L'Invité
Mars 2009
 
AMCF Annual Meeting 2008 à New York
Interview : Henry Mintzberg

Professeur à l’Université McGill
Sherbrooke, Montréal, Canada

Henry Mintzberg, vous avez passé une grande partie de votre carrière à réaliser des recherches dans le domaine du management, vous concentrant notamment sur la structure des organisations, et vous avez publié de nombreux ouvrages sur ces sujets.  « Structures et dynamique des organisations » paru aux Editions d’Organisation en 1981est un ouvrage bien connu en France et depuis sa publication en français il est devenu un manuel de référence dans les écoles de management. Doit-on en conclure que pour vous, l’organisation est au cœur de la création de valeur et par conséquent centrale à toute richesse crée de main d’homme?

Henry Mintzberg :  Je ne dirai pas cela. Je pense qu’il s’agit d’un facteur contributif, mais cela vient aussi de l’énergie des gens, cela vient de la culture, du leadership… Je pense donc que c’est un mélange de toutes ces choses. Mais bien sûr l’organisation, c’est le grand problème, d’autant que nous ne la comprenons pas très bien.  Ainsi nous sommes dans l’erreur lorsque nous créons des organisations qui se ressemblent toutes plus ou moins.  Les nouvelles technologies s’y rajoutant, chacun est bien obligé de s’y adapter.

 
Au cours du dîner de gala de l’AMCF vous avez parlé des Managers et des Leaders et vous vous êtes attaché à bien les distinguer, donnant l’impression de favoriser le Management sur le Leadership. Peut-on développer ce sujet pour nos lecteurs ? 

Henry Mintzberg :  Je pense que cela a été une grande erreur de séparer le leadership du management. Au passage notons que Peter Drucker séparait lui aussi les managers des administrateurs avec la même idée en tête. La conséquence en est que l’on a maintenant des leaders qui ne sont pas managers. Ils ne savent pas ce qui se passe… C’est la crise des prêts hypothécaires : vous avez des gens qui dirigent de grandes sociétés et qui ne savent même pas ce qui se passe dans leur compagnie. Aussi nous avons besoin de plus de management et de le combiner avec le leadership et de surtout ne pas les séparer…


A nouveau en réference à votre discours du dîner de gala de l’AMCF il me semble que vous avez cité 3 points d’appui, disons 3 voies permettant de délivrer du conseil en management aux entreprises. Quelque chose sonnant dans l’oreille comme la gérontologie, l’éducation et l’obstétrique… Pouvez-vous préciser votre point de vue ?

Henry Mintzberg :  Il y a le conseil gériatrique, le conseil pédiatrique et le conseil obstétrique. Disons que le conseil gériatrique revient à garder en vie les vieilles compagnies malades. Il s’agit donc de soins palliatifs. Et c’est bien sûr là que se trouve et l’argent et les problèmes.  Et par conséquent pas mal d’interventions de conseil se résument à cela. Mais je ne pense pas que ceci soit aussi fonctionnel pour la société que le conseil pédiatrique qui lui concerne l’aide aux jeunes entreprises afin de les aider à croitre et à accroitre leur succès. Enfin il y a le conseil obstétrique qui lui concerne la naissance assistée des nouvelles sociétés,  celles présentant un intérêt en tout premier lieu. 


Est-ce à dire que dans les prochains mois, avec la crise actuelle, nous pourrions assister à de larges injections d’argent dans des compagnies mourantes (au détriment des jeunes pousses) ?

Henry Mintzberg :  Exactement. Nous savons depuis des décennies qu’une grande partie des nouveaux  emplois sont créés par les entreprises de taille moyenne et les petites entreprises, et non par les grosses...  Voyez dès lors combien le renflouement des grandes compagnies automobiles tient de l’ironie. Une fabuleuse ironie, nous allons sauver l’économie en laissant ces compagnies licencier encore plus de travailleurs ! 


Ce qui nous amène vers le dernier point de votre discours lequel concernait les RH et plus exactement l’usage du mot “Ressources Huamaines”.  Vous nous avez ainsi indiqué qu’il conviendrait de ne pas employer cette dénomination car toute ressource est “jetable”. Est-ce précisément ce que vous indiquiez ? 

Henry Mintzberg :  Une ressource est  une chose. Je suis un être humain. Je ne suis donc pas une ressource humaine.  Et je pense que ce genre de vocabulaire est réducteur. Appeler cela un capital humain (human capital) ou encore un actif humain (human asset) est presque pire. Les réductions d’effectifs, les licenciements en masse sont devenus courants à mesure que ce vocabulaire se banalisait. Si les gens sont des ressources, alors vous pouvez les virer tranquillement. Bien sûr certaines compagnies ont le dos au mur, mais dans la plupart des cas elles sont tout simplement moins profitables que ce que les analystes avaient souhaité.


Si vous aviez quelques derniers mots à dire à nos lecteurs sur les réductions d’effectifs et les licenciements qu’ils auront probablement à gérer dans un proche future, s’ils deviennent inévitable, quels seraient-ils ?

Henry Mintzberg :  Ecoutez,  les entreprises en manque de liquidité auront à réagir de manière radicale. Je ne peux pas en disconvenir.  Mais cela dit,  c’est un peu  facile de s’engager dans la voie des réductions d’effectifs. La plus part des licenciements sont les symptômes nerveux d’une culture managériale déjà bien malade. 


Finalement  Henry Mintzberg  vous nous avez dévoilé à New York que vous prépariez un nouveau livre qui devrait sortir bientôt en Anglais et en Français.  Pouvez-vous en conclusion nous en toucher un mot ?

Henry Mintzberg : Cela devrait s'appeler Managing et reprendre les parties sous-jacentes de mes premiers livres. C'est un retour aux sources en quelque sorte.

Henry Mintzberg, merci pour ces commentaires.


Propos recueillis par  Bertrand Villeret
Rédacteur en chef
ConsultingNewsLine


Version en anglais :
UK


Pour info :
www.mcgill.ca/

Whoswoo :
www.henrymintzberg.com/about.htm
www.henrymintzberg.com/pdf/cv-hm.pdf


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