Le pOint
Décembre 2005  

Spécial 45ème Salon Nautique de Paris
Interview croisée:
Roberto segré, Jean luc Van Den Heede 

Roberto Segré est un des grands experts du conseil en management de la place. Ancien d’Andersen Business Consulting il a rejoint en 2003 Celerant Consulting dont il est aujourd’hui Président de l'Advisory Board. Spécialiste du Management opérationnel, Celerant a multiplié ces dernières années les partenariats avec des sportifs de haut niveau et notamment le navigateur Jean Luc Van Den Heede,  dont le Challenge rejoint à plus d'un titre celui des entreprises. Le Salon Nautique de Paris était le moment idéal pour faire le point avec Roberto Segré et Jean Luc Van Den Heede sur cette aventure managériale et nautique commencée en 2001


Pour la seconde année consécutive, Celerant Consulting nous accueille au salon nautique dans les ravissants bungalows d’un de ses grands clients. L’équipe de direction est réunie au grand complet : Roberto Segré, Président du Celerant Advisory Board,  Antoine Dionis du Séjour  qui est maintenant le "patron" du bureau français ainsi que Jean Luc Van Den Heede, dit "VDH", dont les succès sur mer sous les couleurs de Celerant ont maintes fois été relatés dans nos colonnes. Autour de nous le salon bourdonne et l’ambiance est plutôt aux réjouissances, même s’il apparaît très vite que sur ce salon le temps de chacun est excessivement compté.


Roberto Segré, le conseil après 3 années de repli voit se lever de bons vents aujourd’hui. Qu’en est-il pour Celerant qui semble avoir poursuivi contre vents et marées une croissance ininterrompue durant toute cette période?

Roberto Segré :   Nous avons en effet beaucoup développé notre Business ces dernières années grâce à la fidélité de nos clients et à la façon qui nous est propre de travailler en symbiose avec les sociétés afin de délivrer une valeur ajoutée durable.  Une amélioration dans la Bottom-line est toujours la bienvenue –  que ce soit en temps de boom ou temps de crise.


Mais pour vous qui avez une activité très opérationnelle, ne risquez-vous pas avec la globalisation de la production à laquelle on assiste actuellement, de voir partir vos clients à l’Est, voire en Asie?

Roberto Segré : Notre stratégie est de se développer là où nos clients nous amènent. Nous travaillons actuellement dans plusieurs pays en plus des 6 bureaux que nous avons à travers le monde.  Par exemple nous avons des projets en Amérique latine, en Asie du sud-est et en Inde


Donc un développement plutôt à l'International. On est tenté dés lors de vous poser la question : Celerant, combien de divisions?

Roberto Segré : Dans les métiers qui sont les nôtres, les effectifs sont chez les clients et ces clients sont mondiaux. Ainsi on peut avoir des consultants norvégiens sur des missions en France et des consultants français en Norvège. Ceci étant posé, nous comptons 400 consultants en Europe pour un total monde qui atteindra bientôt les 600 personnes. Et sur cet ensemble 70 personnes dépendent directement du bureau de Paris.


Un "Paris" qui chaque mois de décembre devient pour quelques jours  le centre du monde de la navigation de plaisance et de compétition. Le moment idéal donc pour faire le point avec vous sur le partenariat qui vous unit à Jean Luc Van Den Heede.  Comment est-il vécu ce partenariat?

Jean Luc Van Den Heede : Très bien vécu ! Mon métier actuel c’est de faire des conférences pour les entreprises. Et ça me va plutôt bien. C’est d’ailleurs comme cela qu’on s’est rencontrés à l’origine. Celerant m’a plu parce que c’est une société à l’esprit très "marin".


Il faut en effet rappeler pour nos lecteurs que Jean Luc Van Den Heede a réussi en partenariat avec Celerant l’an dernier un tour du monde « à l’envers » puis conquis cette année le record de vitesse du tour des îles britanniques sur son voilier métallique Adrien.  Où se situe le point qui lie navigation et conseil?

Roberto Segré : Il existe un fort parallèle entre l’activité sur la mer et celle du management : imprévisibilité, gestion des risques, décision... Jean-Luc a défini une méthode en 12 principes qui s’applique aussi bien sur terre que sur mer. Le parallèle est là.

Comme nous analyserons les aspects sportifs avec Jean Luc Van Den Heede dans une interview dédiée, je vous propose de nous concentrer sur les aspects managériaux au vu du climat actuel qui en France apparaît très tendu. Aussi permettez moi cette remarque: vous faites le tour du monde face au vent, vous allez plus vite que les Anglais... N’y a-t-il pas un décalage entre la performance sportive que vous incarnez et le piètre niveau d’engagement et de respect des clients auquel on assiste aujourd’hui dans certaines entreprises.  Autrement dit ne propose-t-on pas avec la "référence sportive" une image d’engagement à la qualité qui n’a plus trop de rapport avec la réalité des entreprises? J’en prend pour preuve un phénomène qui se répand dans la restauration aujourd’hui:  lorsque les clients ont tendance à s’attarder, les serveurs signifient la fermeture imminente de l’établissement en mettant les chaises sur les tables, et je passe sur le garçon qui quitte son service et vous demande son dû... J’ai plusieurs exemples identiques dans l’année précédente, notamment dans deux restaurants que l’on avait pourtant mis en valeur dans nos propres colonnes, bon c’est un exemple... Plus récemment nous avons tous découvert les «Profs» qui ne veulent plus assurer les cours de remplacement, un domaine que connaît bien Jean Luc Van Den Hedde qui est un ancien professeur de mathématiques... Quel est votre point de vue sur ces phénomènes conjoncturels? S'agit-il de problèmes de motivation, de formation? 


