L'expert
5 novembre 2008   


L'Effet Domino
Par Dominique Peneau Gerbaux, Protiviti


Cet automne 2008 est en mode « crise » et chacun y va de son explication. La complexité est de tenter de décrire de façon pragmatique la genèse, le déroulement et enfin les conséquences immédiatement mesurables de cette ou de ces crises sur le système économique et financier, puis de mesurer les impacts nécessaires en terme de politique de Risk Management

La crise des « subprimes » était-elle prévisible ?

Il y a plus de 18 mois tous les sous jacents à l’origine de l’éclosion de la crise financière future étaient déjà présents : surchauffe immobilière aux USA, poids des hedge funds,  manque de transparence des acteurs financiers auprès de la clientèle, réglementation de plus en plus stricte et augmentation des besoins en capital des banques.


Un effondrement de châteaux de carte ou des dysfonctionnements en chaîne

La genèse de la crise dans les « subprimes »

Le retournement du marché immobilier en 2006 a été le catalyseur du début de la crise : depuis 2000 le marché du crédit immobilier aux USA vit une explosion avec un fort souhait des ménages à faible revenu d’acquérir un logement. Le mécanisme est simple : 80% des crédits dit « subprime » accordés à des emprunteurs à faible revenu sont à taux variable, 30 ans de maturité, à des taux fixes bas la première ou les deux premières années avec une transformation en taux flottants sur la période restante exposée dès lors aux mouvements haussiers du marché.
Jusqu’en 2006 le marché de l’immobilier américain est haussier et les taux restent bas. A partir du moment où les tendances s’inversent le prix des maisons en garantie s’effondre et les taux variables montent, ne permettant plus aux ménages de rembourser : d’où une augmentation des taux de défaut, sachant par ailleurs que les crédits « subprimes » ont fait l’objet de refinancement à travers l’émission de véhicule de titrisation de type primaire type RMBS, puis secondaire type CDO, des produits structurés à rapport rendement risque important.


L’effondrement du système de notation

Le premier choc systémique est celui du marché de l’immobilier aux USA mais via la contractualisation par toutes les banques de la planète de produits « subprimes », la contamination est immédiate.
Elle est amplifiée par l’effondrement d’une part, d’un certain nombre de contreparties financières soumises à des baisses de rating voire mises en défaut de paiement, d’autre part  par la remise en cause globale des modèles de notation.


La crise de liquidité : défaut de pricing de certains produits, défiance généralisée, fin de la liquidité

La remise en cause des modèles de pricing des produits structurés (dès août 2007 les évaluations les plus courantes du risque de type VAR explosent) ainsi que la remise en cause des agences de notation, ajoutée à cela la non-transparence des banques dans leur mode de communication, voire une communication erronée, font que s’instaure une totale défiance entre les acteurs. Sans confiance le système financier ne peut plus être liquide. Les banques refusent de se prêter entre elles, sachant que, suite à la faillite de Lehman Brothers aucun acteur financier n’a la certitude d’exister encore le lundi d’après… !

Une crise de liquidité couplée d’une crise de capital :
Les nouvelles réglementations (Bâle II, IFRS) peuvent être certes considérées comme plus consommatrices de capital qu’auparavant, mais surtout les provisions pour dépréciation alourdissent la facture en besoin de capital.


Les banques centrales et les états au secours du système financier mondial

Les banques centrales permettent de réinjecter des liquidités dans le système et surtout reprêtent aux banques qui ne se prêtent plus entre elles.

Par ailleurs les provisions pour dépréciation nécessitent une forte augmentation des capitaux propres des banques, celles-ci ayant déjà des ratios de capitalisation à la limite des impératifs imposés par le Tier one Bâle II à 8%.

Les montages étatiques, prise de participation directe dans les banques ou création d’une structure ad hoc de recapitalisation ont ainsi permis d’éviter le blocage total, une autre crise de 1929.


