La Chronique de Marie Elisabeth Boury
Rentrée de Toussaint
Novembre 2009


La crise de gausse

Quand j’entends "bourse en hausse", je me gausse. Quand je lis "sortie de crise"  j’ironise. Quand je vois "c’est la reprise", j'agonise... Dans le Magicien d’Oz, quand la maison se transporte sur l’ouragan, quand la petite Dorothy ouvre la porte, le paysage a complètement changé, l’environnement n’est plus le même, le sol s’entrouvre sous ses pas...  N'est-ce pas là ce que nous constatons tous aujourd'hui ?

Penser que tout va revenir plus ou moins du pareil au même, cela ressemble tellement à une tentative désespérée de croire que le monde sera à l’identique, comme avant, l’équilibre des pouvoirs toujours stable. Vous-même aujourd’hui achèterez-vous votre prochaine voiture sur les mêmes critères qu’avant ? Achèterez-vous encore une voiture ? Et votre maison, votre foyer  sera-t-il choisi demain sur les mêmes bases qu’hier ? Vous voici donc en train de contribuer au changement ou plus exactement à la mutation en cours.

Mutation et non changement car  dans « changement » il y a comme un parfum d’une base qui resterait stable. « Je change mais c’est toujours moi. » « Cela change mais je reconnais. » Dans « mutation »  le socle de base a bougé. Ce n’est plus le même. « C’est un nouveau paradigme. »  De nouveaux codes.  Vous avez déjà entendu ce type de phrase ? Oui, moi aussi, c’était avant, quand on parlait de la complexité de manière théorique et brillante (surtout en France). Puis est arrivé, a surgi, cette chose de l’an dernier, violemment, ce sur quoi nous n’avons pas su mettre des mots, que nous ne pouvions qualifier,   ni contrôler. Au-delà de nos tableurs.

Irruption violente de la complexité. La complexité nait de la multiplication des interactions et des interconnections. Alors le système ne peut plus être contrôlable comme avant. En politique, quels impacts du fait que le système n’est plus binaire (Etats Unis – ex URSS) ou ternaire (Chine) mais multipolaire (Inde, Brésil, …) ? En entreprise que peut-il y avoir au-delà du matriciel à quatre niveaux ? Cela ne peut se vivre de la même manière. Et aux articulations, lorsque demeure la volonté de contrôle dans un environnement non contrôlable de la même manière, les acteurs souffrent.

Pour reprendre la métaphore du Magicien d’Oz, qu’est ce qui va permettre de voir la beauté et les opportunités  du nouveau paysage et non l’horreur de la maison disloquée ? Un cœur d’enfant, oui. La capacité à voir les choses telles qu’elles sont et non telles que l’on aurait voulus qu’elles restent. Ou telles que l’on voudrait croire qu’elles sont encore. C’est douloureux.

Or c’est seulement au prix de cette déstabilisation souvent douloureuse, cette remise en cause de certitudes qu’intimement on sait anciennes, c’est dans cette ouverture de la déstabilisation qu’émerge la possibilité d’évolution, de changement et donc d’adaptation. Sans cette déstabilisation, c’est la reproduction du pareil au même : « Quelque chose a changé ? Non, pas du tout ! C’est la sortie de crise ! Gardons les mêmes objectifs, reportons les à  2010, quand la crise sera passé, tout va revenir comme avant. » Cela, c’est préparer le terrain pour quelque chose d’encore plus violent.

Ouvrir la porte et regarder le paysage tel qu’il est, c’est une merveille d’opportunités qui peuvent alors s’ouvrir. Oui, nos points de stabilité ne sont plus les mêmes, mais ils sont ailleurs. Pour l’entreprise par exemple, ils ne sont sans doute plus dans l’implacable tenue des objectifs prévus, mais dans les valeurs et les liens vécus au quotidien par les acteurs. Et si on se levait le matin avec le plaisir de travailler avec d’autres personnes avec qui l’on partage une communauté d’envies et de valeurs et non plus pour une contribution hypothétique  à une course pour être le « leader sur son marché » ?

Si ce que nous disent les alertes actuelles sur l’environnement, le climat, la finance, l’économie, la politique,  vont toutes vers une demande de rééquilibrage global et de prise en compte des conséquences directes, indirectes et connexes de nos actions et de nos décisions, cela peut s’appliquer aussi  au monde de l’entreprise. Intégrer l’homme dans sa complexité et son humanité, pas seulement comme une force de travail instrumentalisable. Intégrer les sous traitants et les fournisseurs comme des acteurs à part entière dont la prospérité contribue à la prospérité de l’entreprise, non plus comme taillables et corvéables à merci.  Et nous pouvons décliner cela sur tant de domaines…Réequilbrer, intégrer, fluidifier, bienvenue dans le monde nouveau !

Marie Elisabeth Boury
meboury@alliage-consulting.com


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