Techno
Sept  2007       Spécial Le Bourget 2007
D-Jet : un mono-réacteur d'affaires

Mono-moteur ou bi-moteur? Cette alternative a toujours hanté les terrains d'aviation et les Boardroom des entreprises qui ont fait le choix de s'acheter leur propre avion. Un seul moteur c'était jusqu'à présent relativement risqué et 2 moteurs 2 fois plus cher... L'arrivée des turbines et plus récemment de réacteurs de haute fiabilité modifie l'équation en faveur des mono-moteurs... ce que semble démontrer le petit D-Jet de Diamond Aircraft. Enfin un Biz-Jet à prix abordable?

Tous les pilotes privés en ont rêvé : avoir "son "monomoteur à soi et plutôt payé par "sa" société... histoire de faire de petits bonds joyeux entre clients en évitant parcimonieusement
les embouteillages, les salles d'embarquement bondées et les grèves d'Air France' aussi imprévisibles et récurentes que le mauvais temps sur la terre des hommes.... Mais voila, les meilleures machines mono-moteurs à piston (Mooney 21, Bellanca Super Vicking, Beechcraft Bonanza, Rockwell Commander 114, Cessna Centurion, Piper Arrow III, voire même Wassmer Guépard et plus récemment Socata Trinidad si l'on veut citer des mono-moteurs  français de haut gamme) équipés pour la pluspart de Turbo, dépassaient à peine les 300 - 350 KM/H... Impécable pour épatter un client et partir en week-end à Jearsey mais beacoup trop lent pour faire Paris-Barcelone le matin et dîner à Londres le soir...

Prenons donc les même fuselages et plaçons 2 moteurs sur les ailes s'étaient dit les ingénieurs, soit donc une traction double entrainant de facto une vitesse 1,4 fois supérieure* . En comptant que l'avion devrait voler plus haut cela devait faire plus de 50% de gain en vitesse, soit "à la louche" les 400-450 Km/H... C'est ce que se dirent en effet les ingénieurs de Wichita au Kensas dans les années 50. Sont ainsi nés dans cette ville dédiée à l'aviation d'affaires des machines telles que le Beechcraft Baron dont le fuselage était celui du Bonanza monomoteur, ou encore le Twin Commanche de Piper issu du mono-moteur Commanche, et plus récemment le Seneca de Piper dont le fuselage était extrapolé de la gamme des mono-moteurs Cherokee....


D-Jet
Le D-Jet fait partie de cette nouvelle génération de mini jets d'affaires équipés d'un seul réacteur. On voit ici le prototype pendant ses vols d'essais au Canada. Image : Diamond Aircraft 2007

En comptant que deux moteurs tombent rarement en panne en même temps voila à peu de chose près ce qui semblait être l'arme absolue pour voler par "tout temps" et surtout la nuit. Curieusement cette équation est restée tel quel depuis cette époque et les
Beech Baron, Beech Duke et autres "bimoulins" se sont répendus sur les tarmacs du monde entier... concurrençant au passage des machines conçues directement comme des bi-moteurs tel que les remarquables Cessna 310, Piper Aztec et autres noms d'emplumés... Celà dit pour rester en dehors du mauvais temps il fallait pouvoir voler plus haut... En effet en se limitant à un plafond de 5000 mètres on évite bien des montagnes au nom connu mais on passe en Europe 50% de son temps en condition turbulente ou givrante et ce pendant près de 6 mois de l'année. On a donc équipé les cabines de pressurisation et remplacé les moteurs à piston par des turbines... les montées en croissière rapides suivies de vols à près de 500-550 Km/H devenaient dés lors possibles... Mais tout cela devenait passablement coûteux et les entreprises équipées de ces "Rolls" de l'aviation bi-moteur et qui possèdainet des machines tel que le Beech King Air (90 et 100) ou le Cessna Golden Eagle, voire aussi le Piper Navajo,  se disaient qu'avec quelques Dollars en plus il devait être possible de s'équiper d'un bi-réacteur, autrement plus rapide et capable de vols en haute alitude entrainant de facto un surcroit de vitesse... si ce n'était d'autonomie...  C'est cette idée qui décida Cessna dans les années 70 à réaliser une "entrée de gamme" bi-réacteur remarquable avec son simplissime Citation, lequel devait croiser à près de 600 Km/H. Pas mal pour une trapanelle sommes toutes assez classique et "facile à conduire" devaient dire les pilotes privés qui en firent l'acquisition. A l'inertie près des réacteurs l'avion se comportait en effet comme un bi-moteur, juste un peu plus vite toutefois... Mais malgré son succès, et quelques produits concurents, les bi-réacteurs d'affaires ne devaient pourtant pas devenir abordables pour les petites entreprises... et que dire des machines plus rapides tel que les LearJet et autres Citation II et III ou encore les Dassault Falcon... gourrnands en kérosène qui plus est et nécessitant 2 pilotes professionnels pour bon nombre d'entre eux...


