Profession Consultant
Juin- Juillet  2007




Interview :  Laurent Grouas
Vice Président de Kadris Consultants


A côté des reportages sur les grandes maisons de la place, ConsultingNewsLine s’est  fait une spécialité d’interviewer les Directeurs des cabinets conseils qui renouvellent le genre. On se souvient d’ILM pour le management de l’innovation ou encore de Cristal Décision pour la gestion des coûts téléphoniques et énergétiques. Avec KADRIS c’est à nouveau un Niche Player, et pas des moindres,  qui nous ouvre ses portes sur une spécialité en pleine ascension : le conseil en Santé et Protection sociale.


Laurent Grouas vous êtes un des fondateurs de KADRIS et son Vice Président, peut-on rappeler l’historique de cette structure relativement récente ?

Laurent Grouas : KADRIS Consultants est né en février 2001 d’une idée commune entre Franck Droin et moi-même, deux anciens de KPMG - Peat-Marwick, que nous avions quitté pour accompagner un de nos clients dans la création d’une de ses filiales. En fondant KADRIS nous avons souhaité investir le domaine du conseil en santé et en protection sociale qui sont selon nous intimement liés. L’idée était de créer un cabinet indépendant au niveau du capital comme des solutions informatiques, dans un secteur de la santé-protection sociale pour lequel les offres de conseil étaient relativement limitées. 


Ce qui conduit 6 ans après votre création à un cabinet plutôt de bonne taille ...

Laurent Grouas : En effet, KADRIS a évolué globalement et nous sommes maintenant 45 personnes avec des bureaux à Paris, Lyon, Bruxelles, Marseille et deux antennes à RABAT et New York. La structure a aussi évoluée. Nous avons créé en mars 2007 KADRIS Group, une SARL au capital de 1,9 ME. Les associés en sont Franck Droin, Karim Cherifi et moi-même, Franck Droin étant le Président de cette structure et moi-même le Vice-président. Ce groupe coordonne l’ensemble des activités et s’occupe du développement du Groupe.
Ensuite nous avons KADRIS Consultants France, une Société en Actions Simplifiées (SAS) au capital de 37 000 Euros dont les associés sont le groupe KADRIS, Mario Vallerotonda, Pascal Odienne et Emmanuel de Beauchesne, KADRIS Consultants Bénélux, une SPRL au capital de 18 000 Euros détenue entièrement par le groupe KADRIS et enfin nous avons KADRIS Consultants Afrique, en cours d’étude sur Rabat. Il y a par ailleurs Cap’Eval, une SAS au capital de 37 000 Euros localisée à Marseille et dont l’activité est l’évaluation sous la direction Jean -François Tripodi.


Le secteur santé-protection sociale est en pleine évolution et a donc contribué à cette réussite. C’était un bon choix de cible pour votre cabinet qui est passé très vite de jeune pousse à gazelle. Qu’en est-il ?

Laurent Grouas : En effet ce secteur était une opportunité il y a 6 ans et correspondait à nos compétences. Ce n’était pas totalement conforme au modèle économique des grands cabinets généralistes et les cabinets spécialisés sur le social n’avaient pas de compétences spécialisées dans le domaine du médical [et ses aspects financiers]. De notre côté, nous maîtrisions tous les aspects métiers [de la gestion informatisée du patient] à l’élaboration de produits d’assurances pour la protection sociale. Nous avons regroupé les compétences et obtenu très vite de très nombreux clients. En 2005 nous avons été labélisés « Gazelle de l’Economie Française », un Prix distinguant les 2000 PME ayant fait preuve d’une très forte croissance et d’un fort dynamisme, lequel nous a été remis par Renaud Dutreil, Ministre des petites et moyennes entreprises, Thierry Breton, Ministre de l'Economie et Dominique de Villepin, alors Premier Ministre, à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris.


Quels sont les profils des consultants de KADRIS ?

Laurent Grouas : Les profils sont relativement mixtes avec des consultants venant de grands cabinets présents dans le secteur de la santé et de la protection sociale et d’autres en provenance de sociétés d’assurances.
Ceci est en plein accord avec les profils de nos clients : 70 à 80% sont des organismes payeurs, mutuelles prévoyance, assureurs; et 20 à 30% interviennent sur le secteur médical et médico-socia. D’une certaine manière on s’intéresse aux aspects médicaux et sociaux depuis l’entrée du patient jusqu’au traitement financier de son dossier. Nous disposons pour cela également de compétences médicales notamment des médecins en santé publique.


Comment se réparti votre activité ?

