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Mai 2006  

Formation Professionnelle :
Il faut réformer la réforme !


Favoriser la formation tout au long de la vie, permettre son accès au plus grand nombre, réduire les inégalités entre PME et grands groupes, et, au final, accroître l’amélioration de l’employabilité des salariés étaient les éléments constitutifs de la feuille de route de la réforme de la formation professionnelle...

Deux ans après sa promulgation le bilan est pour le moins mitigé et, sans jouer les Cassandre, il n’est pas incongru de penser que peu des objectifs affichés seront atteints. Il est donc urgent de réformer la réforme !


Donner réellement accès au plus grand nombre :

La réforme de la formation a été conçue d’une façon globale, sans tenir compte des secteurs d’activité ou de la taille des entreprises. Or, il y a un fossé considérable entre les grands groupes qui forment et professionnalisent leurs salariés et les PME et TPME (93% des entreprises ont moins de dix salariés, 0,20% plus de 250. source INSEE 2004)  qui n’utilisent pas ou peu la formation.

Deux raisons majeures sont invoquées par les Dirigeants de ces entités pour expliquer ce peu d’entrain à former leurs collaborateurs : méconnaissance du système et désorganisation de l’entreprise liée au départ d’un salarié en formation.

Les OPCA devraient concentrer tous leurs efforts d’information et d’actions, non pas vers les grands comptes comme elles le font aujourd’hui (chez lesquels elles vont parfois jusqu’a déléguer un collaborateur !) mais sur les entreprises qui ne font jamais de formation.  Il conviendrait également de financer à 100 % le remplacement par un intérimaire d’un salarié parti en formation. Enfin, il me semble incontournable d’instituer une "surtaxe formation": toute entreprise ne formant pas ses salariés verrait, l’année suivante,  son obligation de financement renforcée.

Ce mélange de coercitif et d’incitatif permettrait ainsi de pousser les PME à faire de la formation un levier concurrentiel.


Réformer le financement :

A ce jour l’obligation de financer est répartie en trois familles : plan, professionnalisation, fongécif.

Beaucoup d’entreprises financent régulièrement et à fonds perdus des services qu’ils n’utiliseront jamais (43% des PME n’envisagent pas d’avoir recours aux contrats de professionnalisation, source CGPME, mai 2006). L’idée serait d’instituer une liberté d’imputation des budgets permettant ainsi aux PME de gonfler les budgets « plans ». N’oublions pas qu’une entreprise de 20 personnes, avec le mode de financement actuel, ne bénéficie que d’environ 9000 € pour la formation continue. Difficile d’être efficace avec une telle somme.

Enfin aucun argument économique ne permet de justifier le maintien de deux réseaux interprofessionnels. Une fusion des deux, et, d’une façon plus générale une simplification du mode de fonctionnement des OPCA permettrait d’identifier des sources de financement complémentaires.


Réformer la profession :

Aucune compétence, diplôme, certification professionnelle n’est actuellement requise pour ouvrir un cabinet de formation !
Aussi, pour la seule année 2005, 15000 demandes de dossiers ont été déposées auprès des services du ministère de l’emploi alors que l’offre est déjà pléthorique à travers les 45.000 organismes recensés (70% d’entre eux ayant une activité inférieure à 80.000 €/an).

Accès limité au métier de formateur grâce à la mise en œuvre d’un titre professionnel, obligation d’une activité minimale, contrôle renforcé de l’activité, obligation d’avoir un % minimum de salarié et maximum de sous traitant permettrait un assainissement salutaire de la profession.

Il conviendrait également de ne rendre éligible au « plan de formation » que les actions en lien direct avec l’activité professionnelle  et permettant d’obtenir une Certification de Qualification Professionnelle délivrée par les branches. Cela limiterait l’apparition d’offres aux limites de l’éthique et à l’efficacité douteuse. Gestion du stress, gestion de ses émotions et autres stages de  "développement personnel" sont certes intéressant mais on peut légitimement se poser la question de savoir si c’est à l’entreprisde de le financer et si le retour sur investissement est intéressant. Outre un levier nouveau de financement pour les formations "métiers", cela permettrait d’éviter le foisonnement de "formateurs gourous" et autres sectes.


Il est prévu, en 2008, une évaluation des résultats de la réforme de 2004.
Il serait bon que les partenaires sociaux ne se focalisent pas sur le DIF, et traitent ces problèmes de fond qui contribuent à "la fracture du savoir" entre les salariés qui ont la possibilité de suivre régulièrement une formation et les autres.

Il en va de la compétitivité de la France


Philippe Rossignol
Directeur Général du cabinet Amplitude
Groupe Vedior France


Pour info :
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