Profession Consultant
Sept-Oct 2005  

Dossier spécial:  Intelligence Economique

Interview: Yves Michel Marti
Président du cabinet EGIDERIA
Egideria est l’un des plus anciens spécialistes de la Veille Stratégique de la place de Paris. Situé rue Saint Honoré ce cabinet a vu son offre évoluer au cours du temps d’une manière qui caractérise bien l’évolution du secteur. Yves Michel Marti retrace pour nous les grandes étapes de ce métier qui a vu l’arrivée de la Veille dans les entreprises puis la montée en puissance de l’internet et qui aujourd’hui reçoit une nouvelle impulsion grâce aux politiques d’Intelligence Economique et de Sécurité Nationale sur les Investissements Etrangers progressivement mises en place par le Gouvernement. Yves Michel Marti fait le point pour nous


Yves Michel Marti, vous dirigez Egideria, un cabinet d’Intelligence Economique et Concurrentielle (Competitive Business Intelligence). Peut-on retracer les origines de ce secteur ainsi que celles de votre cabinet?

Yves Michel Marti : J’ai démarré Egideria en 1994, sans passé de renseignement, mais une expérience pratique de Competitive Intelligence acquise dans des grands groupes en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Auparavant, en 1992, j’avais participé au lancement de SCIP France (la branche française de la Society of Competitive Intelligence Professionnals) avec Robert Guillaumot et Bruno Martinet. La reconnaissance du livre dont j’ai été le co-auteur avec Bruno Martinet par le journal Financial Times en 1996 a été un fort accélérateur.


Quelles ont été les grandes étapes de votre cabinet et qu’elle a été l’évolution de votre offre de services?

Yves Michel Marti : De 1994 à 1997, nous avons été les pionniers français de la veille sur Internet pour des projets scientifiques et techniques. Puis nous avons choisi d’évoluer vers l’acquisition d’information stratégique à très haute valeur ajoutée en nous spécialisant sur les sources humaines. De 1997 à 2001, nous avons réalisé de nombreux projets d’Intelligence Concurrentielle pour des directeurs opérationnels de filiales de grands groupes internationaux. Vers 2001, nous avons passé un cap en commençant à travailler pour des membres du Comité de Direction de grands groupes.


De la Veille au Lobbying en passant par l’informatique, on peut supposer que cette activité fait appel à des talents divers. Quels sont les profils auxquels vous faites appel et comment ces profils évoluent-ils?

Yves Michel Marti : Le profil des gens que nous recrutons n’a que très peu d’importance, il n’y a que le talent qui compte. Il y a cependant des constantes : études supérieures, expérience internationale, bilinguisme en anglais, parfaite maîtrise d’une troisième langue, sens du contact, esprit d’analyse, éthique personnelle…


Concrètement peut-on lister les divers types de missions que vous réaliser le plus fréquemment et citer les types de clients qui y font appel?

Yves Michel Marti : Nous avons 5 types principaux de mission. Aide à la conquête des grands appels d’offre internationaux ; intelligence concurrentielle ; « due diligence » de partenaires potentiels ; « litigation support » (soutien informationnel pour nos clients dans des procès, arbitrages ou litiges internationaux) et mise en place de cellules d’Intelligence Compétitive. Nous ne citons jamais le nom de nos clients. Il s’agit de grands groupes internationaux, de PME innovantes et exportatrices, ou bien de grandes fortunes personnelles.


Lorsque Total avait racheté Elf nous nous étions fait l’écho d’une étude que vous aviez mené sur internet afin de caractériser la stratégie de chacun des protagonistes à l’aide du logiciel Umap de Trivium. Des études de ce type restent-elles pertinentes aujourd’hui et seraient-elles encore demandées par les grands opérateurs?

Yves Michel Marti : Oui, certainement, mais nous nous sommes retirés de ce marché pour nous consacrer au renseignement stratégique obtenu par les sources humaines, afin de répondre à la demande de nos clients en informations précises et immédiatement utilisables.


Internet évolue. Comment voyez vous cette évolution?

Yves Michel Marti : Internet est de plus en plus surveillé. Nous investissons dans des stratégies et des systèmes sophistiqués pour sécuriser nos données et pour garantir la confidentialité de nos recherches et de nos communications. Egideria soutient et développe activement une initiative majeure de l’Open Source en matière de sécurité informatique.


Les outils informatiques évoluent, certain disparaissent ou évoluent (Agentware, Umap)... Comment peut-on caractériser cette évolution : des outils moins grand public, plus professionnels?

Yves Michel Marti : Agentware et Umap sont des outils de première génération, qui ont ouvert de nouvelles voies. On travaille maintenant avec des outils de deuxième génération. Le problème est que les vendeurs de logiciels semblent avoir abandonné le marché grand public pour se focaliser sur les grands comptes. Impossible d’acheter quelque chose de performant à moins de plusieurs dizaines de milliers d’euros !


La France a la réputation de consommer deux fois moins de conseil que le Royaume Uni et l’usage de la Veille Stratégique par les entreprises françaises est réputée des plus faibles. Qu’en est-il?

Yves Michel Marti : Dans les pays anglo-saxons, il est courant d’externaliser des missions complètes d’Intelligence Economique. On a alors des grands contrats, avec des centaines de questions, dont 90% sont très faciles et 10% très difficiles. En France, les responsables d’entreprise ont beaucoup plus de réticence à externaliser, ils préfèrent faire le maximum en interne. On récupère alors des missions, avec un petit nombre de questions très difficiles, alors qu’il n’y a plus ni temps ni argent ! C’est à mon avis le facteur principal qui explique la différence de taille entre les cabinets anglo-saxons et français.


L’Etat souhaite impulser le développer de l’Intelligence Economique. Quel est votre avis sur cette démarche? Quelle doivent en être les limites?

Yves Michel Marti : Cette initiative de l’Etat est indispensable, et les professionnels l’attendaient depuis longtemps. Il faudrait cependant éviter de retomber dans nos vieilles habitudes jacobines d’un excès de contrôle.  On affaiblirait alors les cabinets français et les donneurs d’ordre se tourneraient vers les étrangers.


Délocalisations, concurrence des talents au sein même de l’espace européen, décrochage de l’économie, arrivée de nouveaux dragons. Les Pôles d’Excellence peuvent-ils être «La» réponse et quelle place peuvent y jouer les agents de l’Intelligence Economique?

Yves Michel Marti : Les pôles d’excellence sont une excellente idée. Mais il aurait fallu se concentrer sur seulement une demi-douzaine ! En avoir sélectionné un si grand nombre est une absurdité. Chaque député a exigé son pôle d’excellence, et maintenant on en est réduit à faire du saupoudrage, avec un budget de toutes façons très insuffisant.


Si vous deviez retenir une grande évolution de l’environnement économique qui va être déterminante pour votre métier dans les années qui viennent, quelle serait-elle?

Yves Michel Marti : Le juridique va prendre plus d’importance. Cela fait déjà deux ans que nous demandons des analyses à des avocats avant de lancer certaines actions de collecte de renseignement, afin de sécuriser nos opérations.


Propos recueillis par Bertrand Villeret
Rédacteur en chef, ConsultingNewsLine



Pour Info:
http://www.egideria.fr/

Usage du logiciel  UMAP dans l'étude du rachat d' Elf par Total :
Press Review Egideria 1999


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Yves Michel Marti



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Crédit photo:
Courtoisie EGIDERIA
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