Laurent Grouas : Comme déjà évoqué on travaille à 70/80% auprès des organismes payeurs. Et 90% de nos interlocuteurs sont des Directions générales. Nous travaillons sur des projets internationaux, notamment avec la Commission Européenne et sur des projets « France ». Pour ces derniers, la répartition est d’à peu près 30% de stratégie, 40% d’organisation-process, et 30% de pilotage de grands projets. En stratégie on aborde le plan stratégique, l’innovation et les gammes de produits garantie, les rapprochements et fusions…. En ce qui concerne l’organisation, nous accompagnons des acteurs sur l’ensemble de leurs projets métiers ou systèmes d’information. On travaille aussi avec les laboratoires sur le « comment travailler mieux » avec les assurances (Pfizer, Glaxo SmithKline) : interrogation sur les complémentaires, les non remboursables, les génériques... Quant aux Processs, c’est tout ce qui découle des plans : distributeurs, externalisations... Aujourd’hui, nous abordons également les RH que ce soit au travers de la conduite de changement mais également pour les grandes entreprises dans le cadre de la performance sociale et de la prévention.


Vous nous avez esquissé le type de clients du cabinet, Pfizer, Glaxo, de nombreuses  mutuelles et sociétés d'assurance. Peut-on préciser encore plus votre portefeuille clients ?

Laurent Grouas : Je citerais, Groupama, Swiss Life, APRIA -RSA, MGEN, MG, le Groupe APRI, AG2R, Mutuelle du ministère de l’Intérieur, Mutuelle Militaire, Santé Plus, Pfizer, GSK, l’INCA, la Caisse des Dépôts, le Fonds de réserve des retraites, la CNAMTS, le RSI, la MSA... et la Commission Européenne bien sûr...


D’où d’une certaine manière ce bureau à Bruxelles ?

Laurent Grouas : On est évaluateurs de projets pour la Commission Européenne depuis 3 ans. D’autre part cette problématique européenne est prise en compte par les clients qui nous interrogent. Il faut savoir que sur ce domaine la France contribue à 12% du budget et seulement à 2% des projets. On paie plus qu’on utilise, donc il y a aujourd'hui pléthore de projets estampillés CE. Nos clients déposent des projets d’envergure notamment dans le cadre du FP7, le Framework Programme 7 (7ème programme cadre).  Nous avons d’ailleurs gagné un projet en collaboration avec l’Espagne, l’Italie, le Danemark et Israël sur la «Prédiction des risques à grande échelle».


Comment prend-on si rapidement une place qui devient presque convoitée ?

Laurent Grouas : Notre offre est large mais une de nos forces c’est de ne pas faire quand on ne sait pas faire. Par exemple nous ne sommes pas positionnés sur les achats! Stratégie, organisation des acteurs, on est bons. Dans les milieux de l’assurance on est devenus une référence de la place. Dans nos projets on tient compte des RH, de la conduite de changement. Pour l’externalisation de la gestion on sait quelles en sont les conséquences pour les responsables de postes. Mais on ne dit pas être capable de tout faire dans tous les secteurs. Donc spectre large mais sur des secteurs précis, le tout avec des équipes présentant une pluralité de profils. On a de bonnes équipes et l’on arrive à répondre aux attentes des clients. Pour le pilotage projets aussi, même si c’est plus classique. Et pareil pour la stratégie : par exemple, la semaine dernière nous animions une réflexion avec la Direction Générale d’un groupe sur la distribution des produits de prévoyance.


Dans la structure de KADRIS vous évoquiez l’existence de Cap Eval à Marseille. Peut-on préciser le rôle de cette entité ?

Laurent Grouas : Cap Eval est l’acronyme d’évaluation par capitalisation. Elle est dirigée par Jean François TRIPODI. Cette entité a pour compétence l’évaluation dans un but d’accréditation pour le domaine de la santé. Elle vise à fournir de façon structurée des outils d’évaluation non pas uniquement statiques mais également dynamiques au travers de comparaisons par rapport à des référentiels externes ou par la création d’observatoire pour les organismes liés à la santé et la protection sociale mais également pour les grandes entreprises désireuse de disposer de leurs propres observatoires santé/sociaux)
Cap Eval intervient bien évidemment également auprès des des réseaux de santé et dispose dans le cadre du groupe KADRIS de plus de cinquante référence sur ce domaine. Cap Eval est enfin également doté d’un Conseil éthique et scientifique présidé par Alain Coulomb, ancien directeur de la Haute Autorité de Santé


N’y a-t-il pas un risque à prêter conseil d'un côté et se faire auditeur de l'autre ?

Laurent Grouas : Absolument. Nous ne mélangeons pas les genres. Sur les réseaux de santé, l’évaluation n’est prise en charge par Cap Eval que dans la mesure où nous ne sommes pas intervenu en amont sur le financement ou l’organisation du réseau.


On a l’impression à entendre tous ces noms d’organismes un peu barbares que votre domaine reste très fermé. Qu’en est-il ?

Laurent Grouas : C’est un très complexe système de réseaux. Ces réseaux d’acteurs sont les éléments essentiels du système de santé : Assureurs, groupes paritaires, mutuelles, caisses... mais aussi professionnels de santé, hôpitaux, établissement pour personnes âgées, association de patients… Les organisations sont bien différentes les unes des autres avec une gouvernance différente, un statut  et des éléments de contraintes et de stratégies différentes mais partageant tous le même objectif final d’une meilleure prise en charge de l’Assuré/Patient


Quel est à terme l’ambition de KADRIS sur ce secteur en pleine évolution?

