24 Heures du Mans 2007...        

  • 3   juin :       Essais préliminaires
     Interview : Patrick Bourdais, Sébastien Bourdais




S+P Bourdais
Image : Maxime Jamaux, Sarthmag  2007


Sébastien Bourdais, Patrick Bourdais, on a le plaisir de vous avoir tous les deux aux 24 Heures du Mans. C 'est presque exceptionnel puisque une fois on a le fils, une fois on a le père… Vous êtres tous les deux cette année, là,  c'est tout à fait exceptionnel.  Sébastien vous venez de faire la pole position de ces préliminaires, alors première impression… être en pole au Mans sur les préliminaires...


Sébastien Bourdais : Ah… on est pas en pole, on a fait le meilleur temps de la journée des préliminaires, mais bon c'est vrai que ça laisse je dirai un bon présage pour la semaine des 24 heures. Malgré tout je crois aussi qu'il ne faut pas se tromper, il y a eu probablement une grosse partie de "Poker menteur" avec Audi et savoir que personne n'a dévoilé vraiment ses cartes, y'a pas eu de pneus de qualif de mis…on ne sais pas exactement quels réglages moteurs nos amis allemands utilisent,… Donc pour l'instant on sait ce qu'on a fait chez Peugeot, on a pas fait la chasse aux chronos, on a fait une bonne séance de travail et on s'est fait très très plaisir… donc objectifs acquis …


Alors cette 908 c'est une voiture diesel, ça fait une grosse différence par rapport à une essence ?

Sébastien Bourdais : Non, c'est une voiture de course tout simplement… ça a des caractéristiques un petit peu amplifiées d'un moteur turbo, à savoir un couple phénoménal… Mais c'est une voiture de course qui est bien née d'un effort d'un constructeur…et qui au niveau des performances, vraiment je dirais, remplit toutes ses promesses…


Alors est-ce qu'elle est un peu différente de l'Audi ?  Est-ce qu'il y a des zones où elle est plus vite, des zones où elle est moins vite, pas forcément sur les même trajectoires…


Sébastien Bourdais : Pour l'instant on ne sait pas, on ne sait pas comparer puisqu'il n'y a pas eu d'analyse de faite, ce sera fait et créé Post Le Mans. De toutes façons c'est deux philosophies complètement différentes… Peugeot a fait… enfin, la philosophie elle était claire et de dire "voilà aujourd'hui, de battre Audi à son propre jeu avec la même voiture, ce sera très difficile, c'est la référence en endurance… ", donc ils ont opté pour une stratégie et une solution technique opposée. Audi a fait une voiture ouverte, on a fait une voiture fermée, ils ont fait un tank, on a fait une F1, puis après… on verra qui avait raison…


Alors cette voiture fermée, est-ce que ça fait une grosse différence pour le pilote en terme de visibilité, en terme de température, je me souviens que l'an dernier Patrick avait eu très chaud dans la Porsche Del Bello…

Sébastien Bourdais : Oh, ça n'a rien à voir, en fait ce n'est pas une GT!  On a pas le moteur devant, on n'a pas la boite de vitesse qui passe avec le pont en travers du châssis, Il n'y a absolument rien devant. Y'a un bon système d'aération, donc en fait le seul moment où il fait chaud dans la voiture c'est quand on s'arrête!… ça fait un petit peu le "phénomène d'aquarium", on a toute la chaleur qui rentre dans l'habitacle et pas d'aération, sinon en roulant c'est" très très" supportable, et de toutes façons il faut  que ce soit supportable puisqu'il y a cette nouvelle règle des 12 degrés supérieurs de la température ambiante, sinon il faut installer une climatisation. C'est un défi que Peugeot a relevé brillamment.


Cela vous change beaucoup? Vous venez du ChampCar où l'on est quand même la tête dehors, où l'on bénéficie du vent etc.. vous vous retrouver dans cette voiture qui est fermée. N'y a-t-il  pas un petit décalage au départ ?

