Carnets de voyage
Février  2005  
Six mois en Inde
Par Claire David
Diplômée du Master Européen des Métiers du Conseil de Boulogne sur Mer


Aux premières lueurs du jour mon attention se concentra sur les paysages absoluments splendides qui se dévoilaient progressivement. Les quelques semaines de mousson avaient redonné à la nature toute sa force. Des dégradés de vert à perte de montagne ...
Inde 2

Les  étudiants en conseil de l'Université du Littoral terminent chaque année leur cycle de formation par un stage de 6 mois en entreprise. Claire David qui avait déjà à son actif des séjours professionnels en Finlande puis au Mexique avait choisi l'Inde où la société Adventity spécialisée dans l'outsourcing lui proposait de travailler sur une thèmatique Ressources Humaines.  Un moment émouvant d'Immersion dans une culture très différente de la nôtre, et qui est en passe de compter de façon majeure sur l'avenir du monde.  Récit ...


Sent: Wednesday, June 16, 2004 3:48 PM
Subject: Bien arrivée pour 6 mois en Inde


Suite à un départ un peu précipité, désolé j'ai pas eu le temps de vous dire un dernier petit mot avant de quitter le territoire français... Voila, je réalise l'un de mes rêves: poser les pieds sur le sol indien pour quelques mois...

A vrai dire, je n'ai pas été déçue par mon arrivée. Comme convenu, Raj, un collegue de travail et un copain m'ont accueillie à 1h du mat à l'aéroport international. La nuit
même, nous allâmes prendre un verre dans un prestigieux hotel du Sud de Bombay. Sur le chemin du retour, j'apercu pour la première fois ces centaines de personnes allongées à même le sol... Il pleuvait. Certains se réfugiaient sous des abris. D'autres continuaient à dormir tandis que des petits ruisseaux commencaient à se former. Cette même nuit, nous assistâmes à un accident.  j'eus donc la 'chance' également de faire un tour à l'hôpital... Ca commencait bien cette expérience en Inde... Je voulais de l'aventure, ce n'était plus le moment de faire demi tour!

Samedi
Je rejoignais enfin ce qui allait être mon appart pour 6 mois. Raj m'accompagnait en taxi. Nous traversâmes toute la ville, en plein jour. je decrouvris donc Bombay du Sud au Nord... Impressionant. Le paysage alternait entre parcs, quartiers d'affaires et bidonvilles d'une pauvreté extrême... En fait ce qui me surpris c'est que la ville n'est pas compartimentée par quartiers riches et quartiers pauvres... Elle donnait l'impression que toutes les classes sociales se cotoyaient ou du moins vivaient ensemble, ce qui est vraiment different des villes d'Amérique Latine. Au moins, on a pas l'impression d'habiter dans une prison dorée!

J'ai donc fait donc la connaissance de mes collocataires, toutes indiennes et travaillant dans mon entreprise Adventity.
Elles sont super sympas et d'amblé  j'ai pensé qu'on allait pouvoir se planifier des petits WE d'ici peu... Peut être Goa dans deux semaines... je les motivais à fond, vous me connaissez...


Dimanche
Première réelle aventure toute seule: direction le parc national pour rejoindre une autre stagiaire française. A vrai dire les alentours s'avérèrent plus interessants que le parc lui même... nous vîmes un éléphant qui marchait tranquillement dans la rue... Sur le chemin du retour je pris le mauvais bus, et ce fut à ce moment là que je réalisai qu'il fallait que j'apprenne l'Hindi, non pour l'exotisme mais pour pouvoir vraiment communiquer avec la population locale... Ici tout le monde parle quelques mots en anglais, mais avec un accent incomprehensible... Je "finalement finis" par retrouver mon chemin après quelques émotions...