D-Jet
La probabilité d'une panne de réacteur étant devenue très faible les mini mono-réacteurs sont  appelés à un développement rapide. Leur plan de montée étant plus important que leur plan d'approche sans moteur, il est prévu une fonction "Auto-Land" permettant de ramener l'appareil en vol plané à son point de départ.  Image : Diamond Aircraft 2007


Les crises économiques et pétrolières aidant, ainsi que le développement touristique rendant les vols sur gros porteurs plus abordables sur des destinations toujours plus nombreuses,  beaucoup de sociétés devaient se séparer
de leurs avions privés à partir des années 80. Les parkings des aérodromes US truffés de mono-moteurs et bi-moteurs corrodés et de hangars amplis de bi-réacteurs empoussiérrés sont là pour en attester aujourd'hui... Toutefois, le besoin de visiter des clients non déservis par les gros aéroports et les progrès réalisés dans la  fiabilité des turbines devaient permettre de revenir dés les années 90 à ce que l'on n'attendait plus, à savoir des "gros monomoteurs d'affaires", avec des machines extraordinaires tel que le Socata TBM 700 (aujourd'hui TBM 850) capable d'emporter confortablement 6 passagers à plus de 7500 mètres et 500 Km/H,  ou encore le Pilatus PC 12 capable d'emporter 12 passagers et du fret encombrant dans des conditions tout aussi remarquables. Les capacités d'envol sur des terrains relativement courts et les incroyales performances de montée de ces machines devaient leur permettre un travail réellement plus qu'opérationnel et de ramener au passage l'aviation d'entreprise dans des gammes de prix un peu plus raisonables.


De là une aviation d'affaires qui s'est rapidement clivée entre "gros mono-turbines" d'un côté (TBM; PIlatus, Cessna Caravan...) et bi-réacteurs de l'autre, les bi-moteurs accusant un léger recul au milieu (d'où les difficultés de Beechcraft, Piper et Cessna) malgré l'arrivée de machines "intermédiaires" d'une grande originalité comme le baroque Avanti chez Piaggio ou encore le Bi-turbine à voilure canard chez Beechcraft, sans lendemain pour ce dernier. Les bimoteurs ne devaient pourtant pas disparaître, loin s'en faut, car la réglementation aérienne rendant l'usage des multi-moteurs obligatoire pour le transport commercial de passagers en conditions "tout temps", on ne voit pas comment les mono-moteurs auraient pu s'y introduire.  Mais si l''aviation privée s'était pendant quelque temps "calée" sur les critères de l'aviation commerciale, le retours à une aviation plus mono-moteur pour le privé se profilait à l'horizon. Restait qu'il fallait encore rendre possible l'accès à une aviation à réaction pour les privés (donc les entreprises) sans passage obligé par le bi-moteur ni l'achat d'un bi-réacteur... ce qui ne  pouvait se faire qu'en imaginant que la fiabilité des réacteurs rejoigne un jour celle des turbines et que les progrès en matériaux composites et en design permette la réalisation de petits "BizJets" pas trop chers, ce dont d'aucun ne doutait mais l'avenir est toujours si loin...

Il semble pourtant qu'aujourd'hui celui-ci soit atteint.  Il semble bien en effet que le futur que l'on nous promettait soit déjà là, avec l'arrivée du D-Jet de l'avionneur Austro-canadien Diamond Aircraft, avion en composite équipé d'un unique réacteur Williams... Paris - Barcelone le matin et Barcelone - Londres le soir devrait donc devenir possible pour les entrepreneurs ayant un brevet de pilote privé acquis sur "mono-moteur". Un privilège auquel peu de pilotes privés s'attendaient... Bienvenu donc aux très pragmatiques Ambérieux - Saint Brieu le matin, aux Morlaix - Carcassonnes l'après midi et aux Biarrirz - Dijon le soir... et  le tout aux commandes de son propre mono-réacteur...