Sébastien Bourdais : Non c'est pas foncièrement différent. Comme je le disais, il y a une bonne ventilation dans la 908, qui correspond une fois qu'on a la visière ouverte à ce que l'on a dans une monoplace. C'est vrai qu'au niveau visibilité on a toujours ce montant sur la droite qui gène un petit peu, mais bon après quelques tours on s'y fait.


D'accord… alors une autre question qui est dans le même ordre, mais qui est plus "on passe du ChampCar au Mans et puis d'un seul coup on va se retrouver dans le baquet d'une F1", ce qui va vous arriver, ce que l'on vous souhaite, parce que vous avez fait des essais tout à fait déterminants : ChampCar - F1, la différence est énorme ou c'est quasiment les même voitures?

Sébastien Bourdais : Non c'est 5 secondes au tour, mais c'est surtout deux philosophies qui s'affrontent. On a une série monotype aux Etats Unis avec le ChampCar. En F1 on a une catégorie où il y a une bagarre de constructeurs, tout le monde construit sa voiture, alors que nous on dispose de la même voiture pour tout le monde… et il n'y a aucune assistance au pilotage en ChampCar,  c'est absolument tout ce qu'on peut imaginer, [ce qui] inclus le contrôle de traction et autre …  c'est deux visions qui s'affrontent.


Avant d'en venir à des questions plus personnelles avec Patrick, qui est votre père - donc on sait que ça donne toute une dimension "très très" particulière, avec laquelle les sarthois sont en plus de ça très sensibles - une toute dernière question, cette fois-ci de stratégie, de carrière:  vous étiez en endurance notamment chez Pescarolo, vous êtes arrivé en ChampCar avec de superbes résultats, 3 championnats gagnés, un quatrième certainement en cours, vous allez passer en F1 et au moment où vous allez passer en F1 vous arrivez chez Peugeot... Tout ça c'est quand même un peu compliqué,  comment vous le gérez, comment vous le voyez...?

Sébastien Bourdais : Je crois que la situation est un peu plus compliquée que cela. En fait j'ai toujours eu ma carrière monoplace qui était l'objectif principal et prioritaire…. ça a commencé avec la Formule Campus, la Formule Renault, la Formule 3 jusqu'en 99 puis la formule 3000 jusqu'en 2002. A  partir de là, la F 1 ne s'est pas ouverte à moi, aujourd'hui elle ne l'est toujours pas et l'on n'a aucune garantie, je dirais que c'est du 50-50. On verra comment ça se passera. Le 4ème championnat en ChampCar, il n'est pas gagné, loin de là, on a fait que 3 courses sur 15, donc je crois qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, mais je crois qu'on a toutes les armes pour y arriver… et puis bon, il y a eu une occurrence qui est apparue en 99 en parallèle, grâce à papa et puis ensuite grâce à Henri, et puis depuis je suis un peu tombé amoureux des 24 Heures, en l'occurrence dans sa globalité, et à chaque fois que je peux monter dans une voiture différente, j'en profite.


Alors là on arrive aux questions pour le père… Il y a les années ou Patrick vous êtes au Mans et votre fils est à Portland.  Il  y a des années où il est au Mans et puis vous n'êtes pas sur une voiture au Mans et où il va partir à Portland… alors ça fait quand même une vie un peu compliquée, non… Comment ça se passe?

Patrick  Bourdais : Non mais, le grand regret, ça c'est 99, où c'est vrai je lui avais donné mon volant pour qu'il fasse ses premières 24 heures afin d'être dans une équipe comme celle d' Henri Pescarolo l'année d'après, sans pression et avec une expérience déjà grande,  car une GT2 ça allait déjà vite…. Mon grand regret  c'est celui là : cette année là il aurait fallu que je réunisse tout pour qu'on court tous les deux sur cette voiture là. Parce que, je ne pense pas que maintenant… lui a gravit les échelons tellement importants que je ne peux pas suivre et… je ne pense pas qu'on aura l'occasion de refaire un jour les 24 Heures ensemble, plus maintenant !