Lundi
Je découvre enfin Adventity. L'ambiance est super! L'entreprise qui travaille dans l'outsourcing (externalisation d'activités, un booming sector en Inde) est en train de littéralement exploser: Ils étaient 40 employés en décembre, 300 maintenant et nous allons vers les ... 600 pour septembre! ça c'est de la croissance!.. Il en est de même avec le chiffre d'affaires, incroyable... On pourrait comparer l'entreprise à une fourmillière, ça grouille de partout... J'imagine la pression pour le département RH qui doit trouver 300 employés sur un marché où il n'y a presque pas de chômage et où les employés trouvent un emploi en une semaine... C'est completement fou et ça tombe bien car j'arrive à Adventity pour un projet en RH... Bon ce qui est moins cool ce sont les horaires: de 11h du matin à 1h du mat... non non je rigole pas et en plus ils ne font presque pas de pause...

On a plutôt interêt à se remuer en Europe car ils travaillent comme des fous, pour des salaires vraiment inférieurs aux nôtres et ils ont un super niveau en management, IT, etc...

Bon, désolé je dois filer... Merci a mes Dessiens qui sont plus que fidèles pour donner des updated news et pour les autres, on se voit bientot sur MSN ou sinon donnez moi de vos nouvelles par mail.

Namastre (au revoir en Hindi)
Clara

PS : Tient au fait, chers Dessiens, est-ce qu'on pourrait se donner un coup de main mutuel si certains travaillent sur une problématique RH ? Please, car je me sens complètement perdue pour l'instant... Certains travailleraient-ils en ce moment sur des sujets comme :
- Talent Management
- Performance Management System
- Competency Framework
- Mettre en place une balanced scorecard soit en RH mais
  également en finance ou autre...




Sent: Wednesday, July 07, 2004 3:04 PM
Subject: Goa...

Suite de l'épopée indienne. Comme il est arrivé par le passé, please let me know au plus vite si vous ne souhaitez pas recevoir mes longs mails qui pourraient encombrer votre boite ou autre... Ainsi donc le week-end dernier expédition de trois jours dans la région de Goa, à 12h au Sud de Bombay.A je ne sais  vraiment
pas combien de kilomètres, mais de toutes façons en Inde on compte en nombre d'heures d'avion ou de train puisqu'il arrive régulièrement de faire 300km en 9h. Récit:

On était vendredi après-midi, un air de week-end planait à Adventity. Oui oui ça peut arriver, même avec les workalcoholic de Bombay. Les préoccupations du moment se concentraient sur la commande de pizzas chez Pizza Hut, qui entre nous pense «plus local» que «global» niveau goût: curry, épices... ils la feraient presque grâtiner au Dal!.. purée de lentilles que les indiens mangent à chaque repas. A ce moment là, mes propres préoccupations se focalisaient sur les billets de bus pour Goa. Le matin même, j'avais enfin décidé ma colocataire à prendre un sac et à y fourrer quelques vêtements pour concrétiser notre départ. Elle ne pouvait plus faire marche arrière. Après avoir contacté 10 agences, on finit par trouver deux tickets Vashi-Goa. Une heure de taxi nous attendait pour atteindre Vashi, mais bon, on était motivé (disons que j'avais la motivation pour deux personnes de sortir de cette tornade humaine exacerbant mon agoraphobie depuis mon arrivée mi-juin).
Donc à 20h, tchao tout le monde, Preeti ma colocataire interpella un chauffeur de taxi dans la rue en adoptant un accent le plus «bombayien» possible en Hindi. Bon effet un peu raté puisqu'il nous perdit pour gagner quelques roupies de plus. Après un petit dîner léger dans un snack on gagna rapidement la gare routière, enfin grand mot, un bout de trottoir où s'alignaient des bus de première classe avec des bus d'Etat, équivalent des autocars qu'on devait avoir dans les années 60 en France - 100% authentique sans aucune retouche depuis, je vous assure! Après une heure d'attente et une bonne averse de 30 minutes comme le veut la saison, notre bus climatisé arrivait, vers 23h. Super confort avec bouteille d'eau et couverture fournies à la montée, ça ne laissait pas présager le voyage qui nous attendait. En quelques minutes je plongeais dans un profond sommeil avant d'être réveillée vers 5h du matin. Je venais de méchamment me cogner contre la vitre à cause d'un virage pris un peu violemment. On était dans une zone montagneuse, avec des routes assez escarpées (Marlene tu
ne devineras jamais! Je me suis refait une virée style Oaxaca/Puerto Angel par les montagnes au Mexique. Même sensations! Bon cette fois-ci en bus première classe sans trou dans le pare brise mais la route était encore plus mauvaise).

