Le Point
Février 2005  


Conjoncture
Interview de Jean Luc Placet
Président de Syntec Conseil en Management 


Après deux années difficiles, le secteur conseil semble reprendre en France. Les commandes publiques et privées repartent et la consolidation qui se met en place montre un regain d'intérêt pour les structures de conseil, notamment dans les RH. Jean Luc Placet, Président de Syntec Conseil en Management et Président d'un cabinet spécialisé dans les ressources humaines nous explique pourquoi

Jean Luc Placet, l’achat de prestations de conseil semble redémarrer en ce début d’année. Comment percevez  vous cela à Syntec Conseil en Management ?

Jean Luc placet : Nous menons actuellement notre enquête 2004-2005 qui devrait être publiée en avril si tout va bien. Elle fait apparaître une reprise fin 2004 avec +4 à +5 % de croissance et les premiers éléments que nous avons pour le début 2005, sur la base d’un tiers à la moitié de nos membres, laissent à penser que nous devrions atteindre +3 à +4% au premier trimestre. D’autre part les salaires sont un peu en hausse alors qu’il stagnaient depuis 3 ans et les honoraires se sont enfin stabilisés pour le moment aux alentours de 1300 à 1400 Euros la journée. Aussi je dirai que tous nos indicateurs sont au «vert clair».


Donc un retour à la normale après deux années très difficiles (-5% et -10%). Comment voyez vous la consolidation qui semble se mettre en place dans les RH, je m’adresse là au Président d’IDRH autant qu’au Président de Syntec Conseil en Management ?

Jean Luc placet : Notre métier est segmenté:   Conseil et/ou Prestations de Services. Et pour chaque segment il y a une sectorisation : stratégie, info, RH...etc. Pour les grands groupes de services, le conseil  reste accessoire. Il y a ainsi une « industrie des prestations de services en RH » comme il y a une industrie des prestations de services informatiques. Et là, dans le cadre d’une recherche de plus de valeur pour le client, de capitalisation sur des éléments conjoncturels et sur la place laissée par l’ANPE. D’où l’idée de mariages entre grandes sociétés de services, notamment d’interim et cabinets en prestation de service RH : Manpower a Garon Bonvallot, Adecco vient d’acquérir Altedia. Ces grands groupes ont intérêt à des mariages, mais ceci a peu de choses à voir avec le conseil. Notre marché se développe de son côté. La bonne nouvelle pour tout le monde c’est que nos sociétés redeviennent intéressantes d’où cette vague de mariages.


En effet Raymond Soubie semble avoir réalisé avec le rachat d’Altedia par Adecco une belle valorisation de son affaire. Mais n’est-ce pas la mondialisation qui se cache derrières ces «Grandes Manoeuvres» napoléoniennes ?

Jean Luc placet : Raymond Soubie a su transformer son métier en or. Ça c’est formidable ! C’est  une réussite. De là à y voir une stratégie mondiale, je n’irai pas jusque là. C’est un retour vers la reconnaissance du fait que la prestation de service intellectuel vaut quelque chose. C’était le cas dans les années 80 où l’on vendait un cabinet au prix de 6 mois de CA, puis 1 an de CA dans les années 90 et enfin 3 ans de CA en l’an 2000 avant l’éclatement de la bulle. Depuis lors les prix s’était effondrés et certains cabinets ont été repris pour la valeur de leur fondateur plus que pour leur CA. Raymond Soubie avec 1,30 de valorisation, c’est extraordinaire et plutôt bon signe. Bravo !


Ne risque-t-on pas tout de même de noyer des petites structures de conseil dans de l’offre de services comme on l’a malheureusement trop vu dans le secteur informatique?

Jean Luc placet : C’est une question de Business Model aussi. Les marges ne sont pas les mêmes: aujourd’hui le conseil s’est stabilisé à 1300 - 1400 Euros par jour alors que les taux de journée pour les services de mobilité  sont à 600 - 800 Euros. Le conseil montre bien sa valeur ajoutée. Je ne pense pas que les cabinets conseil seront noyés dans le service. La bonne nouvelle c’est que l’on recommence à investir dans le conseil et c’est cela qu’il faut voir. Ça redevient intéressant. Le reste c’est de l’affaire interne.


