Livre
Dec 2007
 

Commentaires sur l'ouvrage de Philippe Montigny :
L’entreprise face à la corruption internationale. Droits, risques, stratégies, enjeux

par Marina Glamotchak


Préfacé par François Périgot, le livre de Philippe Montigny "L’Entreprise face à la corruption internationale", devrait faire date en raison de son concept d’intelligence éthique en matière d’intelligence économique...

Partagé en trois grandes sections, incluant les points de vue de personnalités compétentes en matière d’anti-corruption (Mark Pieth, Rémy Robinet-Duffo, Jean-Pierre Vidon, Abdoulaye Bio Tchané, etc.), documenté par des textes de jurisprudence internationale et une bibliographie sélectionnée, l’ouvrage
de Philippe Montigny paru chez  Ellipses (Paris, 2006) professe une nouvelle manière d’engagement de l’Etat, de l’entreprise et des dirigeants en matière de responsabilité, d’initiative, de respect de la loi, de transparence et de déontologie face à la mondialisation économique.

Dans ce livre (de 771 pages), l’auteur unit ses différents parcours – formation en philosophie et diplomatie - auxquels il associe habilement le droit. Après avoir participé aux négociations de la Convention anti-corruption de l'OCDE en tant que membre du cabinet du Secrétaire général à la fin des années 1990, Philippe Montigny préside aujourd'hui ETHIC Intelligence (http://www.ethic-intelligence.com), cabinet de certification de dispositifs anti-corruption et anti-blanchiment pour les entreprises.

Déjà dans son livre précédent Lutter contre la corruption. Un impératif pour le développement économique du Bénin, co-écrit avec Abdoulaye Bio Tchané, ancien ministre des Finances du Bénin et actuel Directeur Afrique au FMI (publié chez L’Harmattan en 2000), Montigny s’est imposé comme une figure incontournable dans la lutte contre la corruption.

« La lutte contre la corruption dans les transactions internationales est à l’évidence un combat juste et nécessaire. C’est un combat qui est porté par l’exigence d’éthique de nos concitoyens qui savent à quel point la corruption est dommageable au développement, à l’émergence ou à la consolidation des démocraties… », soulignait à juste titre l’auteur dans le Préambule de son livre, en insistant sur le fait que des changements radicaux sont intervenus depuis septembre 2000 dans le paysage national juridique et que, désormais, la corruption internationale fait courir à l’entreprise (et à ses dirigeants) un risque pénal. En effet, la ‘bonne’ pratique de ‘rémunérer pour service rendu’ était installée de longue date en France ; d’ailleurs, les commissions payées à des agents publics étrangers en marge de marchés internationaux pouvaient être déductibles fiscalement. Mais, depuis la transposition de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption en droit français (2000), ces mêmes commissions font courir un risque pénal, allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement pour le dirigeant de l’entreprise. La règle reste la même si ladite commission a été versée par un intermédiaire.

L’enseignement de Philippe Montigny est que les entreprises, en s’internalisant, doivent se donner les moyens d’évaluer les risques (pénaux ou extrajudiciaires) liés à la corruption, faire le point sur les outils permettant de se protéger, y compris contre une allégation ou une accusation de corruption.


Corruption et intelligence économique
En considérant l'actif immatériel d'une entreprise (savoir-faire, capacités d'innovation, ressources informationnelles, en général) comme essentiel au développement de l’entreprise, l’intelligence économique met en évidence la valeur éthique que l’entreprise doit nécessairement défendre.

Plus précisément, en raison de sa forte contribution à l'image de l'entreprise, l’actif immatériel, voire le patrimoine éthique, procure un avantage compétitif qui est souvent décisif sur les marchés. Pour progresser, l’entreprise doit sans cesse inspirer confiance à son environnement et donc rassurer ses clients, les marchés financiers ou ses collaborateurs.

