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Consultant
>> Avril 2003 Le consultant du mois
Jean Luc Van Den Heede gère l'imprévisible!
Lorsqu'il
ne parcourt pas les océans, Jean Luc Van
Den Heede conseille les entreprises sur la gestion de
l'imprévisible. Quoi de plus naturel pour cet ancien
mathématicien qui boucle en ce moment son troisième tour
du monde en solitaire. N'a-t-il pas eût son lot de
difficultés dans le passé ? Aussi l'imprévisible,
il connaît !.. Pourtant cette fois-ci, et malgré un
mât
cassé, c'est depuis son bateau qu'il se mêle aux
projets du cabinet Celerant en
établissant un contact journalier avec les
clients via le réseau Iridium. A 4500
miles des Sables d'Olonne, il nous accorde une
interview par
satellite et nous octroie un scoop:
son intention de faire un quatrième tour...
Jean Luc Van Den
Heede, VDH pour les passionnés, est en train de boucler son
troisième tour du monde a contrario dans la mythique épreuve du Global Challenge. Pour ce
redoutable tour du monde en solitaire d'est en ouest, soit donc
à l'envers des grandes courses et contre les vents dominants, la
règle du jeu peut sembler simple: couper la ligne allant de
l'Ile d'Ouessan au Cap Lizard pour le départ comme pour
l'arrivée tout en veillant à bien " laisser l'Antartique à bâbord".
Une odyssée que VDH appelle "le
Tour de la volonté" et que seuls trois navigateurs, Chay
Blyth, Mike Golding et Philippe Monnet ont réussi à
boucler ce siècle-ci ! Pour relever ce défi ,VDH avec
l'appui de ses sponsors, a développé une nouvelle version
de son volier Adrien. Ce
bateau est un superbe monocoque en aluminium Pechiney Marine , sponsor oblige, faisant appel à
de nombreuses technologies de pointe : le Sealium (un nouvel alliage d'aluminium issu des
recherches de Pechiney), des
découpes au plasma et des voiles en Cuben Fiber (un nouveau tissus dont les fibres
sont collées et non pas entrelacées).
Préparé chez Gamelin à
La Rochelle le vaisseau métallique est parti des sables
d'Olonne, son port d'attache, le 5 octobre 2002 pour rejoindre Brest,
lieu du départ. Ce tour du monde est le troisième
tenté contre les vents dominants par VDH. C'est aussi le
deuxième pour Adrien
qui avait connu précédemment des déboires au
niveau de sa quille. Cette fois c'est le mât qui n'aura pas tenu,
rendant le retour depuis l'Australie problématique. Mais VDH
n'est pas du genre à abandonner son objectif de tourner autour
du monde en moins de 141 jours, soit 10 de moins que Philippe Monnet
l'actuel détenteur du record. Aide précieuse dans cette
conquête, VDH dispose des carnets de route de Philippe Monnet qui
a eu l'élégance de les mettre à sa disposition.
Dans cette troisième tentative VDH avait 18 jours d'avance lors
de la casse du mât qui a réduit à néant ses
efforts. Après une période "d'urgence", VDH a fait routre
vers l'Australie afin de procéder à des
réparations provisoires. Après examen des contraintes
techniques et des coûts il a décidé très
sportivement de rallier les Sables d'Olonne par la mer. C'est sur sa
route de retour alors qu'il passe l'équateur et qu'il lui reste
encore 4500 miles à parcourir que nous entrons en contact avec
lui. Il est midi heure française.
Jean
Luc Van Den Heede, bonjour. Merci de cette interview. Avant d'entrer
dans le vif du sujet peut-on connaître votre priorité du
jour.
VDH: "Eh bien", convoyer le bateau avec un
mât qui n'est pas adapté, d'où une surveillance
permanente de la force du vent pour adapter la voile à la
faiblesse de ce mât. Et en plus, la vie normale !... On mange et
on essaye de pêcher du poisson, mais sans y arriver pour
l'instant. C'est un compromis.