Laurent Grouas : Notre ambition est de créer un réseau conseil européen et paneuropéen. Notre bureau de Bruxelles devient aujourd'hui une filiale. Idem au Maroc où l’on devrait ouvrir un bureau à Rabat. Nous intervenons aujourd’hui sur place pour assister la CNOPS (Régime de sécurité sociale des fonctionnaires au Maroc) à structurer l’organisation de la caisse et des huit mutuelles délégataires de gestion. C’est un grand pied dans la porte de la santé de ce pays en plein essor. Sur la base du développement européen ou pan-européen, nous avons également quelques contacts assez avancés avec l’Espagne, l’Italie et la Russie.
Enfin nous étudions le marché américain depuis notre antenne à New York.


Les Pays de l’Est constituent-ils  une opportunité pour votre cabinet ?

Laurent Grouas : Nous sommes allés en Roumanie et en Russie. C’est Franck DROIN, Président du Groupe qui aujourd’hui pilote largement le développement vers l’EST. Nous avons quelques pistes prometteuses. Il est encore un peu tôt pour en parler.


Avez-vous un plan de déploiement déjà bien établi pour ces nouvelles conquêtes ?

Laurent Grouas : Fin 2010 nous souhaiterions être n°1 du secteur en France et en Europe. Pour l’instant nous procédons à un développement organique à l’international. Pas d’achats en perspective.


Qu’est-ce qui vous fait courir, sur ce secteur si complexe ?

Laurent Grouas : L’intérêt pour ce secteur de toutes évidences. Ensuite le développement à l’international qui est passionnant. Enfin les équipes du cabinet qui nous apportent beaucoup et à qui nous nous devons d’apporter beaucoup. C’est un secteur passionnant, en perpétuelle évolution, très innovant. On a parfois le sentiment de faire progresser les organisations au profit des personnes. Au Maroc notamment on intervient comme des pionniers à l’image de ce qui a été fait en France il y a 50 ans.


Qu’est-ce qui vous distingue des autres dans ce secteur où les cabinets spécialisés sont peu visibles et l’offre des grands généraliste assez fournie?

Laurent Grouas : On est des pragmatiques, avec une bonne expertise des sujets et l’on fait des choix politiques que l’on ne commente pas outre mesure. Le consultant a pour vocation d’accompagner et de savoir travailler avec les permanents dans l’administration, les responsables chez les clients, en prenant en compte les diverses données extérieures telles que l’évolution réglementaire. Donc il y a chez le consultant une volonté d’indépendance mais aussi de laisser au client le choix de ses décisions. Par ailleurs, un des éléments déterminant est que nous maîtrisons l’ensemble de la chaine : La santé et la protection sociale  (maladie, prévoyance, retraite, dépendance).


Au bout du compte n’êtes vous pas sur un des domaines dont l’impact va être décisif dans les années à venir ?

Laurent Grouas : L’enjeu est énorme, sociétal, politique, économique. Les chantiers ne manquent pas : hospitalisation à domicile, monitoring, télé-opérations, gestion prévisionnelle, financement des investissements technologiques, organisation humaine, aspects sociaux (Plan Borloo grand âge), gestion des risques, gestion de la qualité des soins, de la qualité hospitalière, du fonctionnement des organismes payeurs... On travaille avec la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité à l’Autonomie) pour des groupements de maisons de retraites. Avec l’ AREPA (Association des Résidences pour personnes âgées) on travaille sur une approche stratégique sur une problématique de conventions à 30 ans. On tisse des partenariats avec des organismes pour des projets tels que la gestion prévisionnelle ou encore le passage du remboursement garanti à l’accompagnement des besoins de type « dépendance » avec tout ce que cela pose comme problèmes : anticipation des entrées, accompagnement des acteurs, politique d’évaluation enfin.  Lorsque j’examine les projets sur lesquels nous travaillons, je suis confiant sur l’évolution de ce secteur : santé, prévoyance, responsabilité des individus. On est passé d’une simple gestion du risque à celui d’une gestion « comportementale » et prévisionnelle. On accompagne ainsi les acteurs de l’assurance et de la protection sociale sur le bien être et sur un développement qui se veut durable. C’est une avancée majeure : facteurs de santé, comportements, environnement, biologie, qualité du système de santé... C'est tout l’argent du système de sécurité sociale qui est en jeu, d’où la tendance à jouer sur les paramètres comportementaux, environnementaux, [systémiques]… Si en France la santé et la sécurité sociale comptent pour 11% du PIB, aux USA elle atteint déjà 16%. L’enjeu est donc majeur.

Propos recueillis par Bertrand Villeret
Rédacteur en chef
ConsultingNewsLine


Pour info :
http://www.kadris.fr/fr/presentation.html

Whoswoo : 
Laurent Grouas

Images :
Courtoisie Kadris / Rumeur Publique


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Laurent Grouas


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