Techno
mars  2011 
13 (révisé au 14,15, 16 et 17) mars 2011
 


Point sur l'alerte nucléaire au Japon


Suite au tremblement de terre de magnitude 8,9 qui a touché le Japon et au tsunami qui s'est abattu sur la côte est du pays, 3 centrales nucléaires japonaises sur les 17 que compte l'archipel sont actuellement en difficulté. Il s'agit de Fukushima Daiichi (Tepco)  située à 225 km de Tokyo, Onagawa (Tohoku Electric Power) située 42 Km plus au nord et de Tokaï (Japan Atomic Power Co) située à 120 Km au nord de Tokyo.

Actuellement 11 réacteurs sur les 55 du parc nucléaire japonais seraient à l'arrêt.
Seule Fukushima Daiichi pose de graves problèmes. Pour cette centrale 3 des 6
réacteurs, en arrêt d'urgence, nécessitent l'évacuation de leur énergie résiduelle (les 3 autres n'étant pas en fonctionnement au moment du tremblement de terre) alors même que la perte d'alimentation électrique externe n'a pas été à l'origine compensée par les groupes électrogènes de secours pour des raisons inconnues et que le tsunami aurait par ailleurs éffecté la station de pompage d'eau de mer (source froide).Ces réacteurs sont de type "à eau bouillonnante" (BWR Boiling Water Reactors), ce qui les distinguent du choix technologique français à "eau pressurisée" (PWR Pressurized Water Reactor). En particulier coexiste une phase vapeur en contact avec de l'eau dans la partie supérieure des réacteurs, la vapeur qui part vers les turbine est radioactive et les barres de contrôle en Bore sont injectés par la partie basse du réacteur.

Dans l'ordre des incidents :

-  Le réacteur n°1, (460 MWe, conception General Electric 1970)  semble avoir posé un problème de surchauffe nécessitant le relâchement de la pression de vapeur d'eau du circuit primaire par l'ouverture d'un Blow Out Preventer. Ce réacteur selon TEPCO, son exploitant, serait dorénavant sous injection d'eau de mer additionnée de Bore et la température serait contrôlée malgré un relâchement de faibles quantités de produits radioactifs et un combustible qui resterait non immergé sur sa partie supérieure.

- le réacteur n°3 (784 MWe, construction Toshiba, 1974) présente un
problème semblable. Pour ce réacteur plus puissant et fonctionnant au combustible MOx (mélange d'oxydes d'Uranium et de Plutonium) il aurait été procédé à des réductions de pression ayant entrainé une explosion d'hydrogène  spectaculaire.

Pour ces réacteurs n°1 et n°3 (et possiblement le n°2) dont les chaudières et leurs enceintes de confinement sont maintenant mises en doute, on ne connaît pas l'ampleur des dégâts de coeur. Les 2 explosions observées en vidéo sur toutes les télévisions du monde semblent indiquer la production d'Hydrogène par hydrolyse de l'eau à haute température sans que l'on sache pour autant si les enveloppes en alliage de Zirconium des barres de combustible non immergé ont été ou non fissurées, voire fondues... On peut le craindre dans la mesure ou du Césium aurait été mesuré dans l'atmosphère. Si tel était le cas il s'agirait d'un incident de niveau 5 sur l'échelle de l'INES et non de 4 comme cela était indiqué initialement par l'autorité japonaise, équivalent à ce stade à celui de Three Mile Island en 1979. André-Claude Lacoste (ASN) parle au 14 mars de reclassement au niveaux 5 à 6.  L'injection d'eau de mer signifie que les réacteurs sont définitivement perdus, laissant envisager de gros problèmes de relargage récurrents de produits radioactifs lors de leur refroidissement définitif lequel pourrait prendre un temps anormalement long, sans parler des difficultés, voire de l'impossibilité de déchargement du combustible.