D-JetBien qu'il ne soit pas encore disponible en Europe, le D-Jet était présent au Bourget 2007 via une maquette d'aménagement intérieur grandeur nature. Demain, tout pilote privé de monomoteur pourra être qualifié sur cette machine. Attention toutefois la qualification IFR (vol aux instruments) devrait être obligatoire. Image : David Legangneux 2007.


Le D-Jet de Diamond Aircraft
Le hasard fait souvent bien les choses, la maquette du D-Jet exposée au Salon du Bourget 2007 était posée à deux pas du bi-moteur DA 42 Twin Star (objet de toute notre attention depuis Le Bourget 2005)
sur le stand de Diamond Aircraft, lequel jouxtait l'enclos réservé à EADS (où les TBM 850 étaient exposés) ainsi que celui de Pilatus et de son célèbre PC 12, non loin de là. Aussi la question du "bi-moteur" comparé au "mono-turbine" ou encore celle plus contemporaine de l'arrivée des "mono-réacteurs" d'affaires comparés aux "bi-moteurs" ne pouvait nous échapper... J'avais d'ailleurs à ce propos demandé à notre "vieux compère" Jean-François Royer, Président de la Région Ouest de la FNA de venir m'épauler dans notre enquête. Yves Jubault, Pilote professionnel qui assure en France (sur l'aérodrome d'Angers-Marcé) la réception et le convoyage des machines fabriquées à Wiener Neustadt (Autriche) était là pour répondre à nos nombreuses questions.  Alors que toute notre énergie se devait d'être dédiée au remarquable développement du bi-moteur DA 42 Twin Star (que nous devrions bientôt essayer avec Yves Jubault) notre attention se focalisait irrésistiblement sur le D-Jet... un vieux fond de "pilote privé mono-moteur" (on ne se refait pas) et quelques véléïtés d'hommes d'affaires cristallisant nos pensées sur cet OVNI en carbone-Kevlar dont les proportions réduites pour un BizJet n'offraient pas moins pour autant une habitabilité généreuse, voire même exceptionnelle.


D-Jet
La probabilité d'une panne de réacteur étant devenue très faible les mini mono-réacteurs sont  appelés à un développement rapide. Leur plan de montée étant plus important que leur plan d'approche sans moteur, il est prévu une fonction "Auto-Land" permettant de ramener l'appareil en vol plané à son point de départ.  Image : Diamond Aircraft 2007


A la cl

Bertrand Villeret
Rédacteur en chef
ConsultingNewsLine


Ex Voto :
Un grand merci à Yves Jubault de la société Aérosport (Bailleau-Armenonville, Angers-Marcé, Cannes-Mandelieu), importateur des avions Diamond Aircraft pour son accueil au Bourget... et dans l'attente d'essayer avec lui le Twin-Star en Europe et le D-Jet aux USA...


Calculus :
* Un calcul plus précis reposerait sur la puissance qui dépend du cube de la vitesse mais on ne va pas vous chambrer avec les racines cubiques... d'autant que le facteur d'altitude n'est pas des plus simples à exprimer à un large publique et que faire passer le moteur du nez aux ailes introduit un facteur aérodynamique non négligeable. Retenons donc "à la louche" qu'avec 2 moteurs d'égale puissance on va à peu près 50% plus vite...

** Wichita Kensas était dans les années 50 la ville de l'aviation d'affaire avec des marques prestigieuses telles que Piper, Cessna, Beechcraft et Gates Learjet. Cette ville reste aujourd'hui un must de l'aéronautique avec plus de 50 % de ses 50 000 habitants travaillant pour un avionneur ou un sous-traitant. Piper ne fabrique toutefois plus qu'à Vero Beech en Floride, Cessna est entré dans le groupe Textron, Beechcraft est un peu en retrait et Learjet est devenu une marque du groupe canadien Bombardier (ex Canadair). Pour ce qui est des très rapides Mooney, ils sont toujours fabriqués non loin de là au Texas à Kerville. Bellanca existe toujours au Minessota, et Grumman est toujous là,  alors que Rockwell ne fabrique plus de monomoteurs. A noter l'arrivée d'un nouveau fabriquant : Cirrus qui pourrait bien devenir le n°1 des fabriquants de mono-moteurs US... un peu comme Eclipse pour les bi-réacteurs d'entrée de gamme. Time will tell.


Pour info :
http://www.diamond-air.at


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