La corruption, quant à elle, d’une part, génère un climat général de défiance et, d’autre part, amène l’entreprise à courir un risque pénal. Toute atteinte à la réputation de l’entreprise affecte directement sa valeur, en portant gravement atteinte à son image. C’est pourquoi l'intelligence économique prête autant d’attention à la défense du patrimoine éthique de l’entreprise. En s’inscrivant dans cette perspective, Philippe Montigny, par le biais de son cabinet ETHIC Intelligence, offre aux entreprises la possibilité de certifier, protéger et valoriser leur capital éthique, en attestant de la qualité de leurs dispositifs de prévention de la corruption, d'anti-blanchiment et de Due diligence.
« Défendre le patrimoine éthique de l’entreprise relève donc de l’intelligence économique au même titre que la protection des brevets et des informations stratégiques. » écrit l’auteur (p. 232).

Le préalable à toute démarche d’intelligence, qu’elle soit de nature économique ou éthique, consiste à identifier clairement les risques dus à la corruption. Or, c’est une erreur considérable d’analyser les risques que fait courir la corruption uniquement sous l’angle de la légalité, dans une perspective pénale. Une ‘simple’ allégation de corruption, une évocation de corruption infondée peut considérablement déstabiliser une entreprise. Si l’entreprise n’a pas élaboré une gestion de crise, si elle n’est pas prête à réagir à des allégations de corruption virtuelles, elle peut courir un risque important également du point de vue de son développement stratégique.


Prévention de la corruption : face au risque d'une accusation de corruption virtuelle
Dans la première section, le livre nous guide dans le texte ‘révolutionnaire’ de la Convention anti-corruption de l’OCDE, montrant ensuite l’application de la Convention en France ainsi que celle des autres conventions internationales sur l’anti-corruption.

Une entreprise qui se projette dans une stratégie de développement à l’international doit-elle considérer la prévention de la corruption comme un élément indissociable de son capital éthique ? Avec une habilité didactique, Philippe Montigny nous montre les risques qu’une société peut courir vis-à-vis de la corruption (réelle ou virtuelle), du blanchiment ou encore de problèmes extrajudiciaires.

Si le droit fait clairement la distinction entre le légal et l'illégal, l'opinion publique fixe elle-même ses règles pour ce qu'elle considère comme licite et ce qu'elle veut sanctionner. De plus, devant la mondialisation de l’économie, l’opinion publique relève une exigence de moralisation des marchés, souligne à juste titre Montigny dans son livre Entreprise face à la corruption internationale (p. 236). Il nous invite à nous rappeler de la réaction violente de l'opinion publique internationale concernant l’entreprise Arthur Andersen LLP (basée à Chicago et spécialisée dans l'audit financier et comptable), dont la réputation a été mise en cause lors de l'enquête criminelle menée sur les comptes de la société Enron.

Si elle ne met pas en oeuvre des moyens pour lutter contre une allégation de corruption, l’entreprise invalide ses propres efforts, et pas strictement de nature économique. L'hypothèse d'un acte de corruption est en mesure de détruire toute une chaîne de valeurs que l’entreprise a créées. Mais l’entreprise n’est pas une variable statique : elle bouge dans un monde qui bouge sans cesse. Elle se trouve devant une acquisition, une fusion, un développement stratégique, à la recherche de nouveaux actionnaires, devant un appel d’offres, etc., dans les « guerres » économiques qui se jouent sur la scène internationale. Une accusation gratuite, anonyme, peut détruire à jamais des années d’investissement et de bonne conduite de l’entreprise.

Le livre ne manque pas d’exemples : l’histoire de Titan reflète de façon particulièrement instructive le risque que court une entreprise n’ayant pas mis en œuvre de dispositifs pour lutter contre l’allégation de corruption. Il est donc de première urgence pour une entreprise d’envergure internationale de se doter de moyens qui soient en mesure de couper court à une allégation de corruption. D’autant plus que l’ajustement international sur les standards, même s’il n’est pas encore obligatoire en Europe, représente une réelle sécurité pour les entreprises internationalisées. L’intelligence économique, en passant par l’intelligence éthique, souhaite que l’entreprise soit en mesure de pouvoir démontrer à tout moment l’intégrité de son comportement et de ses procédures. La multiplication des chartes, codes de conduites et autres dispositifs engage la valeur éthique de l’entreprise.