- Pour le réacteur n°2 (784 MWe, conception General Electric, 1973) qui jusqu'à présent posait les mêmes problèmes d'évacuation de chaleur résiduelle en condition d'arrêt (barres de contrôle en place) il semble que la pression n'ayant pu être évacuée sur 3 jours, une rupture de l'enceinte de confinement se soit produite suite à deux explosions et que la chaudière elle-même soit en difficulté suite au blocage d'une soupape de décharge. Si tel était le cas ce réacteur ne pourrait contenir son eau de refroidissement ni retenir les émanations en provenance de son combustible en fusion. Ce réacteur de fait présente un risque majeur qui peut-être classé dès à présent 6 sur l'échelle
INES et génère les plus graves inquiétudes parmi les spécialistes de sûreté nucléaire.

- Réacteur n°4 (784 MWe, Construction Hitachi, 1978). Alors que jusqu'à présent ce réacteur qui était en arrêt de rechargement n'avait pas posé de problèmes, un abaissement du niveau d'eau dans la piscine de stockage des combustibles irradiés a provoqué un incendie, actuellement arrêté. L'ébullition de la piscine et l'endommagement des gaines de combustible irradié semblent démontrés. Le maintien en eau de la piscine nécessite l'usage d'un hélicoptère dont les mouvements en raison du haut niveau de radioactivité au dessus du site ont été stoppés en attendant la mise en place d'un camion pompe et d'une ligne d'alimentation électrique extérieure.

Le  personnel sur la centrale qui avait été volontairement réduit à 50 personnes (sur 800 environ) et qui avait évacué la salle de contrôle en raison du niveau de radioactivité aurait été autorisé à réintervenir à nouveau sur le site.

En raison du cumul de difficultés et du fait qu'au moins 3 des réacteurs sont en phase de fusion partielle du coeur et que pour les réacteur n°2 et n°3 les ensceintes de confinement soient vraissemblablement endommagées, la situation a été qualifiée sur I-télé par notre confrère Michel Chevalet de "désespérée" même si comme le fait remarquer Jacques-Emmanuel Saulnier, le porte-parole d'Areva, elle ne soit "pas comparable" à celle de Tchernobyl qui avait vu l'explosion d'un coeur fonctionnant à sa puissance maximale. EDF se préparerait à l'envoi de matériel de type robots d'intervention ainsi que de grandes quantités de Bore qui pourraient être disponibles sur site vendredi 18.

- Les réacteurs 5 et 6, eux aussi à l'arrêt pour rechargement, présenteraient depuis le 16 mars des montées en température dans les piscines de stockage.

Le gouvernement français a réuni le 17 mars à l'Assemblée Nationale (dans le cadre de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) l'ensemble des partenaires de la filière Nucléaire française sous la présidence de Nathalie Kosiusko-Morizet et d'Eric Besson, respectivement Ministre de l'Environnement et Ministre de l'Industrie. A cette occasion Nathalie Kosiusko Morizet a fait le point sur la situation jugée "préoccupante avec risque de déconfinement sur les réacteurs 2 et 3" et Eric Besson a rappelé les éléments de pertinence du choix du nucléaire français (58 réacteurs, deuxième parc au monde après les USA) que l'on peut résumer comme suivant :

- Indépendance énergétique
- Prix du pétrole (énergie 40% moins cher en France que dans le monde)
- Technologie la moins émettrice de Gaz à Effet de Serre selon les
   recommandations du Grenelle de l'environnement

- Compétence reconnue de la technologie française
- Exigence de sûreté notamment via des agences indépendantes : ASN et ISRN

Par ailleurs, confirmant les propos du Premier Ministre, Eric Besson a indiqué qu'il serait procédé à la réévaluation des points suivants :

- Risques sismiques
- Risques d'inondation
- Risques de rupture
- Situations extrêmes (confinement du Corium dans le nouvel EPR
  conçu pour conserver et éteindre naturellement un coeur en fusion) 
- Partage de l'expérience par la communauté internationale
- Contribution à l'élévation des normes internationales

et que ces points seraient abordés par le Président de la République lors du G20.

Des communiqués sont disponibles sur les sites suivants :

- Autorité de Sûreté Nucléaire :  ASN   Délibération de l'ASN au 14/3 : Pdf
  Communiqués de presse de l'ASN : CP
- Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire : IRSN
- Agence Internationale de l'Energie Atomique : IAEA
- Nuclear and Industrial Safety Agency (Japan): NISA

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