Le risque du « crédit crunch »

Même si l’on peut espérer que ces mesures fortes permettront de sauver la planète financière, le mot chuchoté de récession se fait attendre. Les deux moteurs de la croissance sur une économie au ralenti étaient en effet le crédit à la consommation et la spéculation immobilière.

Le coût du crédit est de plus en plus cher pour les banques, avec des taux tendus et un risque de défaut élevé, il est clair que même s’il est malhabile de parler aujourd’hui de « crédit crunch », la politique de distribution du crédit, aussi bien à l’égard des particuliers que des PME, sera demain bien évidemment plus restrictive.


Une récession économique, vous dites ?

L’économie occidentale se trouve aujourd’hui dans l’état d’un brownie rance mais qui aurait encore des acheteurs à l’étalage grâce à une épaisse couche de chantilly illusoire en l’espèce, les bulles du crédit à la consommation et du marché de l’immobilier.


Mais qui est responsable ? Back to reality

Il est temps de trouver des responsables : la chasse au trader est aujourd’hui très à la mode, sauf que la politique de trading et les limites de positions des différents books sont validés par les directions générales, qui elles-mêmes sont à priori contrôlées par les autorités de tutelle…

La remise en cause du système libéral ou le tout état :
Cette crise financière mondiale et la récession qui en découle mettent un terme à la libre économie de marché et au juste prix ; néanmoins, bien que l’action des états et des banques centrales aient permis un certain retour à la normale, il semble illusoire d’imaginer un système financier tout étatique. Le problème est aujourd’hui la recherche du nouveau modèle : tant que la direction n’est pas donnée et que les différents acteurs restent méfiants quant à l’état de santé de leurs contreparties, la fluctuation des bourses restera fort importante.


La fin d’un monde occidental qui a vécu au dessus de ses moyens

Le taux d’endettement des occidentaux et de leur état a explosé, on parle de 20 000 EUR pour chaque français, de 170% de son revenu pour un américain…
Le monde occidental a vécu au dessus de ses moyens financiers les dernières années en oubliant de prendre en compte les dysfonctionnements structurels et économiques de la société, dans une économie déclinante qui a sous-traité les bases de son économie auprès des pays en voie de développement.

Le monde financier n’est pas une bulle virtuelle mais le reflet du paysage économique et les deux modèles semblent se redessiner.


Et le Risk Management dans tout ça ?

Allons-nous vers plus de régulation ou une régulation plus adaptée et mieux contrôlée : Bâle 2 est décrié, on remet en cause le principe de tout Fair Value pour la fin de l’année…

Les réformes réglementaires impactant le monde financier ont été lourdes ces dernières années et n’ont pas empêché un emballement du système. Trop de régulation tuerait elle la régulation ?


Une évolution du Risk Management du quantitatif vers le qualitatif

Les modèles et méthodes d’évaluation du risque ont atteint leurs limites : ils sont aujourd’hui pointés du doigt. Néanmoins, n’est ce pas l’exploitation de ceux-ci sans prendre en compte leurs limites, la prise de décision sans formation voire information préalable, le non-respect des procédures de contrôle et des processus, la simple leçon de ces dysfonctionnements ?

La réforme Bâle II a été mise en place sans aucune politique en terme d’accompagnement et de conduite du changement, les équipes n’ont pas été formées ni sensibilisées à la culture du risque, les processus en place n’ont pas été contrôlés…

Le Risk Management de demain est la prise en compte et la familiarisation à la culture du risque du haut en bas de la hiérarchie, avec une considération toute particulière à la personne humaine et ses risques de défaillance, difficile à mettre en équation.

Le challenge des cabinets de conseil sera d’aider les institutions à la mise en place d’une politique qualitative de Risk Management et de culture du risque.




Images :
Courtoisie Protiviti 2008

Whoswoo :
Dominique Peneau Gerbaux

Pour info :
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