Quelle stratégie pour la protection du patrimoine éthique ?
Face à cette question et sachant, en même temps, que rien ne sert de prévenir seulement la corruption ou même de lutter contre le blanchiment, Montigny s’engage vers la recapitalisation du patrimoine éthique, partie intégrante de l’actif immatériel de l’entreprise, en offrant à celle-ci une solution plus transparente : la certification. Dans son livre, construit d’une manière plus générale autour des risques et besoins de l’entreprise face à une crise produite par la corruption, et plus particulièrement sur le site de ETHIC Intelligence, on trouvera l’explication des certifications ainsi que leur procédure.

Les certificats, délivrés par ETHIC Intelligence, dont Philippe Montigny est le président fondateur, ont pour objet de protéger au mieux le patrimoine éthique de l’entreprise. La certification atteste à la fois de l'existence et de la qualité de l’entreprise en matière de dispositifs d'intégrité, afin de mettre une barrière soit à une accusation, soit à une allégation de corruption. Afin de répondre aux besoins de l’entreprise en matière de dispositifs d’intégrité face à la corruption, ETHIC Intelligence a développé plusieurs niveaux de certifications (anti-corruption, anti-blanchiment et Due-diligence). ETHIC Intelligence atteste qu’un dispositif d’intégrité, correspondant au cahier des charges de chaque certificat, a été fidèlement respecté.

M. Montigny compare cette certification au contrôle technique automobile : on atteste que les fonctions essentielles sont dans un état permettant l’utilisation du véhicule en toute sécurité, mais aucun contrôle ne garantit la vitesse que le conducteur va développer sur la route ! Face à une crise subite, aux impacts lourds, avec un caractère d’urgence, du fait d’une accusation ou allégation de corruption, les certificats de ETHIC Intelligence offrent à l’entreprise la possibilité d’attester de l'existence et de la qualité des dispositifs d’intégrité.

Il est important de souligner que les certifications concernent les entreprises dans les pays signataires de la Convention de l’OCDE sur la corruption et les entreprises domiciliées dans un pays signataire de la Convention de l’OCDE, mais avec des degrés différents (voir le site pour plus de précisions). Les certifications sont exécutées en deux temps : les audits sont menés par des cabinets d'audits, puis validés par un Comité international de déontologie composé de personnalités internationalement reconnues : François Vincke (ETHIC Intelligence Belgium), Maarten de Jong (ETHIC Intelligence Netherlands) et Philippe Montigny (ETHIC Intelligence France). Mentionnons aussi que les procédés de certification de ETHIC Intelligence ont été homologués par le Basel Institute on Governance (institut de recherche international, spécialisé sur les questions de gouvernance, de lutte contre la corruption et le blanchiment) présidé par Mark Pieth.

À l'heure du Développement Durable et de la Responsabilité Sociale des entreprises, la certification de ETHIC Intelligence valorise le patrimoine éthique de l’entreprise en en faisant un atout concurrentiel incontournable.

Pour terminer et résumer les besoins d’une entreprise à l’international, face à une crise née de la corruption (pot-de-vin, versement demandé, etc.), rappelons une phrase très parlante, humoristique, de Henry Kissinger : « Il ne peut y avoir de crise la semaine prochaine, mon agenda est plein. »


Marina Glamotchak,
Consultante en stratégie


Pour info :
Marina Glamotchak (Glamoczak), originaire de l'ex Yougoslavie, est chargée de recherche et chercheur associé à l'Institut des Sciences sociales du Politique, l’IEP/ CNRS. Elle est spécialiste des Pays de l'Est et des Balkans et prête conseil auprès des organismes internationaux et des entreprises sur les questions stratégiques concernant cette partie de l'Europe.


Livre :
L'entreprise


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