Sébastien Bourdais : On a fait d'autre courses ensemble, mais bon, c'est vrai que pour les 24 Heures, papa a toujours eu le statut de privé et moi …


Alors une petite pointe de regret, mais il y a aussi les pointes de plaisir pour le père, qu'elles sont-elles ?

Patrick  Bourdais : Eh bien, à partir du moment où Sébastien démontre ce qu'il démontre aujourd'hui, c'est obligatoirement du bonheur, et j'oublie… Y'a pas de questions à se poser, quand on a un fils avec un talent pareil au niveau pilotage… et le reste qui va avec,…Y'a pas de question à se poser, ça se fait naturellement. Et.... quand lui court au Etats Unis et moi je fais les 24 Heures… il s'inquiète de savoir ce que je fais.  Et quand il est aux Etats Unis, moi dés que je suis descendu de l'auto je prend de ses nouvelles, mais c'est des relations entre le père et le fils…


Alors un grand plaisir et une grande fierté, et aussi une grande crainte parce que vous me disiez tout à l'heure que ce sont des voitures qui ne roulent pas à des vitesses très basses…

Patrick  Bourdais : Non, non c'est sûr que là aujourd'hui j'ai retrouvé une grande émotion, parce que je les voyaient dans le stand et en fin de compte je n'ai pas vu une seule voiture rouler sur le circuit… je suis resté derrière l'écran tout le temps, c'est là où on arrive pas à se détacher, "c'est sympath un tour de qualif," en croisant les doigts et en se disant pourvu que ça aille au bout, parce que ça peut très bien s'arrêter avant d'arriver au bout du tour… et là je crois que j'étais le seul à applaudir quand il a fait son temps, parce que je ne sais pas faire autrement…


Nous en tous cas on était très heureux, puis on s'est dit : "ça va être une complication", puisqu'on devait avoir cette superbe double interview… et d'un seul coup Sébastien nous fait une pole position sur les pré-qualifications, donc on s'est dit : "ça va compliquer un peu les choses" … Est-ce qu'il y a quand même des moments où vous vous dites "quand je suis dans la voiture j'ai pas peur, je m'occupe de moi, tout va bien et puis quand c'est Sébastien… je suis plus tendu"?

Patrick  Bourdais : Ah ben c'est… c'est une évidence. Moi quand je suis dans la voiture, que je cours, alors là je ne suis pas stressé du tout, l'an dernier je n'étais pas stressé, hormis que l'ambiance n'était pas bonne, mais je n'étais pas stressé, alors que Sébastien dés qu'il il monte dans la voiture je suis stressé et alors là, je n'arrive pas à me détacher de ça… ça c'est une erreur, je crois que c'est tout père de pilote qui fait ce sport à haut niveau. Je pense que c'est normal de le vivre.


Et vous Sébastien, vous-même, vous faites des efforts pour que votre père soit moins tendu, par exemple vous vous arrangez pour rouler moins vite que tout le monde…  pour ne pas être sur la première ligne de grille…

Patrick  Bourdais : Surtout pas !

Sébastien Bourdais : ça ça l'énerve !…  Non je crois que c'est normal, c'est l'instinct paternel, on peut pas contenir ses émotions, et à partir de là on ne peut pas l'empêcher de se faire [du mouron]…


Et vous même, est-ce que vous éprouvez une fierté de vous dire "ce que je suis en train de faire finalement je le fait parce que papa m'a ouvert cette porte, m'a donné l'exemple"?