De 5h jusqu'à 11h du matin, je n'ai pu refermer les yeux. Dans un premier temps, car j'étais tout simplement tétanisée sur mon fauteuil à chaque fois qu'on prenait un virage tous les 30 minutes. Puis aux premières lueurs du jour, mon attention se concentra sur les paysages absolument splendides qui se dévoilaient progressivement. Les quelques semaines de mousson avaient redonné à la nature toute sa force. Des dégradés de vert à perte de montagnes, des rizières en escalier. Et bientôt alors que la lumière s'affirmait, des traces humaines dans les
champs, les femmes pliées en deux pour piquer un à un les plants de riz et les hommes derrière les boufs pour labourer les lopins. Honnêtement, mon regard encore vierge d'un tel spectacle, ce fut un trésor ce matin là!


Vers 11h, nous arrivâmes à Panjim qui allait être notre port d'attache et de repos au cours de ce week-end. Nice petite guesthouse toute simple, mais très propre. La première journée s'écoula tranquillement, tout en découverte des traces portugaises encore très présentes: azulejos, maisons colorées, églises catholiques... ça sentait même le poisson grillé comme sur certains quais portugais. Un "Monsieur" vint même m'accoster tout sourire en me demandant «êtes-vous portugaise»? Une population différente de Bombay, nonchalante, et peut-etre plus occidentalisée, des femmes de tout âge préférant la jupe au Saari. Ne serait-ce pas l'endroit idéal pour que je sorte pour la première fois une jupe sans avoir l'impression de déroger aux moeurs?

Vers 17h, petite sieste qui se prolongea finalement jusqu'à 21h. Quelques heures de sommeil à rattraper peut être.


Le lendemain, de nouveau on n'ouvrit les yeux que vers 12h.
Du coup, il fallait optimiser notre journée. Location d'un Rickshaw qui nous balada dans le nord de la région de Goa. Magnifique, nous commençâmes par la majestueuse église du Old Goa, puis plus exotique pour moi deux temples hindous perdus au milieu des cocotiers et des bananiers. Ma colocataire, passionnée par l'histoire des divinités hindoues commença à me raconter quelques aventures de Shiva, Rama, etc... Honnêtement dans un tel cadre, je n'avais pas de mal à construire ma propre représentation des personnages. Cette philosophie est si différente, si suprenante à première vue. Preeti exécuta quelques rites avant de se marquer le front en jaune et rouge.

On prit finalement la direction de Fort Aguada et des plages mytiques, je fus finalement déçue par les plages, certes, les paysages étaient beaux, avec des cocotiers, mais le sable pas vraiment fin et surtout une ambiance bizarre à l'approche du village. Peut etre simplement une ambiance de hors saison.

Après un très bon resto où nous devions goûter les spécialités goannaises et échappions de nouveau à une sacré averse, nous regagnâmes finalement l'arrière pays et son aspect plus authentique.

Lundi,
long petit déjeuner dans un restaurant sympa avec de la musique du Cap Vert (!), où l'on prit le temps de lire pendant quelques heures avant de partir à la recherche d'un autre bookshop pour plus de lecture.



Vers 18h30
On rejoint la petite gare de Old Goa. Au grand désespoir de
Preeti, outre la 2e classe sans climatisation (la moins cher) toutes les autres classes étaient complètes, pourtant elle questionna un moment (Air conditioned 1-2e class, sleapers. plus rien). Preeti vient d'une famille qui a beaucoup de pouvoir au Kerela, Etat du Sud de l'Inde, là-bas, elle ne se promène jamais sans garde du corps. Donc pour une habituée de l'avion, elle allait faire un grand écart en prenant l'équivalent d'une classe 18 dans un TGV français (et encore avec un service de nettoyage en grève depuis quelques années!.


