Carnets de voyage
Août 2009

Gilles Hanauer 

N'apprend rien d'eux, sinon tu vas mourir


3 Préface (Fin)


[Oui, cette poignée d’hommes qui se croient aux
commandes du monde parce qu’ils le valent bien].

— C’est le message principal de votre livre ? Plutôt
austère, dites donc !
— Vous confondez le contenu et le contenant, mon
vieux. Mon livre, le contenant, est rigolo. Il parle du
monde d’Ubu, au quotidien. Le monde de l’entreprise ou
dans la vie extérieure. L’entreprise est le monde en
miniature. Il traite ce sujet grave comme une blague. C’est
mon style.
— C’est vrai, votre texte et votre style sont primesautiers,
les situations sont souvent hilarantes, et les
personnages, qui ont chacun une psychologie bien marquée,
sont rarement tristes ou désespérés…
— Parce qu’ils sont encore à se demander ce qui peut
bien se trouver derrière ce fichu chiffon rouge.
— Qu’y trouve-t-on derrière ? dis-je.
— Des habits de lumière sur des âmes de Quasimodo, :
les chefs.
— Vous y allez un peu fort ! Vous êtes anar ?
— Pas le moins du monde. Je suis un Bobo très intégré.
Le problème, c’est le retour de l’oligarchie en entreprise.
Une nouvelle caste autoproclamée, et de plus en plus riche.
Pourtant, en 35 ans, les patrons de grandes
entreprises, visionnaires et engagés, je les compte sur les
doigts d’une seule main. Les autres ? Des erreurs de casting,
des usurpateurs, mais qui ont eu accès au clan.
Cet homme énonçait ces propos sans aucune amertume
dans la voix, comme s’il parlait d’évidences. Il était temps
de conclure, j’avais assez de matière pour mon article pour
peu que je le passe de la rubrique pipole à la rubrique économique
ou, mieux, à celle portant sur la philosophie de
comptoir.
— Et le titre de votre bouquin ? N’apprends rien d’eux,
sinon tu vas mourir ?
— C’est limpide, non ?
— Certes, mais…
— Au-dessous des chefs, vivote le monde des péons,
petit peuple ayant perdu peu à peu l’espoir de souper avec
le maître. Leur rôle ? Planter consciencieusement les banderilles
selon les processus voulus. Les péons attendent en
silence, la porte ou la retraite. Ils ont le cou tordu à force
d’observer là-haut les Puissants.
— Et ? dis-je un peu perdu et impatient de conclure.
— Putain ! C’est évident ! Comme pour les taureaux
avec les matadors, n’apprends rien d’eux, sinon tu vas
mourir.

Il ne faut jamais fâcher un écrivain de cette trempe, surtout
s’il a la lubie des taureaux…

Marc Furax
Reporteur au Grand Journal de Bry


>>>>>   extrait n°4

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