La Chronique de Marie Elisabeth Boury

L'écoute de l'autre et le silence de soi
Par Marc Wullschleger

L'autre ne s'accueille que dans le silence de soi… Et si l'écoute était la qualité fondamentale de l'accompagnement du coach ?

Un coach se reconnaît-il à sa boîte à outils ?
Quelles sont les compétences fondamentales d’un coach ? A quelles techniques doit-il être formé ? De quels outils doit-il pouvoir disposer ? Quels bagages doit-il avoir ? Quels sont les chemins de connaissance qu’un coach, digne de ce nom, devrait avoir emprunté ?Un grand nombre d’ouvrage apporte des éléments de réponses à ces questions. Les écoles de formation de coachs sont de plus en plus nombreuses et chacune d’entre elles privilégie le plus souvent l’approche correspondant au cursus de son fondateur. Tenter de proposer une réponse générale à ces interrogations, dans un article de quelques dizaines de lignes, aurait peu de sens. Je souhaite simplement ici mettre l’accent sur le caractère fondamental d’une des attitudes de l’être humain, à la fois la plus naturelle et la plus paradoxale, celle qui consiste à écouter l’autre.

Un coach a pour premier outil sa propre personne et la qualité de son écoute de l’autre se trouve d’abord conditionnée par la finesse de la relation qu’il entretient avec lui-même
Un coach est d’abord et avant tout quelqu’un à l’écoute. Voilà bien une de ces évidences qui, à la considérer avec attention, se révèle pleine de conséquences. Nous avons, me semble-t-il, à redécouvrir sans cesse la puissance de l’écoute. Notre manière d’accepter le silence est, par exemple, significative. Que ce silence soit le nôtre, celui de notre interlocuteur ou bien un fruit de l’interaction, il est un indicateur très riche de la disponibilité de ceux qui le partagent. Un lien de cohérence étroit existe souvent entre le désert des mots et l’avant ou l’après insight. Le sens retentit dans le silence. Elie WIESEL disait du silence qu’il n’était pas l’opposé de la parole mais qu’il en était la profondeur. L’oreille est, ainsi, le lieu privilégié de l’accès à l’humanité que toute écoute vient révéler. Etre écouté permet de prendre conscience de soi en tant qu’être humain et cette prise de conscience est un passage obligé pour grandir. Parler, mettre des mots, se dire, s’entendre dire, relier et se relier font ainsi partie de nos nécessités vitales. Nous n’avons de chance de nous comprendre mieux nous-mêmes, nous ne pouvons nous trouver vraiment, qu’en parlant à un autre. Parler suppose ainsi d’être accueilli par quelqu’un, conscient de ce qu’écouter veut dire.

L'écoute du coach est oblativité…
Devenir coach réclamerait d’abord d’approfondir son écoute. Il s’agirait d’apprendre à se taire et à réduire au silence les petites voix qui jugent, de pouvoir, au bon moment, s’en tenir à distance, bref, d’accepter l’autre tel qu’il est, comme il se trouve ici et maintenant, différent de soi., dans son altérité la plus grande. Comment un coach pourrait-il être utile s’il ne se montrait pas d’abord capable d’accepter l’autre sans s'oublier lui-même ? Quelle serait sa crédibilité s’il n’était pas en mesure de montrer à la personne qu’il accompagne l’intérêt qu’il éprouve pour elle sans forcément la suivre à tout moment mais en reconnaissant l’indicible mystère de sa semblable différence ? Une écoute approfondie peut, seule, permettre à l’autre d’aller aussi loin qu’il veut, qu’il peut, dans l’expression de ce qu’il vit comme dans la formulation de ce qu’il souhaite changer. Cet approfondissement ne s’improvise pas, il demande réflexion et travail. S’il ne se sent pas pleinement écouté, l’autre s’arrête de parler et d’entendre parler ses silences, il évite, alors, contourne, attaque ou se replie. Dans tous les cas, il interrompe sa quête d’une plus grande vérité et d'une plus grande conscience de lui-même. L’écoute ouvre et élargit le champ de la conscience. Elle apprend, facilite, permet, libère, épaule. Elle rend possible la circulation des énergies, le plaisir de l’échange, de la rencontre. L’approfondissement de l’écoute amène donc l’autre à se rencontrer lui-même, étape indispensable pour qui veut être plus ouvert. Celui qui se sait écouté constate en lui-même les effets d’une présence attentive. Il est alors comme mis en capacité d’ébaucher lui-même les réponses aux difficultés qui l’ont conduit à faire appel à un tiers. Il devient apte à dégager, lui-même, un sens à ce qui lui arrive.