Au départ j'ai trouvé ça super sympa. Cette impression de rentrer dans la routine de dizaine d'indiens qui font peut-être le même voyage depuis des années... Après quelques minutes, une ambiance commença à se créer, renforcée par le fait qu'il y eut une inondation dans notre compartiment. Avec la pluie de la mousson, une fissure au plafond laissait échapper un filet d'eau qui rentrait dans les vieux ventilateurs du coup, tout le monde eu droit à la douche (on finit pas boucher la fissure avec du papier journal). A cela il fallait ajouter les gouttelettes reçues par les portes ouvertes du train (on ne ferme pas toujours les portes pour créer d'autres courants d'air). Bon cet épisode fut assez marrant, mais par contre lorsque je vis toutes sortes d'insectes sortirent avec l'humidité, j'ai commencé à déchanter. Il y en avait de toutes les tailles, ils montaient sur les murs, les fauteuils. Honnêtement même en essayant de me résonner ('la petite bête
ne mangera pas la plus grosse !'). je continuais à faire des grimaces,surtout en imaginant la nuit qui nous attendait sur les sleapers. Maintenant Preeti se moquait de moi avec mon leitmotiv «vive la vie pleine de contrastes!».

Apres avoir attrapé des puces cette même nuit dans le train (vous inquiétez pas j'ai pris 5 douches le lendemain !), je rajouterai : «vive la vie pleine de contrastes tout en gardant un minimum d'hygiène». Et oui c'est qu'on prend de l'age (j'aurais 23 ans dans 11jours au passage, on oublie toujours les 'juilliens' !), on perd de sa routardness !!!!! sniff. Ne vous inquiétez pas je vais me reprendre, il doit bien y avoir une 3e classe dans certains trains.


A la prochaine. Merci pour vos news, alors Marlinou, t'es partie combien de temps en terres celtiques ? et petite Steph, des news des Paraguayens aux tendances aryennes peut etre es tu dans el Chaco ? Les filles vous me faites regretter de ne pas avoir visité Vera Cruz, moi aussi je voulais faire du jet de mer à Goa, mais les vagues étaient trop énormes (bon plan entre nous l'étiquette d'européennes, j'aurai trop voulu vous voir partir de l'hotel 5* avec vos sacs plastiques accrochés aux sacs à dos). Bon le mois prochain c'est la cote Pacifique avec un petit plongeon autour des tortues de mer à Puerto Angel!!! J'ai le nom du club de plongée si besoin. «A huevo Mexico!»

A tous, bon stage, bon village pro accompagné de Veuve Cliquot pour un certain, bonne nage avec les requins, bonne continuation en bref !

Clara


Bonjour,
La comparaison entre le temps tropical lillois et indien vient à point Aurélie... ça fait une semaine que c'est le déluge, et ici ça veut dire, des gouttes qui font mal tellement elles tombent avec violence et intensité... Le matin, on enjambe les torrents qui coulent sur les rues, lorsqu'on ne trouve pas de pierres pour sauter de l'une à l'autre, il faut mettre les
pieds dans 20cm d'eau boueuse qui transporte tous les détritus (pas d'égouts bien sûr... )

L'espèce de périph que je trouvais déjà assez défoncé avant la mousson, est presque impraticable par endroit avec des trous énormes remplis d'eau, bientôt le chauffeur nous demandera de sortir pour alléger le poids du rick!

Je peux vous assurer que lorsque le bruit de la pluie et le sifflement des bourrasques à travers les fenêtres viennent vous réveiller le matin, la seule chose qu'on aurait envie c'est: RESTER AU LIT...

