et de l’efficacité du dialogue social au
sein de l’entreprise.
Les partenaires sociaux ont convenu dans le cadre de l’agenda social
qu’ils ont arrêté le 9 septembre dernier d’ouvrir ces négociations
début octobre. Même si les sujets sont délicats, je crois que l’on peut
parvenir à un accord, qui serait ensuite transcrit par la loi.
Le fait que le droit du travail soit reconnu à l’unanimité comme un frein à la croissance et à l’embauche
: Les 35 heures, le SMIC, le travail le dimanche, l’assouplissement du CDD etc., pose un vrai problème de création d’emploi. Jusqu’à quel point partagez-vous
cette analyse ?
François Rebsamen
: Le droit du travail n’est pas un
frein, c’est une protection. Et je suis persuadé
que l’on peut créer de l’emploi sans
revenir sur des acquis sociaux tels que les trente‐cinq heures ou le SMIC. On peut inciter, favoriser, soutenir, sans
pour autant déconstruire ce qui fait la spécificité de notre pays en matière
de droits sociaux et de protection du travailleur. Le premier Ministre l’a
dit
dans son discours de politique
générale : « Réformer,
ce n’est pas casser, réformer, ce
n’est pas régresser. ». Pour ce qui est du travail du
dimanche, là encore, la droite nous a dit que tout
était réglé. Or la loi Maillé n’a fait
qu’ajouter
de la confusion à la confusion. Les français ne s’y retrouvent plus et il
est nécessaire de clarifier la situation.
Il y a une règle : le repos dominical. Mais
il faut travailler sur les exceptions,
avec le souci de sortir de l’insécurité
juridique et de garantir aux salariés le
volontariat et des contreparties.
En quoi la fusion ‘RSA / Prime à
l’emploi’ est-elle une avancée sociale ?
François Rebsamen
: La fusion du RSA
activité et de la Prime pour l’emploi annoncée par le Président de la
République en juillet dernier s’inscrit dans une démarche de
simplification et d’incitation au retour à l’emploi. C’est une prime
qui accompagne et soutient le pouvoir d’achat des travailleurs les plus
pauvres.
Monsieur le Ministre,
permettez-moi d’attirer votre
attention sur le fait que vous
êtes en quelque sorte, notre
ministre de tutelle. Quels messages pouvez-vous adresser aux DRH, qui auront un rôle majeur pour la mise en
oeuvre des réformes ?
François Rebsamen
: Depuis le début du quinquennat de
François Hollande, le gouvernement porte une culture du dialogue
social. Les DRH le savent bien car ils la font vivre au coeur de
l’entreprise. De nombreuses réformes ont été engagées pour simplifier
et revivifier le dialogue social dans l’entreprise (de la réforme des
PSE à la négociation sur la qualité de vie au travail, de la réforme
des consultations à la création de la base de données unique). C’est
donc aux acteurs concernés, et en particulier aux DRH de s’en saisir.
Prenons l’exemple du compte personnel de formation : c’est à eux d’en
faire un vrai levier de la compétitivité de leur entreprise et de la
progression du salarié, à eux de faire la synthèse entre les besoins de
l’employeur et le désir de formation de l’employé. Quel bilan
tirez-vous de la réunion de mobilisation des branches professionnelles
du 10 septembre ? Cette réunion était un pari et je crois pouvoir dire
que c’est un pari réussi. Trente‐trois des cinquante branches
professionnelles réunies le 10 septembre ont déjà entamé des
négociations dans le cadre du Pacte de responsabilité et de
responsabilité, ce qui concerne plus de neuf millions de travailleurs
sur un peu plus de 11 millions couverts par les cinquante branches.
J’ai affirmé avec force qu’il était indispensable que les dix‐sept
autres branches, dans lesquelles il ne s’est rien passé jusqu’à
aujourd’hui, prennent leurs responsabilités et entament des
négociations… Je pense que le message a été entendu, et la
réunion a permis de mettre en lumière des méthodes qui constituent des
facteurs de succès, notamment celles qui ont permis à la branche de la
chimie de s’engager en juillet à créer 47 000 emplois d’ici 2017 et à
accueillir 5 000 apprentis de plus par an.
Quelle est votre vision et vos
propositions concernant l’apprentissage?
François Rebsamen
: L’apprentissage est une priorité du
gouvernement pour deux raisons simples : c’est une formation qui
facilite l’insertion durable dans l’emploi et c’est un facteur de
compétitivité des entreprises. Trois ans après leur sortie de
formation, les apprentis ont un taux d’emploi supérieur de dix points à
celui de leurs homologues issus d’autres filières… Dans un contexte
difficile, il est donc impératif de soutenir l’apprentissage ; le
gouvernement a initié un effort important en juillet dernier en
mobilisant plus de 200 M€ lors de la grande conférence sociale. La
journée de mobilisation du 19 septembre, qui a réuni tous les acteurs
du monde l’apprentissage autour du Président de la République, l’a
amplifié en identifiant et en levant les freins, souvent non
financiers. Les travaux ont permis notamment d’avancer sur l’adaptation
de l’offre de formation et du système d’orientation, les droits des
apprentis ou l’appui aux employeurs et aux apprentis pour prévenir les
ruptures. Pour favoriser le recrutement dès cette rentrée, une prime de
mille euros sera versée aux entreprises de moins de deux‐cents
cinquante salariés pour tout apprenti supplémentaire par rapport à
l’année précédente. Elle s’ajoute à celle que versent déjà les régions
aux TPE qui
accueillent des apprentis. Tous ceux qui ont participé à cette journée
de mobilisation ont salué ces avancées concrètes.
Texte
:
Initialement publié dans
RH&M (Oct 2014)
Re-publication par consultingNewsLine : Courtoisie d'Edgar Added,
Président du groupe RH&M
Images :
Courtoisie
RH&M (2014).
Source ministérielle
Pour Info :
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