Jean Luc Van den Heede : C’est plus une question de comportement  que de formation. Il faut passer aujourd’hui dans l’entreprise à une autre conception du travail. Dans la préparation d’un bateau on a peu de grèves et peu de préoccupations salariales. Mais là, il y a identification avec le Skipper : tous les membres d’un projet partent par procuration pour faire quelque chose qu’ils aiment. L’exemple des chaises dans le "resto" c’est celui de quelqu’un qui n’a rien à faire dans son métier et qui n’a pas dans la tête le bonheur de ses clients.  Ce qui est important, c’est l’esprit que l’on donne aux gens qui travaillent et l’esprit qu’ils mettent dans leur travail. Autre exemple que vous avez cité, le cas des "Profs" .  Là vous pouvez donner tous les cours que vous voulez, certains resteront incapables d’enseigner. C’est comme un excellent Skipper sur un mauvais bateau et inversement. Cela dit, beaucoup d'enseignants font très bien leur travail et par amour.


Roberto Segré : Oui, les deux vont ensemble : aspect comportemental et formation, notamment au management. Aujourd'hui les enjeux de l’entreprise ne sont pas suffisamment pris en compte.  Cela  se traduit en fait par une méconnaissance par le terrain de la problématique de l’organisation et vice versa par une incompréhension des réalités du terrain par certains chefs d’entreprise.


Jean Luc Van den Heede : Et le corollaire à tout cela c’est que la Com’ interne devient très importante aujourd'hui pour l’entreprise


Roberto Segré : De là nos partenariats. Pour nous le partenariat sportif, qu’il soit dans la voile ou l’automobile, est lié à l’idée de Challenge et d’esprit d’équipe, deux valeurs qui sont fondamentales en entreprises.  Bien que seul en mer, le navigateur est soutenu par une équipe à terre qui va gérer la météo et la sécurité. De la même façon, et bien que seul en piste, le pilote de course va gagner de précieuses secondes dans les stands au moment du changement de pneus grâce à l'engagement de son équipe.  Ce travail d’équipe qui tend vers la qualité et le résultat est donc une valeur que nous véhiculons sur le terrain, dans les entreprises.


Les symptômes que nous avons évoqués déplacent-ils votre action aujourd'hui vers plus de management opérationnel ou au contraire plus de réflexion stratégique?

Roberto Segré : Eh bien, comme je viens de vous l'expliquer, la morale de tout cela c’est qu’on a besoin des autres et de travailler avec eux. Et c’est cela la base du management. Mais encore faut-il savoir ce que l’on veut faire. Et là, c’est  de la stratégie. Ainsi nous sommes de plus en plus sollicités, et cela fait partie de notre savoir-faire chez Celerant, pour «installer la stratégie des clients». Donc Celerant s’inscrit plus dans l’implémentation de la stratégie des clients que dans toute autre forme de conseil. Notre force c'est de travailler à tous les niveaux de l'organisation afin d’assurer une harmonie entre les objectifs de la société et sa mise en place efficace. Nous mettons donc en place "en aval" l’alignement des lignes de commandement, le suivi de la  production, de la qualité, le Reporting etc... A titre d’exemple nous avons mis en place la nouvelle organisation d’Interbrew dans l’aval de sa fusion avec Ambev (devenues ensemble InBev), entreprise dont nous étions en charge d’améliorer les résultats pour l'ensemble de ses brasseries a l’échelle mondiale. Récemment nous avons aussi commencé de très grand projets Six Sigma avec un assureur et une société de base de données mondiale.


On imagine que pour agir à ce niveau d’opérationnalité dans les entreprises vos consultants doivent avoir des compétences adaptées. Quelles sont-elles?

Roberto Segré : Notre différenciation, c’est d’avoir des gens qui viennent de l’entreprise "et" des théoriciens.


Vous avez cité Ambev, un très grand groupe, et donc des projets plutôt lourds. Combien de projets pouvez-vous mener et quels sont vos secteurs de prédilection?

Roberto Segré :  En France cela représente 15 grands projets en cours et en Europe entre 40 et 50. Aujourd’hui nous avons beaucoup de missions concernant la réduction du cycle de maintenance. Exemple : Shell dans le Golfe du Mexique, en Egypte et en Mer du Nord. Pour ce qui est des secteurs où nous opérons je citerai : le Secteur pétrolier, les Télécom, le Luxe, la Grande consommation, la Pharmacochimie, la Private Equity (sociétés de capital risque), et là on peut être soit du côté de l’acheteur soit du côté du vendeur pour l’évaluation par exemple d’actifs industriels. Donc des secteurs très variés de l'industrie et des services, mais principalement des grands projets.


