Forum
Février 2005 
Gestion de la Relation B to B
A trop vouloir gagner ne risque-t-on pas de tout perdre?
Par  Michel Goyhenetche

Comment se structure la relation client dans la situation de plus en plus classique d'un fournisseur dominé par son client? L'exemple de la relation entre gros donneurs d’ordres et sous-traitants laisse craindre le départ innéluctable de la sous-traitance vers les pays Low Cost. Au bout du compte restera-t-il encore quelques entreprises ? A trop vouloir gagner, ne risque-t-on pas de tout perdre?

Les nouveaux comportements de l'acheteur
La mondialisation de la compétition qui accroît la pression, la montée de nouvelles réglementations, les exigences des actionnaires, la possibilité d’acheter des équipements dans les pays Low cost, ont conduit les grands donneurs d’ordres à revoir leurs structures de coûts et ont provoqué des ruptures dans les modes de relation avec leurs fournisseurs et sous-traitants.

La montée en force des "acheteurs", qui s’est faite principalement à partir des années 1990, a fondamentalement changé les rapports entre les acteurs. Le modèle développé par les services Achats dans l’Automobile ayant fait école, avec ses méthodes  parfois brutales, c’est tout un monde, traditionnellement conçu autour de la relation de technicien à technicien, qui s’est écroulé en faisant fi du passé et des liens qui y avaient été tissés. La recherche de nouvelles économies s’est ainsi faite dans un contexte de rapports de force qui allait de paire avec une dégradation de la relation. Ce qui n'est pas sans conséquences.

En effet, lorsqu’elle est basée sur le postulat qu’il y a quelque chose à "arracher" à l’autre, la relation se construit autour de la méfiance, et implicitement sur l’idée que l’autre est un adversaire : Les conséquences du développement de ce parti -pris dans les façons de travailler ont été profondes, créant souvent un certain désarroi chez les sous-traitants et les PME en particulier, face aux grands donneurs d’ordres,.


Qu'est-ce qui a changé ?
Dans le cadre de «l’Objet de la fourniture», le client donneur d’ordres exprime son besoin, au travers des liasses de spécifications nombreuses et lourdes, parfois superfétatoires. Il structure sa demande, en cherchant à concevoir des plates-formes de consultation devant permettre de mieux comparer les offres de prix reçues. La démarche est d’autant plus organisée que le produit correspondant à la fourniture est à maturité. Ce type de comportement, enferme les fournisseurs et les sous-traitants dans un univers de contraintes, qui limite l’initiative de ces derniers. Tout apparaît comme si les acheteurs cherchaient à réduire les espaces de négociation. Ce comportement d’enfermement, dans un jeu de spécifications fortes est peut-être favorable à la qualité, mais il  est néfaste pour le coût s’il devient excessif. Et que dire de l'innovation lorsque tous les degrés de liberté ont été annihilés et les conditions d'échec spécifiés par écrit ? Cette inflation des spécifications masque souvent un appauvrissement de la capacité des acheteurs à maîtriser la technique. Elle est une protection, un écran sensé les protéger. Cette évolution des pratiques s’accompagne du transfert d’une partie accrue du risque vers les fournisseurs.  Ainsi, l’imposition de spécifications de plus en plus nombreuses enferme les Sous Traitants dans un corps de contraintes qui réduit les espaces de négociation et d'innovation qui au bout du compte se révèle contraire à la baisse des coûts.


Le contexte des « Conditions de mises à disposition ».
Dans de nombreuses grandes structures, on est surpris de voir combien l’acheteur se couvre, combien les comportements exprimés relèvent des stratégies de protection en interne. Il en est ainsi d'un point précis que l'on appelle les "conditions de mise à dispositioin". Ici également, le client donneur d’ordre exprime ses exigences de manière formelle, avec la volonté de ne pas laisser place au hasard, d’éviter le risque. Il pratique ainsi de plus en plus  les appels d’offres à "coût objectif", avec souvent des exigences de baisses de prix jusqu’à 20 – 30%. Cela effraye les fournisseurs jusque-là habitués à des relations plus équitables, entre techniciens et conduit sur la simple base de l'effroi à une acceptation. A la question posée à un acheteur, « Pourquoi demandez–vous moins  20 % ? la réponse est en général: « Parce que je les obtiens ». On est là dans le plus pur style de l'abus de pouvoir: "Pourquoi avez vous abaissé la température de votre patient de 5 degrés" ? Réponse " Il consomme moins quant-il est froid, de plus il ne s'y est pas opposé" ! Il est vrai que les gains demandés ont été obtenus le plus souvent car ils existaient quelques fois à l’état latent, et la plupart du temps cachés du fournisseur  lui-même…


Un durcissement des relations au bout du compte...
La pression sur le prix, le refus de négocier, conduisent à durcir aussi les rapports et rendent la communication difficile.  Parce que l’interlocuteur est de plus en plus l’acheteur, celui-ci refuse le dialogue technique, il impose des règles financières. Le fournisseur perçoit cette attitude comme une forme de mépris et redoute la versatilité du donneur d’ordres. Dans ce contexte le client a tendance à banaliser le fournisseur qui n'est même plus "agréable", à le traiter comme une ressource objective, déshumanisée. Le patron de PME qui compte justement sur la qualité de la relation construite avec l’acheteur pour conserver durablement son client, en est généralement très décontenancé.


... et l'arrivée inéluctable des Low cost
Cette évolution se fait donc aux dépens des plus petits sous-traitants qui sont plus limités sur le plan des compétences et des moyens humains, malgré les énormes progrès réalisés ces vingt dernières années. Ils sont pourtant indispensables à l’économie car ils apportent la souplesse qui est nécessaire à son fonctionnement. Leur disparition sans discernement va donc sans aucun doute fragiliser les plus grosses unités de la sous-traitance ; celles-ci ne seront plus épargnées à terme par le développement des achats dans les pays Low cost parce que ces derniers maîtriseront de mieux en mieux la conception et la complexité sur les chantiers de réalisation. Aussi, comme l'assemblage final fait le plus souvent appel à moins de technicité que les éléments sous-traités, il est à craindre toutes les activités, par un jeu de domino orchestré par les Services Achats ne partent vers les Low Cost. A trop vouloir ganger, ne risque-t-on pas de tout perdre?

Michel Goyhenetche
pour ConsultingNewsLine


Pour Info:
Michel Goyehenetche, Ingénieur,  est spécialiste du Management et du Marketing de l'Innovation. Membre et ancien administrateur de l'UNATRENTEC, il est un des grands spécialistes de l'Innovation de la place de Paris et ce depuis plus de 20 ans.
Michel Goyhenetche est l'auteur de l'ouvrage "Le Marketing de la Valeur" aux éditions INSEP et a participé à la rédaction de plusieurs ouvrages dont "de l''Idée au Produit" chez Eyrolle et "La Qualité en Conception" aux Editions de l'AFNOR.

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