Et le cœur du métier de coach se trouve dans cette pratique d’une écoute à la fois source de confiance et de conscience
La pratique de l’écoute demande du temps, des essais et des erreurs, des retours en arrière, une vive attention portée au ressenti et des échanges pour en valider les pistes. Elle conduit sur le chemin des mots où l’on forge les siens, après avoir emprunté ceux des autres. Et si le cœur se trouvait là, dans le fait de laisser venir le silence, de lui permettre de tout remettre en question, dans le fait d’accepter d’entendre des choses hors de ses références habituelles, dans une forme d’humilité qui, lorsque cela est nécessaire, n’hésite pas à appeler à l’aide ? On ne sait jamais ce que l’autre va dire. Il ne s’agit en aucun cas de répondre à sa place ou de savoir ce qui est bon pour lui mais bien de chercher à l’entendre et, pour cela, de se placer d’abord à ses côtés, de l’écouter dans son contexte. Le coach est ainsi au service de la personne qu’il accompagne. Il concentre son attention sur le processus de ce qui est exprimé, inscrivant à certains moments ses interventions dans la logique de ce processus, l’éclairant, à d’autres moments, par un regard extérieur. Il s’agit bien en effet de permettre à celui qui s’exprime de mieux saisir le relief de sa parole et les différents niveaux de son discours. Le coach interroge, encourage, soutient, confronte, déplace, provoque quelquefois, recadre, questionne encore, échange sur le processus de l’échange. Il facilite, renvoie des échos réfléchit, replace la personne qu’il accompagne en face de ses mots, esquisse avec elle leurs conséquences et, dans le meilleur des cas, lui permet ainsi de mieux en appréhender le sens. Que ferait-il s’il n’était pas d’abord dans l’écoute ? Dans un premier temps, au moins, l’écoute ne peut être qu’inconditionnelle et les silences sont autant d’occasions de réaffirmer ce caractère qui est aussi celui de la présence et de la disponibilité.

L’approfondissement de l’écoute appelle une mise en vacance des techniques et des outils. Elle exige la disparition de ce « supposé sachant » qui aurait réponse à tout et une solution à chaque problème
L’écoute approfondie est ainsi un art « d’être avec », en mouvement, en relation, sans a priori et avec le moins possible de parasites, qu’ils prennent la forme du transfert, du contre-transfert ou des projections de toutes sortes. La pratique de cet art suppose un travail préalable de reconnaissance de nos filtres, de nos croyances, de notre cadre de référence. Elle invite à garder en éveil une attention vigilante pour ne jamais demeurer statique mais toujours en relation avec ce qui est exprimé, quitte à se reconnaître parfois un peu en retard, parfois un peu en avance quand l’intuition sonne juste… Il convient de cultiver cette capacité à être ainsi en mouvement sans jamais se situer hors du lien, à chercher, en veillant à vérifier régulièrement la solidité de ce lien et la confiance qu’il révèle. Seule l’attention portée à la qualité de la relation peut permettre au coach d’aller valider ou invalider auprès de la personne qu’il accompagne les différentes hypothèses qu’il pose et les esquisses de stratégies qu’il élabore afin de pouvoir, le moment venu, proposer celles qui lui sembleront les plus pertinentes.
La perfection de l’écoute emprunte justement les chemins imparfaits de notre commune finitude. Elle est partage d’authenticité. Pour aller à la rencontre de l’autre, il vaut mieux être léger, avoir pris un peu de distance par rapport aux méthodes et aux techniques des « prêts à penser ». Il faudrait être sans bagage. Charles PEGUY insistait sur la nécessité de prendre des risques pour que l’écoute soit féconde, « pour écouter il faut être sur ses mégardes. Si je suis sur mes gardes, je n’entends que du déjà dit ». Chaque rencontre, chaque coaching devrait être abordé avec un authentique esprit de voyageur, c’est-à-dire d’ouverture, d’absence de préjugé, de disponibilité à ce qui est, à ce qui vient. Etre dans la disposition de celui qui va apprendre quelque chose et qui, pour cela, est prêt à prendre le risque de changer au contact de l’autre.

La réussite d’un coaching dépend de la manière dont le coach écoute et de sa capacité à nourrir chez la personne qu’il accompagne, le développement d’une écoute réciproque. Cette capacité se travaille tous les jours et peut-être plus encore en supervision où l’on peut prendre pleinement conscience de ce que signifie être écouté. La véritable écoute exige, en effet, l’acceptation d’un possible changement en soi. Elle expose celui qui la pratique, le confronte, peut le mettre en danger, convoque son courage. L’écoute ne peut être contagieuse qu’à ce prix.


Marc WULLSCHLEGER
marcwullschleger@aol.com

Marc Wullschleger, diplômé de science Po Paris, mène une carrière opérationnelle dans la haute fonction publique. Il est également coach et membre du réseau européen de coachs professionnels d'Alliage Consulting

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