Avec ces grands clients et ces grands projets ne vous heurtez-vous pas à la concurrence des grands conseils généralistes qui ont tendance à se partager ces territoires.

Roberto Segré :  Les grands cabinets essaient de "descendre" dans l’Opérationnel, mais ils ne sont ni préparés ni structurés pour cela. Comme je l’ai rappelé notre différenciation vient du fait que nous avons des praticiens de l’entreprise, avec une grande expérience. Ils sont chez les clients comme si ils y avaient passé des années. Ils en connaissent les problématiques quotidiennes, mais peuvent aussi proposer des solutions opérationnelles dont ils maîtrisent parfaitement la méthodologie et la mise en place.


Ce qui n'évite peut-être pas la concurrence des grands cabinets de l'IT. Comment êtes-vous positionné sur ce point ? Je pense par exemple à l'existence de Prime Partnerships avec des éditeurs, Oracle, Siebel

Roberto Segré :  On fait de la Supply Chain depuis toujours. C’est pour nous un sujet de réflexion qui a 30 ans. On a donc toujours été confrontés aux évolutions de ce marché et les aspects techniques nouveaux n’ont jamais été pour nous une contrainte mais au contraire une raison de notre présence chez les clients. Mais pour ce qui est du cœur de métier, c’est là que nos praticiens de terrain font la différence : notre approche allie les nouveaux outils tels que ceux que vous avez cités avec les compétences des personnes et permet donc une amélioration d’usage des outils.


Votre société rencontre un remarquable développement à un moment où d’autres sont à la peine. Cette réussite, elle le doit aussi à ses dirigeants les plus récents. Que deviennent-ils?

Roberto Segré : Pascal Ansart que vous avez vu sur le salon nautique l’an dernier et qui présidait jusqu'à récemment aux destinées du bureau parisien est parti prendre la direction d’un de nos très grands clients et Antoine Dionis du Séjour qui l’a précédé à la tête de Celerant France est maintenant Responsable des Consultants en France.  Eric Guyader qui pilote notre groupe depuis très longtemps est Vice Président de Celerant Europe.


Donc des mouvements de personnes au sein de votre groupe. Ce qui me permet une transition vers les RH. Le recrutement de talents et leur fidélisation semble aujourd’hui devenir un point difficile pour beaucoup les cabinets conseil. Comment cela se passe-t-il à Celerant?

Roberto Segré :  Aujourd’hui notre plus grand sujet d’attention c’est les Ressources Humaines, à la fois en terme de recrutements mais aussi d’affectations..

Jean Luc Van Den Hedde :  Là tout le monde a du mal : j’ai du mal à trouver des préparateurs. Aujourd’hui en plus il faut savoir faire preuve d’amabilité et avoir une capacité commerciale… C’est difficile de trouver. Il faut du temps et alors, la conséquence c’est qu’il manque toujours des gens.

Roberto Segré :  Oui les gens compétents ne se trouvent pas si facilement. Les consultants, c’est la denrée rare. Dans nos métiers très exigeants il y a une petite caractéristique qui est qu’on ne peut recruter n’importe comment. En effet, on ne renouvelle notre fond de commerce que deux fois par an. D’autre part, il faut  pouvoir travailler en "flux tendu" et suivre la demande des clients. Enfin, il faut pouvoir trouver des candidats présentant une  "culture client", une véritable culture internationale et sachant donc parler au moins 3 langues… Cela étant on garde bien les gens.


Un dernier point avant que je ne vous "abandonne" à vos clients et à ces merveilleux bateaux qui nous entourent. Ces dernières années, les niveaux d’honoraires ont été revus à la baisse dans la profession, que ce soit pour les NichePlayers ou pour les grands généralistes. Cela a-t-il affecté votre cabinet?

Roberto Segré :  Il existe une double caractéristique dans nos métiers. En effet, beaucoup de grands marchés se font pratiquement sur appel d’offre. On en gagne quelques-uns. Cette caractéristique devient forte. Mais ce n’est pas le moins disant qui l’emporte. Car, deuxième caractéristique, le client évalue de plus en plus ce qu’il achète, a travers des mécanismes formalisés. Et là, ce qui est médiocre est toujours trop cher. On a vu il y a quelques années de grandes boutiques afficher des prix très bas et perdre les marchés. Aussi, je crois que le juste prix reste possible et qu’il est bien évalué maintenant par les acheteurs. La tension sur les prix n’est donc plus un facteur important. Notre métier c’est avant tout de délivrer de la qualité. C’est ce que fait Jean-Luc lorsqu’il prend la mer.

Propos recueillis par Bertrand Villeret
Rédacteur en chef de ConsultingNewsLine



Pour info :
www.vdh.fr
vdh@vdh.fr

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