Qu’est-ce qui fait ce soudain regain d’intérêt? La recherche de plus de valeur comme vous l’avez indiqué ou l’opportunité?

Jean Luc placet : Pas seulement. Comme je l’ai dit on redevient intéressants. On étaient devenus des parias au début des années 2000 avec 3 étoiles rouges chez les banquiers. On étaient perçus comme pire que les Junk Bonds ! J’ai pu le constater lorsqu’ IDRH a racheté Vidal. Or le métier s’est restructuré, on a appris des méthodes industrielles, on est plus sérieux, on est plus segmentés! Les entreprises constatent aujourd’hui qu’on a un réseau de relations extraordinaire et qu’on intervient dans tous les moments de la vie des entreprises, des Hommes et des organisations. On est une petite profession avec un gros impact sur la société.


Ne risque-t-on pas dés lors de voir apparaître un phénomène de substitution, les consultants prenant la place dévolue à d’autres ? ça semble en prendre le chemin dans le domaine social où l’Etat perd du pouvoir depuis 25 ans. La gestion sociale des restructurations est aujourd’hui réalisée par des cabinets, même pour les 35 Heures il y a eu un financement d’Etat permettant l’achat de conseil et l’ANPE fait appel à des cabinets pour aider les chômeurs à créer des entreprises. Or je constate que BPI a racheté BBC dont le fondateur Bernard Brunhes était conseiller de Pierre Maurois, alors qu’Adecco rachète Altedia dont le directeur Raymond Soubie était conseiller de Raymond Barre. N’y aurait-il pas un risque de privatisation des institutions au bout du compte?

Jean Luc placet : Je ne le ressens pas comme ça.  Je ne pense pas que l’on assiste à une privatisation de l’Etat. Par contre l’Etat achète de plus en plus de prestations de services. C’est le cas des consultants et des avocats, même lorsqu’ils sont chers, car la compétence est aujourd’hui dans le privé. Donc privatisation, je ne le pense pas, achat oui. Par ailleurs l’Etat a des Think Tanks internes et dévoués : Datar, Commissariat Général au Plan... Ensuite il a ses Inspections Générales qui au bout du compte remplissent aussi ce rôle de résonance ainsi que des experts issus de son système d’éducation supérieure comme, Vacquin ou encore Michel Godet pour prendre des personnages que tout le monde connaît dans le conseil. Enfin, rappelons que l’achat de prestations intellectuelles à l’extérieur n’est pas nouveau. A titre d’exemple que je connais bien, dés 1969 le Ministère de l’Equipement et le Ministère de la Défense faisaient appel au cabinet que je dirige, IDRH, dans le cadre de la RCB, la Rationalisation des Choix Budgétaires, inspirée du PPBS (Planning Process Budget System)  américain mis en place par l’ex ministre de la Défense McNamara à la Banque Mondiale et  qui marquait pour l’Etat français le début de la mise en place de la DPO, la Direction Par Objectifs. D’ailleurs le cabinet IDRH en est issu, sous l’impulsion de son fondateur Marc Ribet, ancien officier de l’Armée française passé par l’Institute of Development of Human Ressource de Peter Drüker à Harvard, d’où notre nom. Donc il y a une histoire de l’achat de prestations intellectuelles par l’Etat, ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est qu’il dépense plus car aujourd’hui le savoir est dans les cabinets conseil.


D’où un retour à la normale à travers la commande publique?

Jean Luc Placet : Pas seulement. Les entreprises ont repris leurs commandes, même si c’est d’un mois à l’autre en dents de scie.... mais croissant. Comme je vous le disais les chiffres de mars-avril devraient être de +3, +4%  Le conseil va bien lorsque les entreprises escomptent aller bien, ce qui est le cas aujourd’hui. On est donc optimistes.


Propos recueillis par Bertrand Villeret
Rédacteur en chef
ConsultingNewsLine



Pour Info
www.syntec-management.com/

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