Les pluies sont si fortes cette année que Bombay est isolée de tout de le reste du pays et même pour circuler dans la ville, il y a des barrages partout... A part ca, tout va bien, j'ai annulé tous les plans de voyage jusqu'a à la fin du mois d'août... Donc on verra pour les vacances en septembre sniff ... Les indiens continuent à me taquiner en me faisant mesurer la chance que j'ai de vivre une telle mousson de l'intérieur... Ils sont complètement fou d'aimer autant la pluie... Dans tous leurs clips ou films, des qu'il y a un moment de bonheur ou romantique, il se met à pleuvoir... J'ai peut être un élément d'explication à cette aberration: ici la population est encore à plus de 80% rurale, dans certaines régions, c'est la seule période de l'année qu'il pleut. Donc pour eux PLUIE=SURVIE - SECHERESSE=FAMINE... Ceci est le starting point, car s'il ne pleut pas assez l'Etat doit accorder des subventions aux agriculteurs, l'économie entière est affectée ainsi que les
finances publiques d'où un risque de déstabilisation politique.

La mousson prend d'autant plus d'importante cette année qu'il vient juste d'y avoir un changement de gouvernement qui s'est passé dans de drôles conditions car l'élue favorite, Sonia Gandhi, n'a finalement jamais accéder à ses fonctions car elle avait trop de sang italien apparemment...

Sur ce, je souhaite bonne vacances à certains et puis pour les autres, continuons à mutuellement nous motiver... Dans tous les cas, profitez bien du soleil sur le plage ou simplement en appréciant un bon café en terrasse!
Claire


Sent: Tuesday, September 28, 2004 12:37 PM
Subject: Une longue bouffée d'air

Si les indiens n'excellent pas aux JO, ce sont de vrais marathoniens au travail, notamment dans le secteur de l'outsourcing (externalisation de services). Mon directeur RH avait pourtant omis de mentionner ce rythme effréné en remplissant ma convention de stage. Une course de trois mois, avec un rythme de croisière de 14h de boulot par jour ; après un bon rendement au cours des premières heures de travail,le galop se transformait quotidiennement en trot ou même au pas lorsque la fatigue m'enivrait dans les abysses de la nuit profonde et poussiéreuse... Au bout de quelques semaines, je me laissais porter par ce rythme de croisière. Apres des mini révoltes de bon sens pour une meilleure efficacité (10h auraient largement été suffisantes), je cessais également de m'obstiner à vouloir introduire un grain de ponctualité dans mon entreprise, j'acceptais également ce manque de transparence, et de ne recevoir les informations qu'au compte goutte pour mon projet. C'était peut être ça l'adaptation au «management à l'indienne» ou du moins «au management de ma start-up bombayienne»: accepter de vivre dans l'entreprise, pour son entreprise tout en se soumettant à une incertitude continue. La sensation de vivre sur un radeau, là où l'on concentre tous ses espoirs et son énergie, la dérive reste maîtrisable à court terme mais l'horizon, indiscernable et inexpliqué, constitue un grand inconnu. Le challenge consiste alors à saisir les opportunités dans le maîtrisable à court terme pour essayer d'orienter l'embarcation en sa faveur!
Et dire que ma mission consiste à rationaliser les processus RH (!)


Bon, je vous avoue que la description est un peu exacerbée mais pas si loin de la réalité!
Tout cela pour en venir à cette respiration de quelques jours dans le Nord de l'Inde. Un souffle coloré de douceur, de diversité, de rencontre, d'émerveillement. Une escapade qui redonnait du sens à cette expérience en Inde.

Je fis d'abord escale au Rajasthan. Mes yeux encore voilés par le sommeil se laissèrent séduirent par ces flashes de couleurs: verts comme les oasis verdoyant après deux mois de mousson, rose fushia comme les turbans des Râjasthânis, blanc comme la fumée s'échappant des tasses de thé posées sur ce sol rouge argile. Il faisait chaud, mais cette escale fut une bouffée d'air et de repos: villes à taille humaine (Udaipur et Jaipur), moins polluées, montagnes, des habitants prenant le temps de respirer la vie. J'ai aussi  fait la rencontre d'un chauffeur de rickshaw super sympa qui m'a présenté à sa famille (150 membres !) habitant dans des baraquements. De fil en aiguilles, me voila donc un soir donnant des cours d'espagnol à l'un de ses cousins sur un lit en plein air! En échange, sa mère me prépara un bon chai masala (thé épicé indien).