Vous
êtes un grand spécialiste du management de
l'imprévisible et vous avez à ce titre défini 12
règles d'entreprise. Peut-on savoir quelles clefs de ce
trousseau vous ont été les plus utiles dans vos
difficultés présentes ?
VDH: Avant tout ne pas
paniquer. Apprécier la situation, comprendre, prendre des
mesures. On avait un mât de 29 mètres cassé, capable de mouvements et
donc susceptible de trouer le bateau à tout moment. Ensuite
la règle est de savoir ce que l'on veut faire. Dans mon
cas ramener Adrien à
bon port. On a décidé à Obarth de la suite.
En
entreprise de nombreux ingrédients déterminenet la
réussite: l'enjeu, l'orientation vers le résultat,
l'excellence, la relation avec les autres, le plaisir... autant
d'éléments de votre challenge. Qu'en reste-t-il ?
VDH: Le bateau en lui même est une
entreprise. On fait travailler du monde. On contrôle... Il faut
faire confiance tout en contrôlant ; essayer de faire analyser
l'ensemble. Ce qui est arrivé, c'est qu'un des composants a fait
s'écrouler tout le puzzle. C'était un projet ambitieux et
comme vous le savez... à vaincre sans péril on
réussit sans gloire.
Donc,
enjeu élevé et résultat en attente ?
VDH: ça c'est sûr on aura une
quatrième et dernière tentative !... A chaque fois on a
eu des difficultés mécaniques; La première fois un
heurt avec des conséquences non prévues sur le structure
en sandwich. La deuxième fois avec Adrien la structure
supérieure de la quille était insuffisante et l'on a
dû faire demi tour; La troisième fois c'est le
mât... Mais on est plus prêts [près?] que jamais
aujourd'hui. Ce bateau je le connais mieux et il est déjà
amélioré.
L'excellence
reste donc le mot d'ordre ?
VDH: On ne va pas laisser les choses comme
cela! On va faire une ultime tentative avec un nouveau mât plus
un audit de la coque avec Pechiney.
On est tentés d'aller vite mais il faut aussi être
très tôt en état pour tester l'endurance durant de
longues heures.
Donc un
long travail de préparation en équipe. Comment voyez vous
votre lien avec les autres aujurd'hui ?
VDH: Le lien avec tout le monde est tout
à fait extraordinaire. On connaît quotidiennement le
nombre de gens qui s'intéressent à notre tentative par le
site internet. On est un peu "faiseur de rêves". Cela sort les
gens de l'ordinaire et on leur donne un "autre" exemple. On leur montre
ce que le monde du travail et de l'industrie permet d'offrir de valeurs
différentes et complémentaires.
Un monde
de projets où l'on se fait plaisir. Où en est ce plaisir
sur le bateau ?
VDH: Aujourd'hui l'objectif c'est de ramener Adrien en France... Ce n'est pas
évident. Avec les modifs d'Obarth c'est un peu short! Pour
ce qui est du plaisir, bien sûr si je n'avais pas d'enthousiasme
ce tour à l'envers je ne le ferais pas. Il faut avoir une
très grande envie de le faire. Peu de navigateurs veulent faire
un tour en sens inverse. C'est différent du Vendée Globe qui se fait
avec les vents portants. Il faut être motivé et
ça demande plus d'expérience que d'être
"porté par le vent". Ce qui est important c'est d'avoir vraiment
plaisir quand on part.
Un dernier
mot avant que l'on ne vous retrouve aux Sables ...
VDH: Il reste entre 5000 et 4500 miles à
parcourir. On devrait arriver aux alentour du 20. Peut-être un
peu plus tôt... Je me projette en avant par la pensée.
J'ai déjà commandé les travaux à Obarth.
Donc objectif : ramener le bateau et travailler ...
Propos recueillis par Bertrand
Villeret
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