Sébastien Bourdais : Je lui suis "super reconnaissant", parce que sans lui c'est clair que je ne serai pas là aujourd'hui , c'est forcement lui… ça a toujours été un petit peu fusionnel entre nous surtout au niveau du sport auto, et obligatoirement il y a un moment où c'est difficile parce qu'il me voit prendre des risques et il sait un petit peu ce que ça veut dire… et derrière il faut réussir à suivre…


Alors bientôt c'est les 24 Heures du Mans, dans 15 jours! Un dernier mot : comment ça va se passer, votre première et votre dernière impression sur ces 24 Heures? Tout à l'heure en salle de presse vous avez un peu titillé les gens d'Audi en disant "qu'on pourrait bien démontrer des choses"…

Sébastien Bourdais : Oui je crois qu'on peut vraiment créer la surprise, aujourd'hui on a prouvé qu'on était je pense ce qu'il fallait au niveau rapidité pour aller les chatouiller, même si je suis "très très "sur de moi en disant qu'ils ont caché leur jeu, peut-être  plus que nous. Mais c'est aussi clair que pour notre course, on est relativement serein jusqu'à la 12ème heure. Vers 4 heures du matin, c'est là qu'on entrera dans notre course et notre défi…


En tous cas, on sera là pour vous suive… Pour nous, la surprise ce serait d'avoir le père, le fils sur la même piste et en même temps en Sarthe, ça ferait plaisir aux sarthois, c'est quelque chose de très rare. On arrive toujours pas à avoir les deux ensemble…

Patrick  Bourdais : Non mais je pense que ça, je crois qu'il faut oublier,  maintenant il faut prendre ce qu'il y a à prendre, ça il faut oublier, il fut un temps ç'aurait pu être…je crois que maintenant il faut vraiment oublier …
 

Patrick Bourdais, Sébastien Bourdais… Merci… et puis on vous souhaite les meilleurs 24 Heures du Mans possibles, et la meilleure carrière à venir ... bientôt, certainement, "on l'espère "en Formule 1, aussi… Merci beaucoup!

Patrick  Bourdais, Sébastien Bourdais  : Merci à vous !


Propos recueillis par Bertrand Villeret
Rédacteur en chef
ConsultingNewsLine

Images :    Maxime Jamaux, Sarthemag. Copyright Maxime Jamaux 2007
                  David Legangneux, Le Mans Racing / Daily SportsCar
                  Copyright David Legangneux 2007



Peugeot
Image: David Legangneux 2007


Pour Info:

Fils de Patrick Bourdais, entrepreneur sarthois 9 fois concurrent des 24 Heures du Mans, Sébastien Boudais a participé 5 fois aux 24 Heures du Mans . Il est d'autre part :

- Champion de F 3000 en 2002 (la discipline d'accès à la F1)
- Champion de ChampCar 2004  (la F1 "américaine")
- Champion de ChampCar 2005
- Champion de ChampCar 2006

- Les participations de Sébastien Bourdais au Mans sont les suivantes :

   1999 Porsche,
   2000 Pescarolo[4ème  au général]
   2001 Pescarolo
   2002 Courage
   2004 Pescarolo

- Il a réalisé en 2007 des tests en Formule 1 chez Toro Rosso.

- Sébastien Bourdais est aujourd'hui pilote officiel de l'écurie Peugeot Total

- Début de carrière : 1995 Formule Campus (9ème), 1996 Formule Renault  (1er
   podium et 1er aux 24 heures du Mans Karting),  1996 Vice Champion de France de
  Formule Renault, 1997 Vice Champion de France de Formule Renault, 1998 6ème
  du Championnat de France de Formule 3, 1999 Champion de France de Formule 3,
  2000 9ème du Championnat de Formule 3000…




Peugeot 807
Ce Spécial Le Mans 2007 est réalisé en collaboration avec les rédactions de :
consultingnewsline RCF Le Mans Economiematin
David Legangneux :    Le Mans Racing / DailySportscar / ConsultingNewsLIne
Stéphane Blu :             RCF Le Mans
Bertrand Villeret :        ConsultingNewsLine
Maxime Jamaux :       Sathmag

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