Je pris ensuite la direction d'Agra pour visiter le merveilleux Taj Mahal. Un mausolée de dentelles gigantesque dédié à un amour perdu. Merveilleux spectacle.

Enfin, la dernière étape du voyage tant attendue arriva, excitation et appréhension s'enchevêtraient : Varanasi - ville sacrée au bord du Gange. Tous les hindous rêvent d'y venir au moins une fois dans leur vie pour se baigner dans les eaux sacrées du Gange mais surtout s'y faire incinérer. A mon arrivée, j'eus soudain l'impression de découvrir l'Inde dans son extrême, extrême pauvreté, saleté, bruyance, insalubrité, mais aussi extrême spiritualité, pureté dans les rapports humains, couleurs, odeurs. une escale incroyable.

Cette ville réservait des spectacles à chaque instant de la journée. Aux premières lueurs du jour vers 6h, les indiens venaient en foule pour se baigner, se purifier, méditer, se laver, faire leur lessive. le Gange se transformait alors en salle de bain multifonction. Au cours de la journée, Varanasi redevenait une ville comme les autres enfin presque. Le dentiste préparait un dentier pour l'un de ses patients, et lui
installait à la vue de tous les passants dans la rue - un nuage de poussière venant optimiser la stérilisation (!);les tisseurs de soie travaillant dans la peine ombre de leur atelier ; les vaches sacrés déambulant au rythme de leur métier à tisser. chacun avait sa place dans cette ville, même le touriste avait son rôle en tenir en jouant à cache cache avec les vendeurs
de pacotilles. Puis la nuit venait envelopper la ville lui donnant un autre visage ; commençait alors une incantation de moines hindous au bord du fleuve. La foule cosmopolite en aurait presque oublié d'inspirer, de la grand-mère hindoue qui réalisait son rêve ultime au jeune touriste novice des pujas(célébrations indiennes), tout le monde était fasciné par la danse du feu, des pétales de fleurs, de l'eau. Puis enfin le silence. Dans l'obscurité la plus profonde (la ville est
régulièrement privée d'électricité), ne subsistait qu'un filet blanc. Une fumée qui ne s'est jamais arrêtée depuis des siècles, celle qui permet aux hindous de libérer leur âme du cycle de la réincarnation.

Un soir, avec beaucoup d'appréhension je m'approchais en barque du Ghât des crémations. Ca faisait deux soirs que je regardais de mon hôtel cette fumée blanche s'envoler, sans bruit, sans aucune odeur. En contournant encore une façade, je découvrais cette scène de vie (et non de mort). De manière très organisée
(une organisation à l'indienne entendons-nous!) des groupes d'hommes venaient immerger le corps inerte dans les flots du Gange puis attendaient l'embrasement du bûcher et enfin la famille veillait pendant des heures que le feu se consume.
Pas de pleurs, pas de pas plombés par la douleur, non au contraire, tout le monde s'afférait, il fallait aller chercher les fagots de bois, préparer le feu. Cette animation et ses couleurs donnaient l'impression que la mort faisait partie intégrante de la vie et non pas une rupture, un instant en apnée dans le quotidien des vivants. Une scène qui reste dans mon esprit à la frontière de l'imaginaire et du réel.


Désolé pour ce dérapage de ma plume qui s'est soudain mise à virevolter après avoir été plutôt silencieuse depuis le début de cette expérience. Beaucoup de choses à engranger et à maturer avant d'être capable d'exprimer vraiment.

Toute ma tendresse à chacun d'entre vous
Claire


Claire David


Images et textes:    Claire David transmis par Jean Linchaix,
                             Master Européen des Métiers du Conseil


Pour Info:
Whoswoo: Claire David
Contact Claire David: clitzaat@yahoo.fr

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